les notes de lecture


 


Entre mère et fille : un ravage
Marie-Magdeleine LESSANA (2000)

         Une lecture extrêmement agréable, qui déplace radicalement l'idéalisation commune de l'amour maternel et en montre les aspects profondément destructeurs voire destructurants.

        Différentes stratégies maternelles sont envisagées, qui toutes ont momentanément ou définitivement barré aux filles l'accès à leur identité singulière.

        Une mère -Madame de Sévigné- dont l'art épistolaire trahit la puissance d'emprise persécutrice sur sa fille, mais qui finit par "renoncer à vouloir son bien" (p 16).

        Une fille -Camille Claudel- trahie par sa mère, qui ne reconnaît pas son art, la sculpture, encore moins que celui-ci, naissant, ait révélé sont propre malheur qu'elle nie.

        Une autre mère -issue de l'art romanesque de Marguerite Duras- fige définitivement l'absence de sa fille à elle-même, son "ravissement", en un cri silencieux et ininterrompu.

        Il y a aussi la mère idole et opportuniste -Marlène Dietrich-, dont la fille n'est que le faire-valoir jetable à souhait.

        L'on découvre également la généalogie de la prédilection de Didier Anzieu pour le concept de Moi-Peau en lisant l'histoire de sa mère -le cas Aimée- qui paya un lourd tribu à devoir occuper la fonction intenable de remplaçante d'une sœur brûlée vive parce qu'une petite robe délicate, trop légère pour un mois de décembre et aussi fine que la peau, la fit s'approcher trop près d'un fourneau.

        Il est enfin question des sœurs Papin, qui n'ont pu s'affranchir frontalement d'un joug maternel proprement affolant qu'en annulant sauvagement deux femmes, une mère et sa fille, au service desquelles elles se trouvaient.

        Hypothèse réconfortante car la visée qu'elle propose semble à la portée d'un travail analytique : quitter sa mère procède d'une désertion. Car devoir se justifier de vouloir exister, c'est encore se révéler assujetti.

        "Le ravage est l'épreuve effective de l'impossibilité d'une communauté d'expérience du féminin" (p 401).

B.E. avril 2002

 


 

Le sacrifice interdit
Marie BALMARY (1986)

        Un regard étonnamment renouvelé, fondé et pertinent, sur des épisodes fondamentaux de la Bible.

        Tous les motifs déclinés illustrent un thème fédérateur : un être "souffre d'avoir été pris dans une relation non autre, dans une relation non séparée" (p 188) et il lui incombe, ainsi qu'à ceux auxquels il s'est trouvé assujetti, d'apprendre à reconnaître, à aimer, à tendre vers "l'écart de l'altérité" (p 187).

        De cette lecture singulière émergent régulièrement des réflexions émouvantes, sur la pratique analytique, celle du moins qui permet au sujet d'advenir :

        "Force désirante, j'en reconnais la présence en toute personne qui demande à être guérie d'un mal. Ce mal lui-même est souvent le premier signe de la présence d'un être à lui-même" (p 213).

        Ou encore : "(…) la psychanalyse n'est pas faite, même par Freud, que de cette "dictature de la raison", sinon elle n'aurait jamais aidé personne. Il y a aussi -et plus dans son expérience que dans sa théorisation- un amour du voile ; il y a une façon d'interpréter qui remet le voile là où précisément il a été arraché. Il faut de la compétence pour trouver ce qui a été ainsi violé, dévoilé dans un être. Mais il faut aussi un respect dont la source ne peut pas être la science pour remettre le voile et se tenir près de l'autre sans le voir malgré lui" (p 147).

B.E. avril 2002

 

 


Pour une théorie du sujet-limite
L'originaire et le trauma (1994)
V. MAZERAN, S OLINDO-WEBER

        Cet ouvrage propose une approche très éclairante sur la genèse des troubles qui peuvent conduire un sujet à devoir se maintenir douloureusement toujours à la limite, le fait même d'exister faisant à tout moment pour lui l'objet d'une mise en doute.

        Ce sujet, dont le corps a été pris en otage par le fantasme parental, se sent concerné vitalement par un sens qui lui échappe et qu'il tente en vain de s'approprier. Il perçoit néanmoins confusément que le désir de l'autre met en danger son droit à être discerné en tant qu'être particulier.

        La cellule familiale est donnée comme unique lieu de sécurité et le parent intrusif contribue ainsi à renforcer une phobie archaïque touchant tout l'espace extérieur à cette zone protégée, empêchant l'enfant d'élaborer un sentiment de sécurité intérieur et autonome.

        Dans son rapport au couple parental, il est tenu d'occuper une position qui l'assujettit à une double-contrainte, celle de s'identifier au parent intrusif et de se faire tout en même temps l'image négative du deuxième parent, auquel il lui a été interdit de ressembler.

        Cette position intenable, qui le fait porteur du conflit parental, le conduit à ériger en "constante identitaire" (p 152) le doute quant à pouvoir acquérir une position subjective.

        La somatisation s'offre alors comme un moyen possible, souvent fort coûteux, pour tenter d'éprouver l'existence de limites qui se dérobent perpétuellement à lui.


B.E. avril 2002

 




Emprise et satisfaction, les deux formants de la pulsion (1997)
Paul DENIS

        Un ouvrage assez technique qui se fonde largement sur la première théorie freudienne concernant la notion de pulsion, selon laquelle celle-ci serait le "résultat d'une première élaboration fondatrice du psychisme" (p 11) et se trouverait donc "au cœur même du processus de subjectivation" (p 10).

        Paul DENIS propose un modèle de constitution de la pulsion qui s'appuierait sur les deux voies de l'emprise et de la satisfaction, lesquelles en régiraient le fonctionnement.

        La notion d'emprise, considérée comme centrale, permet en outre de penser différemment les relations du sujet à l'objet ainsi que les rapports réciproques des objets dits externes et internes.

        L'auteur a recours à une proposition de Roger DOREY, définissant la relation d'emprise : elle "traduit une tendance très fondamentale à la neutralisation d'autrui, c'est-à-dire à la réduction de toute altérité, de toute différence, à l'abolition de toute spécificité, la visée étant de ramener l'autre à la fonction et au statut d'objet entièrement assimilable (p 23).

        En découle l'idée qu' "un objet qui se refuse à être l'auxiliaire de l'élaboration d'une satisfaction se maintient comme objet d'emprise (p 54), ce qui permet de comprendre en quoi la haine résulte d'une exacerbation des investissements en emprise associée à l'impossibilité de faire aboutir un vécu de satisfaction. Le renversement de contenu, de l'amour en haine, est le contrecoup affectif de cet échec" (p 40).

        L'impossibilité d'abandonner les investissements en emprise peut également se traduire par une intense douleur psychique, celle qui épuise indéfiniment les sujets déprimés sur le mode de l'hémorragie.

        Dans la cure de ces patients, l'analyste prend parfois la place de l'objet dépressif, dont il garde certaines caractéristiques : "il est unique et le sujet s'y consacre exclusivement ; le nouvel objet est tout pour le sujet" (p 216).

        Et Paul DENIS d'expliquer : "Il faut pouvoir répondre à l'effort d'emprise du patient en lui permettant de développer des satisfactions issues du fonctionnement même de la cure, seules susceptibles de restaurer la possibilité d'autres réinvestissements" (p 216).


B.E. Mai 2002



Le sujet en état limite
Jean-Jacques RASSIAL (1999)


        L'auteur mène une réflexion remarquable de clarté et de subtilité à propos de la problématique du sujet en état limite.

        Cette étude se révèle à la fois complémentaire et novatrice vis-à-vis de celles, déjà menées dans ce domaine, notamment par O. KERNBERG (Les Troubles limites de la personnalité, 1975), J BERGERET (La Dépression et les états limites, 1975) A. GREEN (La Folie privée, psychanalyse des cas limites, 1990) et V. MAZERAN et O. OLINDO-WEBER (Pour une théorie du sujet-limite, l'originaire et le trauma, 1994).

        L'un des traits du sujet en état limite se caractérise par une dépression particulière, qui n'est ni réactionnelle ni mélancolique. De plus, ce sujet se sent en proie à une angoisse généralisée, "à la fois devant les exigences de la socialisation, devant tout objet dont la fonction anaclitique vacille, devant le corps propre avec une tonalité plus hypocondriaque qu'hystérique" (p 62). Il se trouve dans un état de peur devant l'existence et "conjugue une crainte générale devant l'effondrement (…) et un effondrement devant toute épreuve" (p 62).

        "Ce qui défaille, dans la dépression, (…) c'est le lieu même de l'Autre dans sa constitution symbolique, comme origine du sens, non en tant que signification mais qu'orientation, direction vers laquelle se trouve le sujet (…)" (p 63). Ainsi, angoisse et dépression oeuvrent de façon complémentaire."

        Pour le sujet en état limite persiste indéfiniment le constat de la castration maternelle, dans l'impossibilité où il est de trouver un objet susceptible de la combler, du fait qu'il confond l'Autre défaillant et l'objet qui en choit. En somme, la confusion entre privation réelle et frustration imaginaire se conjuguent pour tenir lieu de castration symbolique.

        Le sujet en état limite souffre d'un échec dans la construction du narcissisme, en sorte que se décèle un clivage du moi "entre le corps imaginaire et le corps symbolique, l'un soutenu par le moi-idéal, au prix de l'aliénation, l'autre soutenu par l'idéal-du-moi, au prix d'une projection. La conjugaison de l'imaginaire et du symbolique a échoué.

        "Acceptant l'aliénation imaginaire du sujet en moi, il rejette -c'est bien de forclusion qu'il s'agit- l'autre résultat qu'est la séparation de l'Autre et l'aliénation symbolique qui donne sa place à la fonction paternelle, c'est-à-dire les premiers engagements dans la socialisation. En quelque sorte, son corps reste celui de l'enfant quand son esprit en a rompu le pacte ; de sorte qu'il reste dans une dépendance (…) à l'égard de la mère et du père imaginaires". (pp 93-94)

        Le sujet en état limite éprouve le sentiment de manquer de réalité et fait de l'hésitation son mode d'être. Il en est pour ainsi dire l'incarnation.

        Cette position d'entre-deux renvoie largement au fait qu'il lui a fallu représenter le conflit parental et qu'il s'est vu placé devant l'impossibilité de choisir entre "le Moi-idéal soutenu par la Mère et l'Idéal-du-moi proposé par le Père." (p 100)

        A cette injonction définitivement paradoxale et insoluble s'ajoute un vécu ponctué par une succession de traumas non élaborés, donc non symbolisables.

        Ainsi, la cure de tels sujets passe-t-elle par un ré-apprentissage de la parole.

 

B. E. mai 2002



 


Boîter n'est pas pêcher
Lucien ISRAEL (1989)


        La parole de Lucien Israël, que ce soit dans les séminaires La jouissance de l'hystérique (1974) et Pulsions de mort (1977-1978) ou dans ce présent recueil regroupant des conférences, des discours et d'autres interventions, se trouve au plus près d'une pratique analytique profondément libératrice.

        En témoigne ce propos conclusif de l'ouvrage : "le seul point commun dans ma vie et dans ma lutte à été la résistance à l'oppression". (p 314)

        La polysémie de ce dernier terme permet de proposer, à titre illustratif, diverses réflexions, croisées au fil du texte :

              - "un post oedipe est (…) possible avec l'éloignement, la mise à distance des parents.
                 Aucune raison pour autant de les priver d'affection, de respect, de leur rendre les
                 honneurs qui leur sont dus et de leur permettre de vieillir en paix, à condition
                 que ces sentiments apparents soient conventionnels. Mais qu'on n'aille pas
                 chercher ce qu'on appelle parfois la créativité amoureuse dans les relations avec
                 les parents". (p 91)
              - "Ce n'est pas ça que je veux" Cela ne signifie pas forcément dans la bouche d'une
                 femme que ce qui lui est offert est insuffisant en soi. Il y a bien sûr une critique
                 de cette phrase, mais c'est une critique de l'excès de zèle. Elle dit -ce n'est pas ton
                 objet que je veux- Elle ne saura pas dire le plus souvent : "c'est ton manque" mais
                 c'est de cela qu'il s'agit. Je veux une place chez toi pour me loger". Ce qu'elle
                 demande est une place chez l'autre pour sa parole". (p 114)
              - " (…) le besoin sexuel existe. Nous ne sommes pas libérés de notre "animalité". Ce
                 dont nous ne sommes plus capables, c'est d'exploiter cette énergie animale pour
                 la convertir en dynamisme humain. L'acte sexuel peut se borner à la
                 liquidation, à la décharge d'une tension. Il peut être aussi le témoignage du
                 respect porté à l'autre, où chacun est attentif à accroître la joie du partenaire.
                 L'acte amoureux mérite alors son nom, et vient fonder une relation que chaque
                 manifestation de tendresse va affirmer, affermir.
                 Om ne animal post coïtum triste. C'est vrai, chaque fois que le coït n'est pas une
                 rencontre. Et il n'y a rencontre que lorsque les partenaires ne  sont plus après
                 l'événement tout à fait les mêmes qu'auparavant ? ( p 150)
              - "Que voilà une idée indécente, que la séance d'analyse peut être source et temps de
                 plaisir. Comme si l'on ne savait pas que l'analyse progresse dans la douleur et
                 dans l'angoisse". (p 246)
              - " (…) une analyse où le Witz n'a pas cours est une analyse à laquelle manque
                une dimension essentielle, celle du désir et de la joie de vivre". (p 246)

 

 

B. E. juin 2002



 


La honte, psychanalyse d'un lien social
Serge TISSERON (1992)


        Dans cet ouvrage, l'auteur s'applique à distinguer le sentiment de culpabilité de celui de la honte : "la culpabilité est une forme d'intégration sociale, alors que la honte est une forme de dés-intégration. Elle crée une rupture dans la continuité du sujet. L'image qu'il a de lui-même est troublée, ses repères sont perdus, tant spatiaux que temporels, il est sans mémoire et sans avenir. L'individu est renvoyé à une impuissance radicale (il n'a plus de prise sur rien, il ne peut plus rien maîtriser) qui est en fait la traduction mentale d'un effondrement qui peut toucher chacun des domaines de ses investissements psychiques, narcissiques, sexuels ou d'attachement" (p 3). Il ajoute d'autre part "qu'à la différence de la culpabilité qui porte sur les conditions d'un désir (désirer de façon illicite ou hors de propos), la honte porte sur la légitimité même du désir". (p 36)

        Serge Tisseron insiste en particulier sur les effets profondément perturbants des traumas ayant occasionné un sentiment de honte : "A travers la honte, le sujet répond à une désorganisation de ses investissements ou de ceux de ses proches par une désorganisation subjective". (p 5)
S'appuyant sur la distinction opérée par D. Lagache entre Moi idéal et Idéal du moi, l'auteur indique le lien de la honte avec le narcissisme archaïque, du fait de son rapport étroit avec le Moi idéal, qui "comporte une identification primaire à un être investi de la toute puissance, c'est-à-dire la mère". ( p 13)

        "Dans la honte, c'est l'individu tout entier qui est frappé à travers l'estime de lui-même, et parce que cette estime a un rapport privilégié avec le corps et l'identité, il envisage de disparaître totalement". (p 14)

        Serge Tisseron étaye son exposé en se référant à de nombreux travaux. Il rappelle par exemple que pour B. Grunberger (Le Narcissisme), la honte serait liée à l'échec de la confirmation narcissique. Elle serait pour lui "le contraire du bonheur élationnel que l'enfant connaît quand l'amour du parent valorise pleinement sa gratification pulsionnelle. Elle serait une espèce de "culpabilité primitive" qui s'impose au sujet lorsque ses pulsions se révèlent impropres à être idéalisées malgré l'effort qu'il fait pour les faire paraître nobles à autrui". (p 17)
L'auteur explique que "l'autre me dénie le droit d'exister, et la contradiction est portée au cœur même du narcissisme. La honte pourrait alors résulter de la perception de cette fissure. Celui que le jugement d'autrui sur lui-même menace d'une fissure de son narcissisme serait attiré par le repli sur soi-même -se coucher, se faire oublier- comme tentative de sauver une unité narcissique fondamentale". ( pp 19-20)

        Sont évoquées également les incidences du regard dans l'expérience de la honte : "(…) si, à un premier degré de gravité, la honte répond à un regard qui "met à nu" (comme en effaçant l' enveloppe protectrice des vêtements), elle correspond très vite au risque d'un regard qui ferait intrusion dans l'intérieur même du corps. Dans la honte, l'individu se sent "percé à jour", "transpercé", autant d'expressions qui évoquent la violation de la barrière anatomique de la peau. Et cette "mise à nu" de l'intérieur est l'équivalent d'une mise à mort". (p 52)

        Il en résulte qu'un vécu de honte comporte un risque de néantisation et que le sujet peut se sentir sombrer. Cependant, précise l'auteur, "toucher le fond", c'est en quelque sorte toucher l'investissement narcissique de l'image de soi là où il se confond avec l'investissement originaire de la mère sur l'enfant (…). En se laissant ainsi "tomber" en favorisant même sa déchéance par des démissions professionnelles et des ruptures affectives ou géographiques (…), il tente de s'assurer du caractère secourable de la mère en lui en vérifiant qu'elle ne le laissera pas mourir. Et c'est parce que ce caractère secourable existe en lui-même qu'il parvient finalement à se raccrocher à l'intérêt que lui prodigue quelqu'un, touché par ce tiers parce que celui-ci l'a été par lui". (p 125)


B. E. juin 2002


 


L'équation des rêves et leur déchiffrage psychanalytique
Gisèle CHABOUDEZ (2000)


        Ce livre a essentiellement pour propos d'explorer "les incidences du désir de l'Autre (sur le rêve) et le mode sur lequel l'accomplissement de désir y répond, selon le déchiffrage métaphorique ou métonymique et selon la logique du fantasme". ( p 131). Il soutient que "Le désir du rêve n'est (…) pas fait pour être réalisé mais pour se substituer à la jouissance". ( p 139).
L'auteur effectue régulièrement des rappels théoriques sur des aspects de l'enseignement lacanien, afin d'étayer sa démonstration :

              - la page 32 comporte une synthèse sur le Séminaire Les formations de
                l'inconscient : "Que la Mère vienne à être équivalente, comme objet sexuel pour le
                Père, à ce que l'enfant comme l'objet a était pour elle, voilà la double articulation
                qui inscrit à terme la fonction paternelle" (p 208), ce qui "délivre l'enfant de son
                assujettissement au désir de la Mère le concernant". (p 31)
              - les pages 106-107 concernent la division du sujet de l'inconscient, qui révèle le
                leurre du Cogito ;
              - les pages 108 à 111 en déduisent les modalités de traitement possible, pour le sujet
                aliéné, du "choix entre la pensée et l'être, selon le versant du ça d'une part et celui
                de l'Inconscient d'autre part, ainsi que les conséquences qui en découlent :
              - les pages 112 à 114, sur le travail du rêve, qui aurait deux logiques possibles à sa
                disposition et,
              - pages 115-116, sur le déploiement de ces deux versants et leur recouvrement au
                long d'une psychanalyse.

        Gisèle Chaboudez propose de "reconsidérer l'importance du contenu manifeste du rêve, de son texte précis, selon ces termes. Il constituerait la littéralité d'une logique déployée par le rêve. Le premier temps de l'interprétation concernerait toujours le déchiffrage à partir des associations. Les pensées latentes retrouvées dans le chiffre pourraient alors, en un second temps, être ordonnées logiquement selon le texte propositionnel du contenu manifeste. (p 130)

        Un développement est consacré, pages 189-190, à la "présentation en images" comme principal support de la logique du rêve, la symbolique étant "en quelque sorte la marque de fabrique du processus fondamental du rêve, visant à faire rentrer tout ce qui se présente du réel et de l'imaginaire dans l'ordre phallique de l'Inconscient".

        Avant de conclure par une réflexion sur "la pratique analytique du rêve", l'auteur s'applique à différencier le rêve, le cauchemar et le rêve d'angoisse, pour constater que "le cauchemar montre bien ce qui se produit lorsque l'accomplissement de désir n'est pas celui qui s'ordonne autour de l'objet qui cause le désir, mais celui qui concerne la jouissance de l'Autre. Le rêve d'angoisse, à l'inverse, manifeste le manque de l'Autre lorsque sa jouissance a par trop été annulée. Il y a donc bien un compromis dans le travail du rêve, c'est celui qui permet de substituer le désir, articulé au système de l'objet a, à la jouissance de l'Autre ou bien à son vide". (p 215)



B. E. juin 2002

 


Les séparations imparfaites
Michel GRIBINSKI (2002)

        On ne peut évoquer cet ouvrage que de manière imparfaite : son caractère insaisissable semble consubstantiel à ce dont il se fait l'écho : l'intuition. C'est du moins une approche possible de ce livre.

        Un passage particulièrement touchant concerne les "patients intraitables", à propos desquels il est suggéré : "(leur) révolte, (leur) douleur sont intransigeantes, elles sont intraitables, du sens où on n'en aurait pas trouvé le remède : elles sont irrémédiables ; et elles sont des intraitables, comme on dit de quelque choSE qui est chevillé au corps, ou de quelqu'un qui refuse tout compromis, qui a cela inscrit dans sa nature". (p 123)

        L'amitié est alors invoquée comme étant "tout ce qui reste pour durer avec les patients intraitables (…) : l'amitié, comme son objet, désobéit avec persévérance à la loi commune, elle tient tête au passage du temps et des séances. Elle dure. Elle n'est pas moins intraitable que son objet. (p 123)

        Peut-être l'insoumission pour ainsi dire ontologique de ces sujets constitue-t-elle un ultime refuge pour le vivant en eux : "la résistance protège absolument cette vie cachée, et le risque est bien que le patient rencontre sa mort si cette résistance n'est pas respectée. Il faut remercier la résistance ainsi apparue, elle protège, au prix de l'acte vide qui en est la manifestation coûteuse, voyante, une étincelle cachée de vraie vie". (p 133)

        Ainsi, "l'idée (s'impose) à l'analyste que si le patient affronte cette résistance, il rencontre sa mort (…). Cela veut dire que l'analyste cesse de vouloir vaincre la résistance en question. Au contraire, il peut accepter de la respecter, accepter qu'elle protège le cœur même de la vie psychique du patient. C'est pour l'analyste un avantage certain : ça lui sert à durer, quand analyser n'est pas nécessaire, mais que durer est nécessaire, c'est-à-dire lorsque le conflit psychique a cédé la place au conflit entre ce qui est encore psychique et ce qui pourrait ne plus l'être". (p 134)



B. E. juin 2002

 


L'oeuvre du temps en psychanalyse
Sylvie LE POULICHET (1994)

        Dans cet ouvrage, le travail analytique est envisagé comme un basculement possible d'un temps qui ne passe pas à un temps qui passe.

        Le rêve se présente alors essentiellement dans cette perspective comme un "travail de composition de la réalité psychique", sa reprise dans l'analyse lui donnant "statut d'événement ayant pouvoir de déclencher la traversée d'un plan d'identification". (p 80)

        L'auteur explique que le "changement psychique ne peut être assimilé simplement à une modification datable des pensées et des actes d'un individu (et qu')il concerne davantage l'événement instable et instaurateur qui, à travers lui, se devient encore et prend du temps (…). (p 186)

        Elle ajoute que le "travail du temps dans l'analyse implique (une) ouverture de la "plaie de la question" par une partielle mise en suspens des réponses".  (p 95)

        Un long développement est consacré à la notion d' "instant catastrophique", dont il est mentionné qu'il ne "procède pas du même temps logique que celui de la formation du symptôme". Ainsi, il faut "différencier deux types de rencontres traumatiques : celles qui provoquent dans l'actuel une formation de symptôme en éveillant après-coup la trace d'un premier trauma supposé, et celles qui, avant-coup déclenchent ce que (l'auteur appelle) une fermeture à venir du trauma, c'est-à-dire qui impriment une massive réponse à une question qui n'a pas encore été posée". (p 124)

        "Dans le cadre du processus de l'après-coup (appelé ici l'ouverture du trauma) organisé par le refoulement, une rencontre traumatique (…) révèle au sujet la place impossible qu'il occupait auparavant à son insu". (p 125)

        A l'inverse, dans le cadre de la "relation d'effraction" (avant) même que la question "que veut l'Autre et que suis-je pour lui ?" n'ait eu le temps de s'élaborer, des rencontres traumatiques peuvent venir faire réponse et assigner le corps à une place impossible (…) ". (p 130)

        Ces "deux modes identificatoires fondés en des rencontres traumatiques, celui de l'après-coup et celui de l'avant-coup ne sont pas exclusifs l'un de l'autre : bien au contraire ils peuvent se croiser et coexister. Et dans la cure analytique, le premier peut même parfois masquer la logique du second". (p 133). A ce titre, la "présence des rêves traumatiques semble constituer dans la cure un aspect essentiel du trajet qui peut permettre de traverser l'instant catastrophique". (p 142)

        Pour clore la première partie de son étude, Sylvie LE POULICHET propose de considérer l'entrée dans le champ de l'analyse comme "l'ouverture d'une question absurde, méconnue, informulée et informulable qui prend l'analyste pour destinataire. Cette question ou cette offre inconsciente faite à l'analyste, met en jeu une place impossible à occuper. Il s'agit d'une question fondamentale quant à la place du sujet dans son histoire, mais qui s'était fossilisée en des rencontres traumatiques ayant fondé des identifications inconscientes". (p 148). Ainsi, " (lorsque) l'analyse a pu suffisamment faire le tour de la question et donner lieu à ce qui ne cessait pas, peut se produire un véritable décollement des images qui figeaient encore une réponse intemporelle". (p 147)

        Dans un second volet, une réflexion est menée d'une part sur la toxicomanie considérée comme "l'invention d'une autochronie" et d'autre part sur "la boulimie et le temps cannibalique".

        "Le caractère transgressif des toxicomanies montre notamment dans quelle mesure il est nécessaire pour ces sujets d'affirmer un désir propre, sous la forme d'une expiration du négatif, afin de résister à l'asservissement au "bien" de type maternel". (p 169)

        Il s'agit de "devenir sans cesse ce que l'on incorpore, pour que le moi ait enfin l'illusion de se refermer sur ses propres bords et de résister à une mortelle ouverture. Devenir sans cesse ce que l'on incorpore engendre ainsi une autochronie, c'est-à-dire un mode de temps circulaire qui exclut l'altérité : une altération sans altérité. L'autochronie toxicomaniaque s'organise face au danger et au vertige de devenir sans cesse le bien de l'Autre et de disparaître en devenant". (p 170)

        La boulimie répond également à une "invitation à disparaître" : " Loi de gavage et loi cannibalique : retournez d'où vous venez car la Mère doit réintégrer son propre produit ! Avalez, et ainsi vous serez encore consommé ! Le devenir s'épuise en une invitation à disparaître dans un inceste alimentaire, par amour du Même qui vous a engendré". (p 186)

        "Le miroir oral met en action un regard qui élimine, et il déclenche une série d'événements dans un temps cannibalique : être exclu, être en trop, avaler trop, devenir ce trop en l'incorporant et du même coup devenir ce trop à éliminer, qui est aussi l'ombre de la mère". (p 190)

        "(…) le sujet ne pourra le plus souvent pas repérer ce processus en lequel il s'auto détruit et se condamne à être le poids en trop dans ses rapports aux autres, si l'analyste ne le nomme pas à temps". (p 191)



B. E. juin 2002

 


L'amour à l'envers, essai sur le transfert en psychanalyse
Gérard POMMIER (1995)

          Cet ouvrage offre des éclairages très précieux pour toute personne se trouvant confrontée aux arcanes du processus analytique. L'auteur propose régulièrement des moments de synthèse d'une très grande densité et d'une rigueur remarquable, dont plus particulièrement :

     1) Une mise au point sur les identifications dans le transfert :
          "Il convient d'examiner plus avant la relation de l'identification et du symptôme. Les
     conditions préalables posées par l'amour, c'est-à-dire les identifications qu'il requiert
     peuvent être angoissantes : "Qui dois-je être pour être aimé ?" serait la question
     correspondant à ce requisit. La conformité à cette identification peut générer une
     angoisse, qui, elle-même engendrera le symptôme. En effet, la première précède le
     refoulement, donc le retour du refoulé, c'est-à-dire le second (…).

          L'insistance des identifications dans le transfert donne la mesure d'une aliénation
     dont la formation des symptômes procède. De plus, le fait que le symptôme succède à
     l'identification aliénante explique aussi bien la névrose que l'efficacité thérapeutique du
     transfert, puisque ce dernier suit le même chemin, "à l'envers", en désaliénant les
     identifications. Cette succession reste incompréhensible si l'on saute le maillon du
     traumatisme de  l'amour, dont le refoulement procède. Tout symptôme s'articule donc
     à une identification imaginaire qui est par principe ignorée, isolée qu'elle est par le refoulement.

         On peut désormais reprendre et compléter le circuit du transfert : on a d'abord
     considéré le déploiement de la parole, véhiculant certaines informations, et remarqué
     qu'il convenait de lui faire correspondre un transfert de savoir divisé, à proprement
     parler inconscient. C'est cette part de savoir refoulé qui affecte l'analyste à une place
     particulière. Nous voyons mieux maintenant qu'à cette circulation du savoir correspond
     tout aussitôt un transfert d'identification. L'affectation de l'analyste à une certaine
     place engendre un amour proportionnel au savoir correspondant, situation
     transférentielle commandée par le refoulement, ou encore, par ce que l'amour comporte de
     traumatisant". (pp 158-159)

     2) La perspective d'une "guérison", du fait des " limites du tournage en rond"
          "En tout premier lieu, on a situé les identifications de l'amour qui, dans la mesure où
     elles aliènent, génèrent aussi l'angoisse. Cette angoisse aura comme conséquence le
     refoulement, et ce dernier se manifeste par les voies du symptôme ou celles du fantasme.
     Enfin l'insistance du fantasme va pousser le sujet à agir, mais son action va rencontrer
     une plus ou moins grande inhibition, selon l'identification mise en jeu à l'occasion de ce
     passage. Peut-on  imaginer l'hypothèse la plus optimiste d'une action sans inhibition,
     c'est-à-dire une mise en scène réglée du fantasme ? Voilà qui pourrait passer pour une
     forme de guérison ! Hélas, on voit tout de suite la sorte de tournage en rond programmée
     par un projet aussi idyllique : la réalisation du fantasme mettra forcément en scène une
     identification, qui va entraîner un certain degré d'aliénation, et nous voilà revenus à la
     case départ. De sorte que le circuit vectorialisé de l'homme réalisant ses rêves va de
     l'angoisse au symptôme, du symptôme au fantasme et de ce dernier à l'inhibition.

          L'acte analytique libère-t-il de ce circuit ? Au point où nous en sommes, il semble
     qu'il évite seulement un blocage en l'un de ses points -ce qui est déjà beaucoup- et son
     succès le plus évident consiste à accélérer ce qu'il faut bien appeler un tournage en rond.
     En examinant ce circuit, pourquoi ne pas penser que la guérison consisterait à permettre
     à un sujet donné d'effectuer le tournage en rond le plus rapide que lui permette le rayon
     d'action de son fantasme, évitant ainsi la fixation du symptôme ? En dégageant dans
     les meilleurs délais l'angoisse de sa conséquence symptomatique, il ne resterait plus
     qu'à agir. C'est ce que l'on pourrait appeler la guérison par l'action, par la sublimation,
     par le travail (…). (pp 205-206)

     3) L'élucidation de l'inévitable étalement dans le temps du processus analytique,
          provenant de la nécessité de la "levée du refoulement pulsionnel dans le transfert" :
          "Le refoulement a comme objectif d'écarter l'investissement du corps par la
     signification phallique. Lorsque l'enfant répondit à une demande maternelle, cette
     sollicitation provoqua d'abord un plaisir, celui d'être identifié à ce qui correspond à la
     demande d'amour. Et ce moment fut suivi d'un déplaisir dans la mesure où cette
     identification entraîne une aliénation totale. Enfin, la conséquence dernière de ce
     processus fut le refoulement de la pulsion, procédé permettant d'échapper au déplaisir.
     Au-delà d'une certaine quantité de plaisir, la jouissance du corps identifié au phallus
     entraîne un refoulement et c'est cette jouissance en excès qui resurgit aussi bien sous
     forme de symptômes physiques douloureux qu'au niveau du langage.

          En effet, alors que d'un côté la pulsion est refoulée, de l'autre, la signification
     phallique va être symbolisée dans le processus du refoulement secondaire, qui concerne
     le complexe d'Œdipe, c'est-à-dire l'angoisse de castration par le père. C'est à ce deuxième
     niveau que fonctionne le refoulement portant sur les signifiants. Le refoulement
     secondaire (les signifiants) va rester articulé au refoulement primordial puisqu'il faudra
     constamment symboliser la signification du phallus, en refoulant le meurtre
     fantasmatique du père (qu'implique cette symbolisation) et ce pourquoi il a été
     commis (l'inceste). Le refoulement secondaire et le retour du refoulé vont donc tirer leur
     force de ce sur quoi ils s'appuient, c'est-à-dire le refoulement de la pulsion. Si bien que
     l'écriture du symptôme répond de la pression constante du refoulement pulsionnel (…).

          Contrairement à ce qui se produit si souvent lorsque le déchiffrage intéresse
     seulement le signifiant, la levée du refoulement de la pulsion entraîne une conséquence
     radicale : pourquoi le retour du refoulé continuerait-il à se fixer symptomatiquement,
     alors que la force qui pousse à son retour s'oriente désormais vers d'autres voies ? Si ce
     salubre tarissement se produit, ce n'est nullement parce que les formations de
     l'inconscient seraient miraculeusement épuisées. Elles cessent seulement de se fixer en
     symptômes, dès que la condition de la fixation, c'est-à-dire le refoulement de la pulsion,
     cède la place à un autre destin. On se souvient que deux termes sont nécessaires pour
     qu'un symptôme se fixe : le premier est l'insistance d'une identification aliénante
     (mobilisable dans le transfert) et le second, le refoulement de la pulsion. L'action sur la
     première va donc ôter sa force au second (…).

          Par le biais du signifiant, il n'existe aucune possibilité d'agir directement sur la
     pulsion. Par conséquent, ce qui donne sa force au symptôme échappe à toute approche
     discursive directe. Il faut procéder indirectement, par la voie des identifications,
     c'est-à-dire par le biais du transfert. IL faut d'abord qu'à certains énoncés vienne
     correspondre un repérage identificatoire. Mais cette opération de lecture dans le
     transfert ne sera pleinement efficace que si elle se produit à un moment de décomplétude
     de l'Autre, qui permettra de lever le refoulement pesant sur la pulsion.

          Cette opération comporte une difficulté technique qui lui donne son allure
     mystérieuse (…) : il s'agit d'obtenir une concordance entre le déchiffrage des signifiants
     et le repérage de l'identification via la pulsion. C'est la conjonction de ces trois termes qui
     est difficile à obtenir (…).

          (…) du repérage identificatoire au déchiffrage signifiant simultané, le symptôme
     cessera de se fixer sur le corps dans la mesure où -à terme- cette opération s'accompagnera
     d'une levée du refoulement de la pulsion.

          Qu'une opération dont l'agent porte son acte si près d'un objet qui reste en même
     temps séparé par lui par un obstacle aussi opaque, voilà qui apporte sans doute la
     meilleure explication aux tâtonnements et à la longueur de la cure analytique". (pp 352-354)

 

B. E. juin 2002

 


L'enfer du devoir, le discours de l'obsessionnel (1995)
Denise LACHAUD

          "Le devoir n'est un enfer que dans la mesure où il est mis en place par le sujet lui même et qu'il ne cèdera pas sur son désir de s'y tenir. Il en va de son être de sujet désirant." (p 280)

          Ainsi, s'explique le titre de cet ouvrage, centré sur la problématique du névrosé obsessionnel, lequel s'épuise à tenter désespérément de quitter son statut d' "objet propre à insatisfaire" l'Autre maternel.

          "L'enfant, que la mère pose comme objet cause de son désir à elle, se considère comme cause de la mise à distance du père par la mère. Il sait bien qu'il a quelque chose à voir dans cette sombre affaire" (p 151). Etant toujours "signification d'autre chose" (M. MANNONI), ne sachant par conséquent pas quel objet il est pour l'autre, l'enfant est en outre tenu de comprendre qu'il n'est pas satisfaisant pour sa mère.

          La mère du névrosé obsessionnel présente "une forte composante perverse (et se montre) intrigante, tracassière, exigeante, insatisfaite (…) (p 52), tout en se posant comme effacée et victime potentielle.

          Quant au père, l'hostilité qu'il manifeste à l'égard de l'enfant résulte "d'une erreur sur l'agent : c'est la mère qui tient l'enfant, et (…) (qui) s'oppose à toute intervention du père" (p 54).

          L'obsessionnel se trouvera donc en quête d'un "père qui sache faire respecter la loi, tiers réellement symbolique, apte à (lui) permettre une advenue en tant que sujet désirant, de par son interposition " (p 54).
          La mère se sert de l'enfant pour signifier au père qu'il est défaillant. "L'enfant est bien l'objet réel substitutif qui manque à la mère. Il risque d'être dévoré, de disparaître ou d'être réduit à une pure "chose" vide" (p 98). Cela explique que l'obsessionnel cherche avant tout à "être reconnu en tant que sujet" (p 64), du fait qu'il s'est vu imposé l'identification à l'objet phallique maternel.

          La mère "se refuse en tant qu'objet du désir du père, qu'elle ne désire pas" (p 69). La nature du désir s'avère "incestueux, interdit, trompeur, meurtrier" (p 69). En effet, :

          - "le désir de la mère n'est pas frustré mais frustrant,
          - le demandeur n'est pas l'enfant mais la mère,
          - cette demande est un impératif, ordre et interdit à la fois" (p 70).

          Ainsi, cette mère "1) interdit la jouissance, 2) énonce un commandement contraignant à cette jouissance interdite, 3) est tout amour et 4) réclame obéissance et croyance (p 242).
           "La mère excite l'enfant mais prohibe la satisfaction de l'excitation. Les enfants sont, dans leur absolue pré-maturation, psychiquement et moralement sans défenses. Ils n'ont qu'à se soumettre à la volonté de l'Autre, deviner le moindre de ses désirs, obéir en s'oubliant (p 85).

          Le sujet en appelle bien à la castration maternelle, mais cela "implique que lui, en tant qu'objet palliant le manque de l'Autre disparaisse" (p 73). "Un sujet et son désir ne se soutiennent que de la perte de l'objet. Or la mère du futur obsessionnel ne s'accepte pas perdue pour son enfant. Ainsi ne l'autorise-t-elle pas à regarder ailleurs. (…) Que va faire l'enfant de l'objet qu'il fut et de celui dont il a à faire le deuil ? Dans la névrose obsessionnelle, le sujet, faute de pouvoir tuer la mère, fera le mort pour pouvoir vivre" (p 80).

          Dans son enfance, le sujet aura tenté de tenir à distance la vérité du couple parental (la demande de la mère adressée à son époux, qu'elle ne désire pas) en s'identifiant à un trait paternel : "le père n'étant pas satisfaisant pour la mère, l'enfant ne le sera pas plus, se tenant du côté de cette image que sa mère lui refuse au nom d'un idéal qui serait celui de "l'homme -qu'elle-aurait- aimé-épouser" à la place de son mari. Enfant imaginaire d'un homme imaginaire, le sujet, dès lors, se trouve en conflit à cette place où l'Autre s'impose à lui, exhibant et refusant la castration. D'où cette notation de Lacan : "L'obsessionnel est quelqu'un qui n'est jamais véritablement là (…) où quelque chose est en jeu qui pourrait être qualifié de son désir".

          La modalité obsessionnelle de défense contre le désir est double : cette défense contre son propre désir -qui caractérise l'enfant- est aussi défense contre le désir de la mère (p 87-88).
"Seule la fonction paternelle donne l'autorisation de jouissance. Le père libère l'enfant de la confrontation sans médiation à ce signifiant premier qu'est le désir de la mère. Mais le sujet ne sait plus très bien à quel père il a affaire, quel est son véritable statut, puisque la mère écarte son époux ; il est présenté à l'enfant comme gênant" (p255).

          A partir du moment où la référence du père est mise de côté, il n'y a plus de garantie pour l'enfant sur ce qui pourrait distinguer le vrai du faux. Ce n'est nullement le sujet qui refuse la référence au Nom du Père, elle lui est refusée par l'Autre. Dès lors, l'obsessionnel est condamné à hésiter entre des couples contradictoires, à l'aide d'alternatives dont aucun des termes ne parvient à donner assurance ou satisfaction. Refusé le lieu de l'autorité, du référent qui permet d'affirmer, la vérité devient une quête infinie. Voilà l'origine de ce sentiment si courant d'être retranché, hors-jeu, non reconnu" (p 115).

          "L'obsessionnel se situe dans une problématique de l'être : il faut détruire l'objet qui cause le désir de l'Autre. D'où le retournement de la pulsion sur la personne propre, puisque cet objet substitutif, la mère lui dit que c'est lui. C'est donc à lui de se détruire" (p 122).
" (…) la Chose, objet perdu, déformé car dangereux, repérable dans les soubassements fantasmatiques du symptôme, est un objet en souffrance maintenu, à l'insu du sujet, comme cause de sa jouissance soutirée à l'interdit qui porte sur la jouissance primordiale. L'obsessionnel va reprendre à son compte l'interdit de jouissance -condamné aux travaux forcés pour payer la dette … de personne" (p 152).

          "S'il devait y avoir acquittement de la dette par le sujet, il y aurait, du même coup, réintroduction dans l'autre de la dimension du désir" (p 276). "Etre en dette devient dès lors nécessaire, le rester, un impératif lié à l'être même du sujet" (p 277).

          "La cure doit enseigner à un sujet que nous n'avons pas à être coupable d'être. Cette culpabilité n'est engendrée que par un malentendu, une interprétation sauvage qui identifie être et être le phallus" (p 297).

 

 

B. E. juin 2002

 


Structure et perversions
Joel DOR (1987)

          Comme son titre l'indique, cet ouvrage traite dans un premier temps de la question de la structure en clinique psychanalytique, ce qui permet ensuite l'étude de la logique structurale des processus pervers, pour conduire enfin la réflexion "aux frontières des perversions".

          La première partie concerne la notion "d'évaluation diagnostique" dans la clinique psychanalytique. Après avoir rappelé "qu'il n'existe pas d'inférence stable entre les causes psychiques et les effets symptomatiques" (p 34), Joël DOR explique que "ce que nous devons appeler les repères diagnostiques structuraux sont à épingler dans (le) registre de la parole. Toutefois, ils ne constitueront des éléments fiables de l'évaluation diagnostique qu'à condition de les déprendre de l'identification des symptômes. L'identité du symptôme se ramène, le plus souvent, à une entité clinique en trompe l'œil, un artefact à mettre au compte des effets de l'Inconscient dont Lacan, après Freud, nous rappelle à juste titre les ruses et les facéties". (p 39)

          En outre, "l'utilisation pertinente du diagnostic dans le champ de la clinique psychanalytique suppose qu'une discrimination rigoureuse soit continuellement établie entre l'identité du symptôme et l'identité des traits structuraux". (9 43)

          L'auteur note que la différence entre un trait de structure et l'identité d'un symptôme réside dans le fait qu ' au delà de la plasticité et de la diversité des symptômes, le trait de structure s'impose comme un élément stable qui annonce une stratégie de désir" (p 45). Joël DOR éclaire ensuite le rapport à l'œuvre entre "structures psychiques et fonction phallique" en ayant recours à la notion d'entropie, empruntée au vocabulaire de la biologie et signifiant "accroissement de désordre" : "nous pouvons considérer l'accroissement de l'entropie psychique comme un processus directement proportionnel à la mesure de l'accroissement de la jouissance. La jouissance est donc la mesure la plus probable du désordre psychique. Cela suppose (…) que nous prenions en compte la distinction radicale mise à l'honneur par Lacan entre la jouissance et le plaisir. Le désordre, quant à lui, est d'autant plus irréversible qu'il est soumis à la force constante du désir.

          Comme pour les structures biologiques, si l'appareil psychique ne peut "consommer" de l'énergie, l'organisation psychique se dégrade jusqu'à un désordre maximal qui se manifeste par un certain état de "mort psychique". (pp 81-82)

          Si la jouissance constitue l'indice même de la permanence d'un accroissement de désordre, cela revient à supposer la castration comme ce qui introduit une mesure d'ordre dans l'économie de la structure psychique. En ce sens, l'entropie négative se mesure à l'ordre de la castration. Par voie de conséquence, l'ordre de la structure est institué par l'ordre phallique". (p 82)

          Du point de vue de son désir, le sujet tend à se constituer inauguralement comme seul et unique objet du désir de l'autre. La jouissance trouve d'ailleurs sa juste mesure dans ce dispositif dynamique du désir et elle ne peut que se déployer vers un accroissement mortifère si rien ne vient y faire limite ; autrement dit, si le désir du sujet ne parvient pas à souscrire à la dimension du manque. Or, il appartient justement à la fonction phallique de promouvoir cette souscription. En effet, le désir du sujet ne trouve la médiation symbolique qui l'inscrit dans le manque que dans le rapport qu'il entretient au phallus.

          (…) La structure psychique se maintien dans un certain ordre si le désir du sujet se sustente au désir de l'autre en y rencontrant le manque. Inversement, parce que la structure s'ordonne à la préemption du manque, le désir renaît continuellement identique à lui-même comme une aspiration à la réitération de la jouissance qui s'efforce de la combler. La structure psychique est donc bien soumise à une économie paradoxale dans laquelle réside sa propre stabilité. (p 83)

          L'étude aborde dans un second temps la logique structurale du processus pervers. Concernant la fonction phallique, il est affirmé : "Du désir de la réalité de la castration au clivage du moi, tout se passe donc comme si, dans les perversions, les sujets parvenaient à maintenir ce paradoxe psychique qui consiste à savoir quelque chose de la castration, tout en n'en voulant rien savoir". (p 130)

          Ceci se manifeste particulièrement dans le "fonctionnement du fétichiste", qui "met de fait en évidence le paradoxe suivant : il parvient à faire coexister, au niveau intra-psychique, deux composantes inconciliables à première vue : la reconnaissance de l'absence de pénis chez la femme, et le déni de la réalité de cette reconnaissance. En d'autres termes, la réalité est déniée par le sujet sur un fond d'absence alors que l'instauration de l'objet fétiche constitue la preuve même de la reconnaissance permanente de cette absence". (p 146)

          Joël DOR consacre un chapitre à "l'ambiguïté parentale", considérée comme "inductrice du processus pervers". Chez les sujets pervers, la "complicité libidinale de la mère" se double de la "complaisance silencieuse du père", "complaisance tacite à se laisser volontiers déposséder de ses prérogatives symboliques en déléguant sa propre parole à celle de la mère avec toute l'équivoque que ce mandatement suppose".(pp 156-157) "(…) le principe complaisant de cette délégation a pour effet de confondre l'enfant au sein d'une ambiguïté qui le capture dans les rets d'une alternative intraitable. Alternative entre la mère menaçante et interdictrice, entremetteuse de la parole symbolique du père et une mère séductrice encourageant l'enfant à la faire jouir, qui tourne en dérision la signification structurante de la loi du père.

          Le revers de cette délégation tacite se traduit fréquemment, chez ces pères complaisants, par le déploiement généreux d'un rigorisme stéréotypé à l'endroit des règles. Faute de vectoriser la dialectique oedipienne en signifiant sans équivoque le lieu et la cause de la jouissance maternelle, le père convoque volontiers l'enfant, par déplacement, aux impératifs des règles. Bien évidemment, plus ce rigorisme est totalitaire, plus l'enfant en reçoit la preuve de l'inconsistance et de la fragilité symbolique du père (…). La plupart du temps, ces préceptes éducatifs vantent d'autant mieux les stéréotyp(i)es imaginaires de la virilité qu'ils sont justement destinés à masquer chez ces pères, leur propre ambivalence phallique vis-à-vis de la castration.

          L'aliénation de l'enfant à l'intrigue de la séduction maternelle et à l'incurie symbolique paternelle a pour conséquence essentielle d'inviter l'enfant à conforter le fantasme d'une mère toute puissante qui est à proprement parler la mère phallique à laquelle il ne renoncera pas. (p 158)

          Il en résulte que la stratégie perverse s'adjoint un tiers possible dans le but d'accéder à la jouissance : "Le pervers est (…) conduit à poser, d'abord, la loi du père (et la castration) comme une limite consistante, afin de mieux démontrer, ensuite, qu'elle ne l'est peut-être pas puisqu'on peut toujours prendre le risque de la franchir. C'est dans la stratégie de ce franchissement que le pervers s'offre le bénéfice de sa jouissance. Toutefois, la volupté du stratège ne saurait être acquise sans la complicité -imaginaire ou réelle- d'un témoin, qui assiste, médusé, au tour de passe-passe fantasmatique dans lequel s'enferme le pervers vis-à-vis de la castration". (p 194)

          " (…) c'est à la mesure de cette complicité implicite de l'autre que le pervers peut brandir le défi comme mode d'accès à la jouissance. En sorte que la stratégie perverse reste étonnamment fixe dans son principe. (…) cette stratégie consiste principalement à dévoyer l'autre par rapport aux repères et aux limites qui l'inscrivent au regard de la loi (ou de la règle) (…)". (p 195)

          Dans le cadre des perversions, on peut conclure sur l'idée que "la mère capture toujours son enfant dans une ambiguïté fondamentale. Ambiguïté qui consiste à maintenir l'enfant dans une dépendance de séduction érotique tout en lui prodiguant la menace de castration d'un lieu symbolique qu'elle a elle-même usurpé". (p 240)


 

B. E. juillet 2002

 


Les Psychonévroses de défense
Sigmund Freud (1894)


          Freud caractérise dans cet article une famille de névroses dont les symptômes se caractérisent par une situation d'inconciliabilité dans la " vie représentative du malade ", entre un évènement, une représentation, une sensation, et leur moi, qui a pour conséquence que " la personne décide d'oublier la chose, ne se sentant pas la force de résoudre par le travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable et son moi ".
La personne met ainsi en oeuvre diverses tentatives de défense, menant à diverses réactions pathologiques, " produisant soit une hystérie, soit une obsession, soit une psychose hallucinatoire ".
         " Dans l'hystérie la représentation inconciliable est rendue inoffensive par le fait que sa somme d'excitation est reportée dans le corporel, processus pour lequel je proposerais le nom de conversion (...) "
         Mais cette aptitude à la conversion n'existe pas toujours : la séparation de la représentation et de l'affect est alors mise en oeuvre : " La représentation désormais affaiblie demeure dans la conscience à part de toutes les associations, mais son affect devenu libre s'attache à d'autres représentations, en elles-mêmes non inconciliables, qui, par cette 'fausse connexion', se transforment en représentations obsédantes. "
         D'où une théorie psychologique des obsessions et des phobies. Dans tous les cas analysés par Freud, c'est la vie sexuelle qui avait produit l'affect pénible qu'il s'agit pour la personne de réprimer. " La séparation de la représentation sexuelle d'avec son affect et la connexion de celui-ci avec une autre représentation (...) ce sont là des processus qui se produisent sans conscience; on peut seulement en supposer l'existence mais aucune analyse clinico-psychologique ne peut la démontrer. "
         Un autre type de défense, beaucoup plus radical, " consiste en ceci que le Moi rejette (verwift) la représentation insupportable en même temps que son affect et se comporte comme si la représentation n'était jamais parvenue jusqu'au Moi. Mais, au moment où ceci est accompli, la personne se trouve dans une psychose que l'on ne peut classifier que comme 'confusion hallucinatoire' (...) "

Descripteurs : Névrose - Critère - Diagnostic - Nosologie - Traumatisme -Symptôme - Mécanisme de défense - Affect - Représentation - Facteur quantitatif -Vie sexuelle - Hystérie - Conversion somatique - Névrose obsessionnelle - Phobie - Séparation de l'affect et de la représentation - Psychose hallucinatoire - Rejet (Verwerfung) - Formes mixtes


S.Freud : Qu'il est justifié de séparer de la neurasthénie un certain complexe symptomatique sous le nom de " névrose d'angoisse " (1895)

          Freud se propose ici de délimiter et décrire un complexe symptomatique particulier dans le champ des neurasthénies, qu'il appelle "névrose d'angoisse".
          Après en avoir dressé le tableau clinique (symptômes typiques), Freud traite des circonstances d'apparition et de l'étiologie de la névrose d'angoisse, et retrouve constamment " comme facteurs étiologiques actifs une série de nuisances et d'influences provenant de la vie sexuelle ". Il esquisse ainsi un tableau de ces circonstances d'apparition, différentes selon le sexe.
          Il s'efforce ensuite de théoriser cette étiologie : " le mécanisme de la névrose d'angoisse est à rechercher dans la dérivation de l'excitation sexuelle somatique à distance du psychisme et dans une utilisation anormale de cette excitation, qui en est la conséquence ". Il fournit un schéma théorique des destins de l' " excitation sexuelle somatique ", qui lui sert également de cadre pour considérer l'étiologie de la neurasthénie proprement dite, et reprendre les différents symptômes typiques dégagés en première partie.
          Pour finir, Freud considère les relations de la névrose d'angoisse avec les névroses, notamment la neurasthénie et l'hystérie, " selon les points de vue de leur apparition et de leurs affinités internes. ", Lorsqu'on rencontre une névrose mixte, on peut mettre en évidence une intrication de plusieurs étiologies spécifiques.

Descripteurs : Critère - Diagnostic - Nosologie - Névrose d'angoisse - Neurasthénie - Hystérie - Névrose Obsessionnelle - Tableau clinique - Symptôme - Formes mixtes - Substitution - Différence selon le sexe - Age -Circonstance d'apparition - Coït interrompu - Masturbation - Abstinence - Etiologie - Elaboration psychique - Excitation - Libido - Sexualité - Liaison - Affect - Angoisse - Représentation - Mécanisme de défense -


S.Freud : Obsessions et phobies. Leur mécanisme psychique et leur étiologie

          Freud soutient la thèse que les obsessions et les phobies sont des névroses à part, dont il va tenter de caractériser le " mécanisme spécial " et l'étiologie.
Alors que, dans les obsessions, on trouve toujours une idée qui s'impose au malade et un état émotif associé; dans les phobies, l'état émotif est toujours l'angoisse.
          Il commence d'abord, à partir d'observations cliniques, par considérer le cas des " obsessions vraies ". Ce qu'il retrouve de façon constante dans ces cas, c'est le fait que l'état émotif est toujours justifié, mais il s'est " éternisé ", et l'idée associée " n'est plus l'idée juste, l'idée originale, en rapport avec l'étiologie de l'obsession, elle en est un remplaçant, une substitution ". Les idées substituées " correspondent à des impressions vraiment pénibles de la vie sexuelle de l'individu que celui-ci s'est efforcé d'oublier. Il a réussi seulement à remplacer l'idée inconciliable par une autre idée mal appropriée à s'associer à l'état émotif (...) C'est cette mésalliance de l'état émotif et de l'idée associée qui rend compte du caractère d'absurdité propre aux obsessions. "
Sur le plan de la théorisation de cette substitution, Freud aborde trois questions :
     -- Comment cette substitution peut-elle se faire ? " Il semble qu'elle est l'expression d'une
        disposition psychique spéciale. Au moins rencontre-t-on dans les obsessions assez souvent
        l'hérédité similaire, comme dans l'hystérie. "
     -- Quel est le motif de cette substitution ? " Je crois qu'on peut l'envisager comme un acte de
        défense du moi contre l'idée inconciliable. "
     -- Pourquoi l'état émotif associé à l'idée obsédante s'est-il perpétué, au lieu de s'évanouir
        comme les autres états de notre moi ? " On peut donner cette réponse en s'adressant à la
        théorie développée par M.Breuer et moi. (...) par le fait même de la substitution, la
        disparition de l'état émotif devient impossible. "

          Freud considère ensuite les " phobies ", dans lesquelles on peut discerner deux groupes, caractérisés par l'objet de la peur : les " phobies communes " (peur exagérée des choses que tout le monde " abhorre ou craint un peu) et les " phobies d'occasion ", peur de conditions spéciales, qui n'inspirent pas de crainte à l'homme sain, comme l'agoraphobie et les autres phobies de locomotion.
          Le mécanisme est tout autre : " Ici on ne dévoile plus par l'analyse psychique une idée inconciliable, substituée. On ne trouve jamais autre chose que l'état émotif, anxieux ". D'où la nécessité de constituer une névrose spéciale, la " névrose anxieuse ", dont les phobies sont une forme clinique. La névrose anxieuse est d'origine sexuelle, sans se rattacher à des idées tirées de la vie sexuelle. " Son étiologie spécifique est l'accumulation de la tension génésique, provoquée par l'abstinence ou l'irritation génésique fruste ( frustrée ?...) ".

Descripteurs : Critère - Diagnostic - Nosologie - Symptôme - Obsession - Phobie - Conditions d'apparition - Etiologie - Liaison - Affect - Représentation - Substitution - Mécanisme de défense - Angoisse - Excitation - Vie sexuelle - Facteur quantitatif - Formes mixtes


S.Freud : L'hérédité et l'étiologie des névroses (1896)

          " Je m'adresse spécialement aux disciples de J.-M. Charcot pour faire valoir quelques objections contre la théorie étiologique des névroses qui nous a été transmise par notre maître. On sait quel est le rôle attribué à l'hérédité nerveuse dans cette théorie. Elle est pour les affections névrosiques la seule cause vraie et indispensable, les autres influences étiologiques ne devant aspirer qu'au nom d'agents provocateurs. "
        Après avoir mentionné divers arguments tirés de la clinique des pathologies nerveuses, dont il ressort que la conclusion de leur étiologie héréditaire est trop hâtive, ou au moins insuffisante, d'autres conditions devant être réunies, Freud part à la recherche des "causes spécifiques et déterminantes des névropathies". Il distingue deux grands groupes de névroses, le premier étant formé de l'hystérie et de la névrose obsessionnelle, le second contenant la neurasthénie de Beard, qu'il décompose en neurasthénie propre et en névrose d'angoisse.
        Distinguant trois classes d'influences étiologiques (conditions indispensables mais non spécifiques; causes concurrentes, mais non indispensables; causes spécifiques), Freud ne voit dans l'hérédité qu'une condition nécessaire, une prédisposition, indispensable mais non spécifique dans le cas des grandes névroses.
        De plus, un facteur quantitatif semble primordial, tel que " l'hérédité et les causes spécifiques peuvent se remplacer par le côté quantitatif (...) le même effet pathologique sera produit par la concurrence d'une étiologie spéicifique très sérieuse avec une disposition médiocre ou d'une hérédité nerveuse chargée avec une influence spécifique légère. "
        Quelles sont les causes spécifiques des névroses ?
        " Je veux maintenir (...) que chacune des grandes névroses énumérées a pour cause immédiate un trouble particulier de l'économie nerveuse, et que ces modifications pathologiques fonctionnelles reconnaissent comme source commune la vie sexuelle de l'individu, soit désordre de la vie sexuelle actuelle, soit évènements importants de la vie passée. "
        Quant à l'hystérie et à la névrose obsessionnelle, " Je dois mes résultats à l'emploi d'une nouvelle méthode de psychoanalyse, au procédé explorateur de J.Breuer, un peu subtil, mais qu'on ne saurait remplacer, tant il s'est montré fertile pour éclaircir les voies obscures de l'idéation inconsciente. Au moyen de ce procédé (...) on poursuit les symptômes hystériques jusqu'à leur origine qu'on trouve toutes les fois dans un évènement de la vie sexuelle du sujet bien propre à produire une émotion pénible. Remontant en arrière dans le passé du malade (...) je suis arrivé enfin au point de départ du processus pathologique et il m'a fallu voir qu'il y avait au fond la même chose dans tous les cas soumis à l'analyse (...) un souvenir qui se rapporte à la vie sexuelle (...) "
L'étiologie spécifique pour l'hystérie, c'est une expérience de passivité sexuelle avant la puberté.
        Dans la névrose obsessionnelle, on rencontre également un évènement sexuel précoce, mais un " évènement qui a fait plaisir (...) Les idées obsédantes (...) ne sont pas autre chose que des reproches, que le sujet s'adresse à cause de cette jouissance sexuelle anticipée, mais des reproches défigurés par un travail psychique inconscient de transformation et de substitution. "

Descripteurs : Etiologie - Névrose - Hérédité - Critique - Condition apparition - Cause spécifique - Cause concurrente - Neurasthénie - Névrose d'angoisse - Evènement existentiel - Vie sexuelle - Hystérie - Névrose obsessionnelle - Symptôme - Souvenir inconscient - Abus sexuel -Traumatisme -Expérience infantile - Passivité / Activité - Psychoanalyse - Facteur quantitatif


S.Freud : Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense (1896)

          " Mes observations de ces deux dernières années de travail ont renforcé ma tendance à faire de la défense le point nucléaire dans le mécanisme psychique des névroses en question, et elles m'ont permis aussi de donner à la théorie psychologique un fondement clinique. "
Il présente ici les nouveaux résultats auxquels il est arrivé.
     1) Pour l'hystérie, Freud apporte des éléments supplémentaires par rapport aux résultats
         obtenus en collaboration avec Breuer (les symptômes de l'hystérie ne peuvent être compris
         que s'ils sont ramenés à l'action 'traumatique' d'expériences vécues, et ces traumatismes
         sont en rapport avec la vie sexuelle). La condition spécifique de l'hystérie, c'est la
        " passivité sexuelle en des temps présexuels ".

         Dans l'étiologie de la névrose obsessionnelle également on retrouve le rôle des expériences sexuelles de la première enfance, mais il ne s'agit plus de passivité, mais " d'agression pratiquée avec plaisir, d'une participation, éprouvée avec plaisir, à des actes sexuels : donc d'une activité sexuelle. " Les obsessions sont invariablement des " reproches transformés, faisant retour hors du refoulement, et se rapportant toujours à une action sexuelle de l'enfance accomplie avec plaisir".

                   La paranoïa aussi serait une psychose de défense, qui proviendrait du refoulement de souvenirs pénibles. Ce qui caractériserait la paranoïa, ce serait une forme particulière de refoulement, que Freud étudie d'abord en présentant le cas d'une femme paranoïaque chronique (32 ans). Recherchant les représentations inconscientes déterminantes, il trouve que " les données provenant de l'inconscient étaient pour la plupart du temps entendues intérieurement ou hallucinées. "

                   Les hallucinations de la malade " n'étaient rien d'autre que des fragments du contenu des expériences infantiles refoulées, des symptômes du retour du refoulé (...) mais en même temps des conséquences d'un compromis entre la résistance du moi et la force de ce qui faisait retour (...) "
Comparant paranoïa et névrose obsessionnelle, Freud trouve qu'alors que dans la névrose obsessionnelle, le reproche est reconnu comme justifié, dans la paranoïa le reproché est refoulé par projection, le symptôme érigé est celui de la méfiance à l'égard des autres, et le sujet se retrouve sans aucune protection contre les reproches qui font retour dans les idées délirantes, sous forme de pensées mises à voix haute.

Descripteurs : Critère - Diagnostic - Nosologie - Mécanisme de défense - Refoulement - Inconscient - Traumatisme sexuel - Expérience infantile - Hystérie -Passivité sexuelle - Sexe féminin - Névrose obsessionnelle - Activité sexuelle - Sexe masculin - Symptôme - Formation de compromis - Résistance - Moi - Retour du refoulé - Paranoïa - Projection -


S.Freud : L'étiologie de l'hystérie (1896)

          Pour aborder le problème des causes de l'hystérie, Freud utilise une méthode alternative à l'approche anamnestique traditionnelle : il s'agit de faire parler le symptôme hystérique, à partir de la découverte de Breuer, selon laquelle " les symptômes de l'hystérie (...) tirent leur détermination de certaines expériences du malade qui ont agi de manière traumatique, et qui sont reproduites dans la vie psychique du patient sous la forme de symboles mnésiques. On doit appliquer la méthode de Breuer (...) pour ramener l'attention du malade du symptôme à la scène au cours de laquelle et par laquelle ce symptôme a pris naissance. Après avoir localisé ce symptôme, on le supprime, lors de la reproduction de la scène traumatique, en opérant une correction après-coup du déroulement de l'évènement psychique ancien. "

          Il s'agit ainsi de " suivre les chaînes de souvenirs associés que nous découvre l'analyse ", et " on finit toujours immanquablement par arriver au domaine du vécu sexuel ".

          " J'affirme donc qu'à la base de chaque cas d'hystérie, on trouve un ou plusieurs évènements d'une expérience sexuelle prématurée (...) "
Un facteur quantitatif entre aussi en jeu dans l'étiologie de l'hystérie : " (...) l'irruption de l'hystérie remonte presque invariablement à un conflit psychique, une représentation inconciliable mettant en action la défense du moi et provoquant le refoulement. Dans quelles conditions cet effort de défense a-t-il l'effet pathologique de refouler dans l'inconscient le souvenir accablant pour le moi et de créer à sa place un symptôme hystérique ? (...) La défense atteint son but qui est de repousser hors de la conscience la représentation inconciliable, lorsque se trouvent chez le sujet en question, jusqu'ici en bonne santé, des scènes sexuelles infantiles à l'état de souvenirs inconscients, et lorsque la représentation à refouler peut être mise en relation par un lien logique ou associatif, avec une expérience infantile de cet ordre. (...) les symptômes hystériques sont des rejetons de souvenirs inconsciemment actifs. "
Abordant ensuite la détermination sexuelle des différentes classes de symptômes hystériques, Freud trouve que ces symptômes sont toujours surdéterminés : " la représentation choisie pour la production d'un symptôme est celle qui résulte du concours de plusieurs facteurs, qui ont été réveillés de différentes parts et en même temps. "

          La névrose appartient ainsi au champ psychologique, et nécessite une psychologie qui reste encore à faire : " (...) précédemment j'avais déjà recommandé de regrouper hystérie et obsessions sous le titre de 'névroses de défense', avant que ne me soit encore connue leur étiologie infantile commune. Je dois ajouter maintenant (...) que tous mes cas d'obsessions révèlent un substratum de symptômes hystériques (...) Qu'est-ce qui décide donc si, des scènes sexuelles infantiles demeurées inconscientes, il sortira plus tard l'hystérie, l'obsession ou même la paranoïa, lorsque s'y seront ajoutés les autres facteurs pathogènes ? (...) Je ne suis pas encore en état, Messieurs, de donner une réponse assurée à cette question. (...) Mais lorsque l'on aura mis en lumière les facteurs qui régissent le choix entre les formes possibles des psychonévroses de défenses, il se posera à nouveau un problème purement psychologique, à savoir : quel est le mécanisme qui façonne la forme particulière de chacune des névroses ? "

Descripteurs : Hystérie - Etiologie - Analyse psychologique - J.Breuer - Symptôme - Chaînes associatives - Souvenir inconscient - Traumatisme - Vie sexuelle - Expérience infantile - Facteur quantitatif - Conflit - Mécanisme défense - Moi - Refoulement - Surdétermination - Névrose obsessionnelle - Psychonévrose de défense - Choix de la névrose

L. P. juillet 2002

 



Pour une Clinique du réel Lacan et ses didactic(h)iens
Stoïan STOIANOFF-NENOFF


          Parlant des didactic(h)iens à la fin de son livre Stoïan STOIANOFF nous dit qu'il a été particulièrement discret à leur égard. Les ayants définis au début de l'ouvrage comme "ceux qui organisent et accomplissent le culte de l'objet (a)" il revendique quant à lui à instaurer une pratique de la psychanalyse qui mobiliserait les variétés d'objet (a) sans appartenir à la "communauté des sectateurs". Nous en tenant au contenu théorique et clinique du livre nous retiendrons le cheminement personnel d'un psychanalyste à travers l'œuvre si complexe de Jacques LACAN, la formulation originale de l'articulation entre la théorie de l'objet (a) et la chaîne signifiante , objet (a) "logé au sein de la chaîne borroméenne telle "la taupe au logis de l'inconscient"".

          Dans son introduction Stoïan STOIANOFF articule son troisième ouvrage aux deux précédents. Il nous dit que dans le premier intitulé : "Transmission de la psychanalyse" Lacan opère sur la trace d'une vérité, "vérité du désir dans la textualité". Ceci en étudiant les textes de Hegel, Claudel, et les philosophies orientales. Dans le second intitulé "Qu'en dira t-on ?" il suit Lacan ré interrogeant le savoir de la langue tout autant que celui de la théologie et des sciences "dans leur mode respectif d'ignorer la vérité". Il met en évidence la façon dont Lacan noue la vérité et savoir qu'il nommera nouage Borroméen ou "nom du père", et nous dit qu'avec le "nom du père" nous tenons le fil du réel de la structure. Dans ce troisième livre l'auteur dénonce ceux qui bradent l'héritage lacanien. Dans une argumentation dense et précise ré interrogeant toujours d'autres domaines tels ceux de la biologie, de la physique, de la théologie et des arts, il repositionne la théorie lacanienne. Il nous montre comment le "nom du père" apparaît conditionné par trois nominations lacaniennes du désir : la privation, la frustration et la castration. C'est toujours par rapport à la notion de manque d'objet que s'articule la constitution du sujet désirant. L'auteur nous mène dans le champ des identifications induites respectivement par ces trois modalités du désir : identification au trait unaire, au désir de l'Autre, et identification au père. Il analyse leurs alternances, leurs persistances et leur dépassement chez un même sujet. A partir d'exemples cliniques, la position de l'analyste est reformulée, ce dernier est partie prenante du discours énoncé, en tant qu'il est celui qui en reçoit l'énonciation. Il peut alors par son intervention rétablir une continuité dans le discours du sujet, qui peut retrouver ainsi un événement de sa vie refoulé. Une autre dimension du livre est celle où la question posée par l'auteur rejoint le malaise actuel de la société : Y a t-il encore un échange social ? "Comment réactiver la dynamique de l'échange social dans l'espoir secret que chacun y trouve sa place ?". C'est en interrogeant le champ de la psychanalyse et les différentes façons que l'être humain a de nouer les identifications que Stoïan STOIANOFF pose ainsi la question "et si le bonheur n'était qu'une question d'identification ?".

          Ce livre est un ouvrage de grande culture aux références théoriques denses et précises, ouvrage didactique, pour les jeunes analystes et pour tous ceux qui dans les groupes de travail positionnent la théorie pour avancer dans leur pratique. C'est un encouragement à poursuivre et le travail individuel et les échanges inter-personnels.

D. G. juillet 2002

 


L'Ordre Sexuel
Gérard POMMIER (1989)

          Dans l'introduction de cet ouvrage, l'auteur rappelle que l'enfant, inévitablement aliéné voire identifié à ce qui manque à sa mère, c'est-à-dire le phallus, ne sera jamais à la hauteur de la demande maternelle. Le refus de l'aliénation conduit certes à affronter la privation d'amour, mais offre au moins un choix : celui de dire non. Le symptôme peut se lire comme la signature paternelle qui cautionne ce refus.

          Mettant en rapport le phallus et le nom, Gérard POMMIER, reposant la question "que veut une femme ?", souligne l'existence d'une "culpabilité profonde, à l'œuvre dans l'amour. Elle n'est pas oedipienne, morale, mais seulement liée au fait d'exister. "Exister" veut dire avoir survécu au trauma premier de la rencontre avec le langage, vivre malgré la première promesse, celle de s'égaler par amour à l'incompréhensible de la première demande dans le vide. "Exister", c'est ainsi demander le pardon de vivre, pour avoir été inégal à sa propre promesse". (p 155)

          "(…) si le garçon comme la fille contractent également une dette à l'égard de leur mère, le garçon peut surseoir à son paiement avec des moyens -l'identification au père- que la fille ne saurait utiliser sans craindre pour sa féminité. Le lien d'une fille à sa mère demeure ainsi inextricable, non parce qu'elle lui doit la vie, mais parce qu'elle lui reste redevable quant à son identité". (p 269)

          Evoquant ensuite la "méprise de l'amour", l'auteur indique qu'une femme peut, paradoxalement, avoir une fonction de "Nom du père" pour un homme : "La fonction paternelle "féminine" ne résulte (…) pas d'une ressemblance avec le père, ni de la possibilité de dire non, mais de ce qui est rendu à l'homme en échange de son désir. C'est-à-dire ce qui, ne pouvant décider entre phallus et nom, cherche, mais ne trouve pas, la solution de l'énigme du premier dans le nouage du second.
          L'amour féminin vacille entre ces deux inconciliables que sont le phallus et le nom, et il formalise leur incompatibilité. Ainsi, une femme fera t-elle la Loi seulement grâce à son amour, et nullement parce qu'elle énoncerait une interdiction ou parce que l'une de ses qualités évoquerait la paternité. C'est pourquoi son amant pourra lui faire des reproches comme si elle l'empêchait de faire quelque chose, alors qu'il ne saurait préciser la nature exacte de ses griefs". (p 73)

          Dans un chapitre sur "l'Ordination de la castration", Gérard POMMIER explicite les différentes phases conduisant l'enfant à s'identifier tout entier au phallus maternel manquant, et l'érotisation qui en découle.
Scène 1 : La demande maternelle amène l'enfant à s'identifier au phallus. Lorsqu'il propose de la nourriture, par exemple, l'enfant la comble en acceptant ce qu'elle lui offre. Il est donc "phallus" par les voies de la pulsion orale.
Scène 2 : Cette mère est maintenant équipée du phallus qui vient de lui être donné. Androgyne, mère phallique, elle surgit d'un effet seulement langagier, grâce aux soins qu'elle a donnés à l'enfant et de la réponse que ce dernier y a apportée.
Scène 3 : L'enfant s'identifie à cette mère phallique : il est maintenant comme elle, muni d'un sexe en érection. Les soins qu'il reçoit, s'il les accepte, l'érigent : le manger, la parole, la propreté, tout est l'occasion de l'érotisme.

          Ce schématisme en trois temps, vaut pour les deux sens. On conçoit donc son importance théorique, puisqu'il permet d'affirmer la prévalence d'un seul symbole, le phallus, pour l'homme comme pour la femme. (p 91)
Ainsi, la rivalité qu'introduit la présence du père, laquelle semble en contradiction avec l'amour, du fait qu'elle prive l'enfant de la jouissance maternelle, libère en même temps ce dernier de l'angoisse qui accompagne l'érotisme maternel. Cet amour paradoxal, qui soulage de la demande maternelle, pourrait alors s'appeler "amour de la castration". (p 96)

          Par conséquent, "il ne saurait y avoir de symétrie entre l'amour maternel, qui donne son armature érotique du corps, et l'amour adressé au père pour une fonction désincarnée". (p 97)
          "La dette à l'égard de ce père, dont le souffle est reconduit dans l'action est solvable, contrairement au dû exigé par l'Autre du langage. Passant à l'action, le sujet passe aussi de l'angoisse de castration de l'Autre à la dette dont le meurtre le rend débiteur. (…)
          Au cours des différents temps du complexe de castration, l'angoisse oblige à s'acquitter de deux dettes. Ce qui est d'abord dû à la mère concerne le droit d'exister. La monnaie en cours pour payer cette dette étant le phallus, celle-ci ne pourra jamais être payée. Il existe une autre dette, concernant le prix à payer pour le meurtre du père, qui solde la symbolisation du phallus. Les œuvres, l'action, peuvent espérer acquitter ce dû, et cela d'autant plus facilement que la culpabilité attachée à lui ne concerne pas un vivant.

          Malheureusement le paiement de la deuxième dette ne règle pas la première. Au contraire, ce qu'il y a d'insolvable dans la première ouvre à nouveau le compte de la seconde, et toute nouvelle symbolisation du phallus réclamera un nouveau meurtre symbolique". (p 100)
"Cette articulation de deux dettes est importante dans la clinique, chacune d'entre elles ayant ses conséquences propres. La première, celle qui est due à la mère, est de loin la plus pathogène, puisqu'elle est, par définition, hors-la-loi, au sens où le paiement qu'elle réclame échappe à la loi du père, qu'elle mine subrepticement". (p 101)
          "La dette due au père, quant à elle, lance dans l'action : parce qu'il a ce devoir d'être à la hauteur de son propre nom, de ne pas se contenter de le recevoir, un homme, aussi modeste que soit son rang, est confronté à une sorte d'héroïsme quotidien". (p 102)
          "La nécessité de ce lestage par l'action est, sinon sans importance, du moins sans commune mesure pour une femme, dont l'œuvre éventuelle n'aura jamais la même fonction. Elle ne verra pas baisser son angoisse en soignant ses réalisations. Il n'en va pas ainsi parce qu'elle accorderait plus d'importance à l'affectif et au sentimental, mais parce que son nom peut lui paraître contraire à sa féminité". (p 103)

          Le chapitre suivant, "Choix du sexe et perversion", suggère que, malgré l'absence de généralité de "la femme", il existe "une position centrée du féminin du point de vue de l'identification subjective. Contrairement à l'homme qui cherche à être identique à son père, l'image maternelle n'est d'aucun secours pour situer l'identité féminine. On ne peut établir de continuité entre le féminin et le maternel. (…) (C') est dans les suites d'un conflit l'opposant à la demande maternelle qu'une femme aborde sa féminité, et c'est la brèche de l'amour du père qui lui ouvre cette voie".
          Entre féminité et maternité existe un écart infranchissable, parce que choisir l'amour du père (et la féminité) se fait contre le vœu de la mère et accroît l'endettement à l'égard de celle-ci. Il en va ainsi, parce que l'amour adressé au père cherche à débarrasser de ce que la réclamation maternelle a d'angoissant. Mais alors cette réclamation ne va t-elle pas s'accroître ? Par rapport à cette dette, le sentiment porté au père sera une circonstance aggravante, pouvant donner à une fille l'impression d'être d'abord une mauvaise fille, et elle ne pourra jamais effacer cette tache liée à son sexe. Ce qu'elle continuera à vouloir se faire pardonner, seulement parce qu'elle est femme, fera la force de son lien à sa mère, demande de pardon incompréhensible, car elle concerne un amour légitime. En tant que femme, elle n'est donc pas dans la lignée maternelle, dont elle s'extirpe grâce à l'homme". (p 116)

          Suivent des considérations sur le désir sexuel. Dans le chapitre "Spécificité du désir sexuel féminin", Gérard POMMIER reconduit la réflexion qu'il avait remarquablement menée dans l'Exception féminine (1985). Il insiste ici plus particulièrement sur le sentiment de rejet et d'abandon qui, pour la femme, conjoint l'érotisme et la mort et qui s'origine dans le meurtre symbolique du père. Celui-ci "n'aura pas comme seul résultat une identification à l'objet perdu sur le modèle du deuil, celle qui permet de conserver malgré tout le disparu. Il s'agit d'une identification allant au-delà de la personne perdue, identification au désir lui-même. (…)".
          Ce deuil en puissance accompagne le désir féminin et l'homme qui contemple ce face-à-face d'une femme avec la perte pourra en éprouver une excitation sexuelle, car il sait que cet affrontement mortel concerne un désir où il est intéressé. La femme dont l'érotisme est proche de la mort l'attire dans cette mesure, elle le fascine et il peut la pousser aussi dans cette proximité, parce que même si elle signifie son anéantissement, cette perte est ce qu'il y a de plus absolu dans son désir.
          Cette extrême conséquence de "rejet" doit être articulée à une autre particularité du désir féminin : si la naissance du désir sexuel pour l'homme s'accompagne d'un sentiment d'abandon, il est également reconnaissance du lieu dont il provient, c'est-à-dire de l'espace maternel. L'homme n'est aimé et ne tient sa place que dans la suite de cet amour.
          Une Autre femme assiste à l'amour de l'homme. Ce tiers féminin a deux implications distinctes qui ne sont pas identiques. L'Autre femme est d'abord la mère. En fonction d'elle se déclare l'amour du phallus et du père qui le porte. Mais une fois né cet amour de l'homme, il implique l'amour de la femme, et non plus celui de la mère.
          Une femme pense à l'Autre femme à travers son désir d'un homme, parce que ce désir implique le rejet, parce que le rejet engendre une identification à ce qui est perdu, et parce qu'enfin, cette identification elle-même fonde le désir d'une femme majuscule, celle que l'amant regretté aime de toujours à travers sa maîtresse. Lui perdu par son désir, elle est lui, et aime ainsi la Femme. C'est donc le rejet de l'homme, occasionné seulement par le désir, qui cause cet amour de la femme, cette obsession du féminin comme résultat paradoxal de l'hétérosexualité féminine. Cette identification au masculin au moment de la perte, et l'amour du féminin qui en découle, est difficile à comprendre, parce qu'elle n'est pas le résultat d'une identification masculine secrète. Il s'agit d'un trait féminin, découlant de la spécificité de son désir sexuel." (pp 159-160)

          "Le sentiment de rejet et d'abandon, consubstantiel au désir féminin, doit être distingué d'un autre sentiment d'exil, qui a son origine dans le rapport au langage et à l'Autre maternel. Il s'agit de l'incapacité de payer, à l'égard de la mère, ce que l'on peut appeler la dette de vivre, dette impossible à solder, parce qu'il n'y a pas moyen de répondre à la demande maternelle. S'il s'égale à son manque, au phallus, l'enfant meurt. Il est donc endetté parce qu'il vit, parce qu'il n'est pas mort d'amour. Cette dette est naissance, séparation de l'espace maternel : exil, rejet.
          Le "rejet" articulé au désir de l'homme situe une autre origine de ce sentiment, qui représente le progrès qui est fait lorsqu'une femme quitte l'espace maternel pour l'amour du père. Ce changement est d'autant plus périlleux qu'il ne permet pas d'en finir avec la dette première d'exister. Il l'accroît au contraire (puisque la mère est abandonnée). Non seulement l'amour du père ne sauve pas, mais il entraîne pour son propre compte un rejet d'autant plus violemment ressenti qu'il opère à partir de l'espace pervers du sexe.
          Il existe ainsi deux moments successifs, l'un qui concerne l'espace maternel et le second l'amour du père. Lorsque le rejet est multiplié par le rejet, c'est-à-dire lorsque le rejet par le père (seulement occasionné par son désir), renvoie au rejet opéré par la mère (du fait de la non satisfaction à ses demandes), se présente le moment le plus suicidaire de l'abandon (alors même qu'il ne s'est produit dans la réalité aucune espèce d'abandon)". (p 162)

          Le chapitre suivant évoque le désir sexuel masculin, en mettant en évidence le caractère problématique du passage à l'hétérosexualité : "D'une part, et c'est l'occurrence la plus fréquente de la masculinité, un homme aimera une femme semblable au personnage féminisé qu'il était pour son propre père. D'autre part, et c'est l'occurrence la plus difficile à comprendre, un homme aimera une femme seulement dans la mesure où, empruntant un attribut du père, elle se montrera virilisée". (p 177)
          "(…) le tourment de l'homme sera différent de celui de la femme, qui est déchirée par le défaut paternel. En effet l'amour pour un homme permet à une femme de rendre ce défaut à sa présence, et ce dernier est alors ce défaut lui-même.
          L'amour masculin, en revanche, comporte une autre impasse. Il est nécessaire de chercher, mais improbable de trouver le trait adéquat à la puissance. Et lorsque l'aimée semble le porter, il reste impossible de la saisir sans retomber dans la perversion, dans l'amour homosexuel d'une femme. Dans cette remise de peine infiniment reportée, ce n'est pas tant que le désir sexuel masculin serait insatiable. Il ne l'est pas plus que le désir féminin, il reste seulement toujours en appui sur son étai pervers.
          Son tourment est proportionnel à l'amour ; il cherche la femme unique, mais s'il la trouve, elle demeure en retrait par rapport à la place qu'il lui a réservée. Que cette femme se fasse toujours distante -et se laisse aimer à ce titre- ou bien qu'elle soit l'occasion de la déception ou du reproche -il existera une souffrance hétérosexuelle, un sentiment d'avoir à supporter plus ou moins dignement une inadéquation inévitable, puisque l'amour hétéros n'est à sa propre hauteur que lorsqu'il est déçu". (pp 191-192)
          C'est pourquoi, en "se dérobant, la femme se situe dans un ailleurs inattendu, et son amant continuera de rechercher en elle ce qu'il croyait pourtant avoir déjà trouvé. Elle ruse de la sorte avec son propre semblant, évitant que l'amour porté à son mystère, ne vivre à la haine. Elle n'ignore pas en effet que, la plupart du temps, en disant oui à celui qui cherche l'hétéros, elle l'annule au même instant. Si (…) elle manifeste seulement la positivité de son désir à l'amant, elle risque d'être aussitôt accusée, seulement pour s'être laissée rejoindre par ce qui lui est demandé". (p 188)

          Après des chapitres consacrés à la rencontre du désir sexuel féminin et masculin ainsi qu'au rapport entre cause du désir et obscénité, l'auteur aborde la question du "dispositif analytique et le problème de ses effets sur la jouissance sexuelle".
L'ouvrage s'achève sur le rappel du statut de la sublimation, "ce destin de la pulsion dont le résultat est de débarrasser le corps de l'érotisation violente causée par l'amour maternel". (p 278)


B. E. juillet 2002

 


Le Livre de la douleur et de l'amour (1996)
Juan-David NASIO

          Dans une langue très accessible, J.D NASIO évoque la stratégie du sujet face à la douleur physique :
          "Que devons-nous retenir de la douleur corporelle ? Essentiellement qu'elle est l'affect éprouvé par le moi lorsque, blessé, commotionné ou se remémorant une douleur ancienne, il fait l'effort de surinvestir l'image de la partie endolorie. Ce geste défensif tempère la commotion mais accentue la douleur. Soyons clairs : l'état de commotion fait mal, et la défense contre la commotion fait plus mal encore. A la douleur propre au bouleversement s'en ajoute une autre, celle qui exprime l'effort désespéré du moi pour sauver son intégrité. (p 67),
ainsi que face à la douleur psychique, qu'il circonscrit de la façon suivante :
          "Je souffrirai la douleur dans le ça, si je perds brutalement la personne aimée (deuil), son amour (abandon), l'amour que je porte à l'image de moi-même (humiliation) ou encore l'intégrité de mon corps (mutilation). Le deuil, l'abandon, l'humiliation et la mutilation sont les quatre circonstances qui, si elles sont soudaines, déclencheront la douleur psychique ou douleur d'aimer". (p 111)

          L'auteur envisage ensuite la douleur comme objet de la pulsion sado-masochiste : "qu'il s'agisse de la douleur que l'on inflige sans intention malveillante (premier temps), de celle que l'on subit masochiquement (deuxième temps), nous sommes toujours en présence d'une douleur masochiste, c'est-à-dire du plaisir d'une douleur subie par le moi. Et ceci pour la raison suivante que Freud nous explique : il y a identification du moi à l'Autre qui souffre. Dans le cadre de la pulsion sado-masochiste, la douleur est toujours subie par le moi, soit parce qu'il le subit lui-même, soit parce qu'il s'identifie avec celui qui le subit. Mais dans tous les cas, c'est le moi qui souffre la douleur (…). A tel point qu'on ne devrait même plus parler de pulsion "sado-masochiste", mais de pulsion masochiste tout court. (…) Même dans le cas de la perversion proprement dite, le sadique, celui qui tourmente son partenaire, jouit lui aussi d'une jouissance masochiste. Pourquoi ? Parce qu'il agit suivant la volonté d'un Autre. Autrement dit, je peux jouir masochiquement d'être la victime d'un châtiment, mais je peux aussi jouir d'être soumis à la loi ou à la volonté d'un maître. Puisque le sadique agit suivant la volonté d'un maître suprême, il jouit masochiquement de sa servilité. (p 169)

          J.D. Nasio propose de ce fait d'ajouter la douleur à la liste des objets pulsionnels (objets a). "Si le sein se détache du corps suivant la coupure de la demande à l'Autre, les fèces suivant la coupure de la demande de l'Autre, le regard avec la coupure que signifie le désir à l'Autre et la voix avec la coupure du désir de l'Autre, la douleur, elle, se dresse comme l'ultime objet, l'ultime fantasme face, non pas à la demande ni au désir de l'Autre, mais à sa jouissance. Qu'est-ce-à dire ? Que la douleur est la part sacrifiée pour éviter de souffrir, de se confronter à la jouissance extrême et intolérable -même si cette jouissance est une menace irréalisable- (p 176). Par conséquent, l' "ultime douleur serait de jouir sans limite. La douleur n'est pas d'être insatisfait, mais au contraire d'être livré à une satisfaction hors mesure". (p 250)

          L'auteur s'efforce d'autre part d'élucider le statut de la douleur dans l'épreuve du deuil de l'être aimé : "(…) lorsque disparaît l'autre qui était mon élu et dont j'étais l'élu, je perds non seulement la personne, mais la place d'objet a et l'objet imaginaire que j'occupais pour lui. Ce qui est perdu avec la mort de l'être cher, c'est tout d'abord l'image de moi-même qu'il me permettait de chérir. Ce que j'ai perdu avant tout, c'est l'amour de moi-même que l'autre rendait possible (…). J'étais objet, certes, mais lui, qu'était-il exactement ? Il n'était pas mon idéal mais le support réel de ce moi". (pp 225-226)

          "Néanmoins, je ne puis affirmer qu'en perdant mon aimé, je perde la pulsion, puisque je continue à vivre (…). (La) douleur serait (…) un objet de pulsion transitoire, provisoire, comme s'il fallait que le sujet, sous le choc de la mort de l'Autre, ne cesse d'exercer son activité pulsionnelle, et ce malgré les inhibitions propres à la phase de deuil." (p 226)

          J.D. Nasio conclut en suggérant que la douleur du deuil n'est pas la douleur de séparation mais douleur de liaison (…). (Ce) qui fait mal, ce n'est pas de se séparer, mais de s'attacher plus fort que jamais à l'objet perdu. Ainsi, (…) il semblerait que la douleur s'engendre non pas dans l'opération de détachement mais dans celle du recentrage et du surinvestissement du lien psychique avec l'objet". (p 229)

B. E. juillet 2002

 



La Jeune fille et la mort.
Soigner les anorexies graves sous la direction de Thierry Vincent (2000)

          Ce recueil d'articles propose une approche pluridisciplinaire de la pratique soignante des anorexies graves. Il est néanmoins loisible d'en extraire des passages clés formulant des hypothèses de lecture concernant l'étiologie de ce trouble énigmatique.

          On peut lire un "raccourci de ce qui est fondamental dans l'organisation psychique des anorexiques :
La régression dans le symptôme d'anorexie renvoie aux fondements de la structuration de la personnalité, aux précurseurs de la relation avec l'objet et de l'organisation du moi. L'objet n'est pas perçu comme externe et il existe une fusion avec une imago bisexuée, voire asexuée, et toute-puissante. Le retrait manifeste des investissements objectaux montre l'importance du narcissisme (retrait manifeste dans les relations de type fétichiste de l'objet et du corps propre). Cependant, ce fonctionnement montre l'existence d'un "objet particulier" - investissement de la satisfaction hallucinatoire d'un idéal du moi corporel, purement intellectuel, image de l'objet primitif, tout-puissant et immortel en sa phallicité, miroir du sujet qui se perd dans son image". (p 139)

          Sont évoquées deux hypothèses concernant l'étiologie du symptôme : "la première hypothèse consiste à admettre qu'un sens inconscient vient déterminer la conduite alimentaire pathologique. C'est l'hypothèse la plus couramment admise. Ou alors on opte pour une seconde voie qui consiste à envisager que cette conduite est "hors sens" pour le sujet, et que ce qu'il dit de sa conduite au niveau du sens n'est que le produit de l'exigence de la psyché à mettre en sens ce qui lui advient.(…) Autrement dit, l'anorexique devrait composer avec un corps qui ne supporte pas le poids de la nourriture à l'intérieur de lui et qui doit mettre à posteriori du sens sur ce symptôme.

          Dans cette seconde perspective, on considère que l'anorexique ne mange pas car elle ne peut pas, alors que dans la première elle ne mangerait pas parce qu'elle ne le voudrait pas (à cause de la tension libidinale que cela créerait)" (pp 152-154)
          Quoi qu'il en soit, la "conduite toute à fait incompréhensible des anorexiques est le résultat d'un ensemble de processus conscients et inconscients, refoulés et déplacés vers les pulsions orales, de façon si "réussie" du point de vue des mécanismes de condensation que l'opacité du symptôme perdure en dépit des efforts de rationalisation". (pp 141-142)

          La "conduite" d'une patiente est décrite en ces termes : "Son manque d'appétit, ses difficultés alimentaires étaient largement compensées par tout ce qu'elle avalait intellectuellement. Le traitement qu'elle infligeait à ses acquisitions scolaires et plus tard universitaires suivait le modèle ingurgitation/régurgitation. (…) Sa crainte principale était qu'un temps trop long se passe entre le moment où elle apprenait ses cours et le moment où elle devrait faire preuve de ses connaissances. Pour elle, le temps de la métabolisation, celui du "faire sien", n'existait pas". (p 152)


          Le rapport au corps se révèle extrêmement souffrant :
          "Très vite son corps est devenu l'ennemi à combattre. (…) Ce corps, Elle le malmène jusqu'à l'épuisement, ne l'autorisant à se reposer qu'en dernière extrémité. (…)
          Le surinvestissement du corps et de l'acte alimentaire sont les tentatives de lutte contre toute forme de passivité, en mettant en place des attitudes de contrôle et de maîtrise. Elle lutte pour échapper à la dépendance sans pouvoir échapper à une autre dépendance dénuée de sens, cycle infernal où l'objet disparaît au profit de l'acte.
          Elle fonctionne dans une confusion permanente entre le moi et l'idéal du moi, où la préoccupation corporelle est reine, réduction du moi à l'idéal du moi qui renvoie à la fusion primaire avec l'objet. Le moi idéal figure les exigences de puissance et de perfection, de toute-puissance narcissique, modèle du narcissisme infantile, conçu comme une identification primaire à un autre être investi de la toute-puissance : la mère". (pp 115-116)

          Pour cette jeune fille désignée par le pronom Elle dans un article, la "mère est tout à la fois distante, indisponible, mais aussi envahissante, trop présente. Elle la ressent comme dirigeant tout et tout le monde. C'est une blessure permanente que lui renvoie cette image d'une mère froide et indisponible et qui la confronte en négatif à cette imago maternelle contenante et calmante, fait insupportable. Confrontée à cette mère toute-puissante qui prend le pouvoir par l'intérieur, Elle ne peut résister qu'en fermant les entrées." (p 114)

          "P. Jeammet (…) insiste sur le fait que, dans l'anorexie, le corps reste clivé du reste du Moi car il représente l'objet persécuteur qu'il faut contrôler et tenir à distance, mais à condition d'admettre que le conflit entre le Moi et le ça soit situé dans la psyché parentale et que l'anorexie soit comprise comme la résultante du compromis trouvé pour apaiser le conflit. On pourrait dire que les couples producteurs d'anorexie sont soumis avec beaucoup de culpabilité aux exigences de leurs motions pulsionnelles et les ont amenés à procréer, mais à la condition que dans le futur cela ne se répète pas. Les anorexiques sont des Surmois ambulants. Elles ne sont pas des symptômes signifiants pour elles-mêmes mais plutôt l'incarnation symptomatique des conflits névrotiques des parents-conflits permanents ou temporaires.

          (…) systématiquement, dans toutes les familles (…), le discours tenu pendant les séances fait sans cesse état d'une désillusion profonde et partagée par les deux parents quant à la valeur du plaisir que réserve la vie. Il ne s'agit pas d'une dépression caractérisée mais plutôt d'une désillusion amère qui s'installe progressivement face aux difficultés inévitablement rencontrées au cours de l'existence. Il n'y a de joie ni à la maison, ni ailleurs, tout est sujet au doute et à interrogation sur la valeur de l'expérience porteuse de plaisir. S'offre-t-on un voyage à l'étranger que surgit la culpabilité au sujet de ceux qui ne peuvent en faire autant… Prend-on du plaisir à regarder une émission de variété à la télévision que la stupidité de la situation est immédiatement évoquée. Tout doit être sérieux, même-surtout !- les loisirs". (p 160)

          "La symptomatologie anorexique n'est pas le fruit d'un conflit interne à la personne qui en est porteuse mais le résultat d'une conjonction parentale dont les surmois s'allient pour personnifier l'interdit au plaisir.
Cette conjonction d'ordre névrotique chez les parents induit à la génération suivante un déplacement du conflit : il n'est plus entre les différentes composantes psychiques mais entre les pulsions de vie et les pulsions d'auto-conservation". (p 161)

          Au-delà du couple parental, les familles dont un membre présente des troubles de la conduite alimentaire recèlent des spécificités :
"L'enchevêtrement fait référence à un degré élevé d'implication et d'attachement réciproque qui va de pair avec des limites intergénérationnelles et interpersonnelles qui rendent aisée l'invasion de l'espace individuel.
Ce désir excessif d' "être ensemble" et de "tout partager" s'accompagne d'un manque d'intimité. L'une des conséquences de ce type de fonctionnement est une perception peu différenciée que les membres de la famille ont d'eux-mêmes. Il en résulte une hiérarchie exécutive confuse et un sous-système parental peu efficace face aux décisions à prendre ou à la résolution des problèmes. Il est alors courant qu'un grand-parent ou qu'un parent s'engage dans une coalition plus ou moins cachée avec un des enfants en l' "instigant" contre l'autre parent (…). Dans cette configuration, il devient clair que "la maladie" est tout à la fois enjeu et stratégie.

          L'hyperprotection désigne une modalité répétitive d'interaction où l'on assiste à une surenchère dans les demandes et offres de soin et de protection. (…) Dans ce mode d'échange les considérations ou les remarques critiques sont le plus souvent accompagnées de comportements apaisants et pacificateurs destinés à éviter l'explosion des conflits familiaux.

          La rigidité : ces groupes marqués par l'enchevêtrement et l'hyperprotection sont fortement centrés sur le maintien du statu quo. (…) Compte tenu des inévitables pressions aussi bien externes qu'internes, ces familles vivent dans un état chronique de stress latent. Elles tendent à développer des circuits d'évitement dans lequel le "porteur du symptôme" aura une fonction évidente.
Le manque de résolution des conflits. Les caractéristiques précédemment énoncées, lorsqu'elles se conjuguent au sein d'un même groupe, aboutissent à ce que de telles familles aient un seuil de tolérance très bas au conflit. (…) Les disputes mineures, les changements de sujet, les interruptions constantes relayées par l'un ou l'autre membre de la famille permettent d'éviter la confrontation et empêchent toute issue conflictuelle avant que soit atteint un seuil dangereux. Certaines familles vont même jusqu'à nier l'existence de tout problème, en dehors bien sûr de celui de l'anorexie". (pp 168-170)


 

B. E. juillet 2002

 



L'inachèvement
Nouvelle Revue de Psychanalyse
N° 50, automne 1994

          Cette revue recueille une série d'articles sur le thème de l'inachèvement et ses vertus éminemment vivantes :
"Le paradoxe est que, si nous voulons reprendre indéfiniment notre course vers des objets d'amour, de pensée, de travail à inventer, nous n'avons d'autre moteur que la recherche de la plénitude impossible, quel que soit le nom qu'on lui donne". (p 13), mais aussi son potentiel mortifère, susceptible de conduire à des impasses :
"N'oublions pas que l'inachèvement peut être aussi un symptôme (…) : la procrastination et l'inépuisable doute obsessionnel, l'insatisfaction incessante de l'hystérique, la nostalgie mélancolique de l'objet à jamais perdu sont autant de signes que le préfixe négatif de l'inachèvement est alors le seul vainqueur". (p 14)

          On peut évoquer plus précisément l'article de François Gantheret, "Traces et chair", dans lequel il s'interroge :
          " (…) qu'est-ce que parler ?
          Parler, c'est indiquer, désigner : avec tout ce que porte ce "désigner", mise en signes, pour l'autre, de ce monde intérieur comme extérieur, et index pointé sur ces signes. Quand, en ce moment, j'écris, je tente à chaque mot de désigner, de montrer, de faire voir clairement quelque chose que je porte en moi.

          Non pas que ce quelque chose me soit clair à moi-même : au contraire. Paradoxalement, c'est parce que ce n'est pas clair pour moi que je parle, pour dire : regardez, voyez-vous ce que je sens ? Ne pouvez-vous me dire, de votre point de vue, ce dont il s'agit ? Je parle pour qu'on me dise le vrai sur moi, sur ce que je porte en moi. Chaque mot est adresse, voire supplique (…)

          Ce que je veux faire passer en parlant, c'est ce qui me manque de moi à moi-même ; que j'ai en moi, mais sous une forme qui ne m'en permet pas l'accès. La qualité, la chair, la présence, j'attends donc du mot que j'adresse, de celui qui l'entend, qu'elles me soient redonnées ; elles sont dans ce qui manque au mot, et dont je demande restitution. Je cours à l'échec, forcément ! Mais sans doute ce qui, inéluctablement, manquera, aura une autre forme d'absence qu'avant d'avoir fait cette tentative.
          Quel peut être ce retour ? Sûrement pas celui que j'espère, que je désire. Car tel est le désir : qu'il n'y ait plus à parler. Mais peut-être, dans le meilleur des cas et si je n'ai pas saturé ma parole de prétendues attitudes, quelque chose qui serait de l'ordre de : on ne m'a certes pas compris, mais ce qui manque à comprendre, voilà comment il m'est proposé de l' explorer.
          Et, si on me fait ce retour, sans doute j'en serai consterné : c'est donc cela, qu'ils voient et me proposent de voir, dans ce qui manque à mes mots ? Mais je ne m'y reconnais pas ! C'est à eux, ce n'est pas à moi, ce n'est pas moi ! C'est de l'étranger ! Chacun, dans sa parole qui enchaîne sur la mienne et dont j'attends restitution -et même si tous se taisent : il suffit que j'adresse-, chacun dit l'étranger à moi, dans moi". (p 79)
          Dans son article "Vie et mort dans l'inachèvement" André Green propose, quant à lui, une définition de la théorie analytique :
          "La théorie psychanalytique tient à la fois de la création, du savoir scientifique (bien que la psychanalyse ne soit pas une science) et de la clinique. La coexistence de ces trois ordres de connaissance pondère chacun d'eux, pris isolément et confère à l'ensemble une perspective nécessairement ouverte. Création, elle l'est du fait de l'écart théorico-pratique qui construit ces idées, à distance des faits qui sont toujours enregistrés par la conscience mais sont compris selon les coordonnées de l'Inconscient. (…) De la science, le psychanalyste n'adapte ni les procédés ni les méthodes, mais peut-être est-il nécessaire de ne pas cesser d'y penser, pour mettre des limites de l'arbitraire possible de l'imagination créatrice de l'action psychanalytique. Il n'est pas trop vrai que sa pratique se rapproche de l'art, aussi doit-elle tenir ferme à un mode de pensée qui résiste à la séduction formelle, au mystère charmé de la lecture ou de l'écoute, pour proposer à la demande intellectuelle des idées dont l'articulation donne une image cohérente et convaincante de fonctionnement psychique.           (…) Enfin le travail du psychanalyste a besoin de la référence à la clinique car il n'échappe pas plus que celui de l'artiste ou du scientifique à ces blocages ou à ces "outrances" (les outre-achèvements) et à ses dérives à l'égard desquelles nous sommes très mal protégés. Là encore, cette pondération entre les démarches artistiques, scientifiques et clinique, devrait empêcher que le psychanalyste trop souvent ne pêche par excès d'unilatéralité." (pp 181-182)

L'inachèvement
NRP n°50 , automne 1994


Thèmes
Psychanalyse et art, psychanalyse et littérature, histoire de la psychanalyse, psychanalyse : théorie et pratique, transfert.

Mots-clés
Inachèvement, regard, créativité, création artistique, temps, rêve, transfert, sexualité, souvenir, après-coup, refoulement, parole, suggestion, interprétation, désir, idéalisation, identification, manque, processus analytique, mort, le négatif, découverte scientifique.

 

 

B. E. juillet 2002

 



L'Emprise
Nouvelle Revue de Psychanalyse
N° 24, automne 1981

 


          - pp 5 à 51 : Masud Khan, "La main mauvaise.
                                                      Du traumatisme cumulatif à la maîtrise du moi".

          * Thèmes : perversion, traumatisme, pratique analytique.
          * Mots-clés : dépression, dissociation, maîtrise du moi, pulsion d'emprise, fantasme,
                               objets de phénomènes transitionnels, Surmoi, Idéal du Moi,
                               sado-masochisme, mal.

          - pp 53 à 73 : J.-B. Pontalis, "Non, deux fois non.
                                                         Tentative de définition et de démantèlement de la
                                                         "réaction thérapeutique négative".

          * Thèmes : pratique et théorie psychanalytiques, relation thérapeute-patient.
          * Mots-clés : réaction thérapeutique négative, mère, psychanalyse et littérature.


          - pp 75 à 102 : Marie Moscovici, "Le temps incorporé"

          * Thèmes : temps, psychanalyse et littérature, amour.
          * Mots-clés : pulsion de vie, pulsion de mort, refoulement, sexualité, amour, plaisir,
                               satisfaction, mère, narcissisme, objet, désir, création, pensée.

          - p 103 à 116 : François Gantheret, "De l'emprise à la pulsion d'emprise"

          * Thèmes : pulsions, objet.
          * Mots-clés : emprise, réification, fantasme, objet, sexualité, sadisme, cruauté,
                               auto conservation, pulsions partielles, activité/passivité,
                               organisation sadique anale, pulsion de mort, plaisir, théorie.

          - pp 117 à 139 : Roger Dorey, "La relation d'emprise"

          Dans cet article, Roger Dorey indique l'existence de trois courants concernant la relation d'emprise. "Le premier sens repérable est celui qui correspond au terme Bemächtigung, lequel évoque l'idée de prise, de capture ou encore de saisie. (…) Au niveau interpersonnel il s'agit (…) d'une action d'appropriation par dépossession de l'Autre ; c'est une mainmise, une confiscation représentant une violence infligée et subie qui porte préjudice à autrui par empiètement sur son domaine privé, c'est-à-dire par réduction de sa liberté.

          La deuxième dimension, inséparable de la précédente et qui pourtant doit en être clairement distinguée est celle de la domination. C'est le sens courant du terme emprise, celui que nous utilisons habituellement pour rendre compte d'une domination intellectuelle ou morale exercée sur un individu ou sur l'homme en général. (…) Ce deuxième courant sémantique fait référence à l'exercice d'un pouvoir suprême, dominateur voire tyrannique par lequel l'autre se sent subjugué, contrôlé, manipulé, en tout état de cause maintenu dans un état de soumission et de dépendance plus ou moins avancée.

          Enfin, un troisième type de signification mérite d'être dégagé qui apparaît comme la conséquence ou la résultante de la double action d'appropriation-domination, laquelle ne peut s'exercer sans qu'il en résulte l'inscription d'une trace, l'impression d'une marque. Celui qui exerce son emprise grave son empreinte sur l'autre, y dessine sa propre figure (…).
          (…) dans la relation d'emprise, il s'agit toujours et très électivement d'une atteinte portée à l'autre en tant que sujet désirant qui, comme tel, est caractérisé par sa singularité, par sa spécificité propre. Ainsi, ce qui est visé, c'est toujours le désir de l'autre dans la mesure même où il est foncièrement étranger, échappant, de par sa nature, à toute saisie possible. L'emprise traduit donc une tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d'autrui, c'est-à-dire à la réduction de toute altérité, de toute différence, à l'abolition de toute spécificité ; la visée étant de ramener l'autre à la fonction et au statut d'objet entièrement assimilable. Deux voies principales s'offrent à cette perspective, elles correspondent à deux types d'organisations hautement différenciées, la problématique perverse, d'une part, et la problématique obsessionnelle, d'autre part". (pp 118-119)

          Dans chaque cas, "la visée ultime est l'autre comme être de désir (…). Dans la problématique perverse, il y a captation donc neutralisation du désir de l'autre par la séduction, alors que, dans la problématique obsessionnelle, ce désir est comme néantisé par une opération de destruction. Dans chacune de ces organisations la finalité est bien, mais par des voies distinctes, d'atteindre l'autre comme sujet désirant et par là de nier en lui sa singularité, sa spécificité, c'est-à-dire de gommer tout ce qui est de l'ordre de la différence. C'est que le désir de l'autre est, de par sa nature même, révélateur du manque d'objet, Objektloxigkeit, dit Freud qui lui donne une portée théorique considérable, en tant qu'il situe là l'origine de toute angoisse. Le surgissement de l'autre dans le champ du désir est en effet primitivement créateur et par la suite réactivateur de l'expérience originaire de détresse, contre laquelle le pervers comme l'obsessionnel, chacun à sa manière, cherche à se prémunir ou entreprend de combattre. La relation d'emprise, quelle que soit la modalité qu'elle revêt, doit être interprétée comme une véritable formation défensive ayant pour fonction essentielle d'occulter le manque tel qu'il est dévoilé par la rencontre de l'autre. Organisation qui consistera alors à investir cet autre, non sous la forme de sa reconnaissance comme sujet désirant, mais en tant qu'objet, au sens où l'objet (…) est une protection (Schutz) contre toutes les situations de détresse. L'objet, ainsi considéré, apparaît comme ce qui vient colmater la brèche ouverte par la perte originaire. Investir l'autre comme objet et non comme sujet, cela signifie concrètement instaurer une relation directe, non médiatisée, spéculaire donc éminemment réversible, se développant pour l'essentiel dans le registre imaginaire". (p 130)

          * Thèmes : perversion, névrose obsessionnelle.
          * Mots-clés : emprise, objet, désir, manque, mère, aliénation, pouvoir, dépendance,
                              destruction, séduction, détresse, pulsion de mort, sexualité, haine, maîtrise.

          - pp 141 à 163 : Michel Schneider, "Il pense, donc je suis"

          Cet article procède à une farouche mise en garde à l'égard des dérives résultant d'une cure analytique qui serait strictement assujettie à l'emprise de la théorie lacanienne :

          * "Entre le paradoxe freudien - cadre fini, processus infini - et le renversement lacanien - cadre arbitrairement infini, processus logiquement fermé -, on assiste à la mise en place de ce qui est l'opposé du paradoxe : la double contrainte. Et même une double double contrainte. Côté cadre : "Je suis le maître du temps et de l'espace mais c'est pour mieux scander et situer votre parole". Côté processus : "Dites ce qui vous vient, vous direz toujours la même chose : le Phallus identifié à la vérité". (p 158)

          * "Il est vrai que les mots peuvent se perdre, si on ne les saisit pas à temps, mais le temps du signe n'est pas celui de qui veut le saisir, le maîtriser, et il ne s'agit pas de le saisir comme une clef qui ouvre enfin, elle et elle seule, la porte du sens d'une vie". (p 159)

          * "A tout prendre, mieux vaut se laisser penser par l'autre que d'affronter l'effroi de penser. Si l'inconscient est bien le discours de l'Autre, et le désir, désir de l'Autre, la pensée ne saurait être sans grands dommages psychiques, pensée de l'Autre. La logique formelle sert à ne pas se laisser déporter là où je ne peux -ni ne pourrai jamais- me savoir, me calculer". (p 160)

Michel Schneider en appelle à tout ce que le processus analytique peut offrir de vivant, sans pour autant en occulter les difficultés :

          * "On ne quitte pas l'ordre de la souffrance. Souffrance de ne pouvoir se passer d'un autre, ni pour aimer, ni pour parler, ni pour penser". (p 153)

          * "Cette croyance du transfert, Freud dira après coup qu'elle l'a fait tenir bon, soutenir l'effort de sa vie et de sa pensée : "A l'époque où, contraint de croire que j'étais très près du terme de ma vie, c'est la confiance qui m'a fait tenir". Ce n'est que parce qu'il a été soutenu par cette foi que Freud peut dire, à la fin de son analyse : "C'est certainement folie que de vouloir abolir de ce monde la souffrance et la mort". L'analyste n'est-il pas aussi, pour son patient, le nécessaire sujet supposé aimer ?". (p 154)

          * "Le retour analytique au passé est tout autre que la hâte lacanienne à saisir la vérité du signifiant. (…) Le souvenir est à la fois ruine du présent, décombre du futur, et reconstruction active du passé. Le souvenir, ce qui sous-vient et mine l'actuel, c'est aussi la collection -recollection, disent les Anglais-, le remembrement -remembrance. Il faut bien cicatriser pour vivre." (p 163)

          * Thèmes : langage, littérature et psychanalyse, pratique analytique,
                            transfert, théorie lacanienne, temps

          * Mots-clés : cure analytique, culpabilité, Kafka, La Colonie pénitentiaire, identification,
                               parole, emprise psychanalytique, aliénation, frustration, cadre analytique.

          - pp 165 à 186 : Pierre Fédida, "Le cauchemar du moi"

          * Thèmes : relation thérapeute/patient, rêve.
          * Mots-clés : emprise, aliénation, rêve/cauchemar/rêve d'angoisse, parole, angoisse,
                               cadre analytique, compulsion de répétition, mort.


          - pp 187 à 204 : Monique Schneider, "La dérision du propre"

          * Thèmes : affect.
          * Mots-clés : interprétation, emprise, mot d'esprit, rire, tiers, don, dette, séduction, mère.

          - pp 205 à 220 : Nadine Fresco, "La diaspora des cendres"

          * Thèmes : silence, mort, deuil, temps.
          * Mots-clés : guerre, mort, génocide, oubli, souvenir, temps, nostalgie.

          - pp 221 à 224 : Eugène Enriquez, "Molle emprise et charme discret de l'éducation démocratique"

          * Thèmes : psychanalyse et société.
          * Mots-clés : éducation, formation, économie, politique, démocratie, narcissisme,
                               pouvoir, libération, savoir, soumission, sublimation, sacré, père.

          - pp 245 à 256 : Jean-Claude Laire, "Reflux"

          * Thèmes : angoisse.
          * Mots-clés : relation homme-femme, mère, amour, cure analytique.

          - pp 257 à 267 : Nicole Berry, "La monotonie"

          A propos de la "réaction thérapeutique négative" d'une patiente, on peut lire : "C'était donc une injonction paradoxale, réactivant la relation maternelle, "j'attends que tu associes librement", qui figeait la situation analytique". (p 262)

          * Thèmes : relation thérapeute/patient.
          * Mots-clés : contre-transfert, ennui, désir, silence, défense,
                               objet, répétition, manque, identification.

          - pp 269 à 278 : Laurence Igoin, "L'amour à contrecœur
                                                                Pulsion d'emprise et boulimie".

          * Thèmes : boulimie, amour, haine.
          * Mots-clés : angoisse, compulsion, mort, amour, souffrance, frustration,
                               maîtrise, dépression, doute, sadisme, oralité, obsession.

          - pp 279 à 286 : Christophe Bollas, "Comment l'hystérique prend possession de l'analyste. L'effet de conversion dans le contre-transfert".

          * Thèmes : transfert, névrose hystérique, objet.
          * Mots-clés : les sens, spectacle, représentation, pulsions,
                               affects, mère, conversion, refoulement.

          - pp 287 à 299 : P.F. de Queiroz Siqueira, "Emprise de quoi ?".

          * Thèmes : répétition, fantasme.
          *Mots-clés : événement, secret, familial, remémoration, ressassement,
                              construction-reconstruction-déconstruction, savoir analytique,
                              vérité/réalité, croyance compulsive, parole.

 

B. E. juillet 2002

 



La voix de l'expérience
Ronald David LAING (1986)


         Voici un ouvrage qui oblige le lecteur à engager sa propre réflexion dès le début du texte. Bien que les exemples présentés par l'auteur manquent de rigueur argumentatives, les notions proposées nous amène pourtant aux questions les plus pertinentes de la pratique thérapeutique.

         Cet ouvrage de LAING ouvre le chemin de la réflexion par une remise en cause des méthodes de compréhension des récits "d'expériences" individuelles pour aborder (ou bien justifier) dans la seconde partie de l'ouvrage les propres techniques thérapeutiques de l'auteur.

         A savoir ce qu'est un "regard objectif" ou un "regard diagnostique" par l'écriture inquisitrice de l'auteur sur ce qu'il appelle "la machine investigatrice [qui] scrute l'objet" (p.43), on ne s'attardera que très peu de temps tout de même sur les récits trop peu étayés de patients et pour le compte sûrement trop subjectifs.

         Une partie de l'ouvrage animera une curiosité et un intérêt certain pour "la correspondance entre le schéma foetal-ombilical-placentaire et celui de beaucoup de mythologèmes et de psychologèmes" (p.138) mais c'est sûrement le scepticisme qui sera présent lors de la lecture des différents récits de vie de patient.

         Un livre à prendre donc comme une dure "expérience" réflexive.

 

P. L. août 2002

 


 

Le Discours mélancolique
De la phénoménologie à la métapsychologie (1993)
Marie-Claude LAMBOTTE

 

 

         Dans l'introduction de son ouvrage, l'auteur propose un aperçu synthétique de son travail :

         "Une première partie présente les fondements énergétiques de la mélancolie prenant pour centre la dissociation du corps et de l'esprit si souvent évoquée par les patients et dans l'histoire de la psychiatrie, comme dans celle plus tardive de la psychologie ; elle renvoie à la description du mécanisme de l'inhibition d'une part, et à celle plus fictive de l'image du trou d'autre part, dont on connaît la reprise dans la littérature psychanalytique. On a souvent mentionné un fonctionnement idéal excessif chez le mélancolique, et l'on a même été jusqu'à interpréter les idées mélancoliques comme une tentative pour justifier après coup un état d'asthénie que le sujet ne pouvait pas s'expliquer. Mais si, dans le discours mélancolique, la tendance à l'enchaînement logique des idées s'affirme progressivement, c'est aux dépens de la consistance des mots et des représentations qu'ils signifient, de même qu'aux dépens des affects qui bientôt s'effacent d'un discours rendu à une sorte de neutralité blanche. Le mot devient élément sonore, cependant que le formalisme du raisonnement recouvre tout l'énoncé." Les premières recherches freudiennes s'orientent "vers un défaut de représentation, une insuffisance, qui empêcherait le sujet d'appréhender l'objet extérieur sous l'impulsion nécessaire de la projection. Et si le monde apparaît au sujet vide et désaffectivé, c'est bien parce que l'imaginaire ne peut s'y exercer, donnant ainsi la preuve de la spécificité originaire de l'organisation psychique mélancolique.
         Aussi, plutôt que de dépersonnalisation mélancolique, parlerons nous de dévitalisation ou de déréalisation du monde, privilégiant la constitution primitive d'une structure par rapport à un éventuel processus de décompensation.

         La seconde partie confirmera cette vue dans le déplacement qu'elle opère du point de vue économique au point de vue dynamique en mettant au jour un contexte psychique défaillant dont la compréhension résulte déjà d'une reconstruction fictive : celle qui rend compte de l'appropriation de l'image spéculaire. L'auto-dépréciation bien connue des sujets mélancoliques nous a, en effet, incitée à explorer le registre spéculaire et, avec lui, la formation des instances idéales du moi, pour découvrir la fragilité d'une image singulière à peine définie et la rigidité d'un modèle idéal tout extérieur. C'est alors vers un temps pré-spéculaire, temps significatif, croyons-nous, de la genèse de la mélancolie, que nous sommes portée, afin de trouver l'explication d'une telle pathologie de l'image que traduit bien la figure du cadre vide. Et derrière le miroir, nous avons tenté d'élaborer le scénario propice à la constitution de la structure mélancolique dans la réaction primaire de défense contre les effets d'une catastrophe : celle de la disparition du désir chez l'autre lorsque cet autre est celui-là même qui devait initier le sujet à la dialectique du désir.

         Aussi bien la troisième partie consistera t-elle à présenter ce mode de défense propre au sujet mélancolique, et qui se manifeste par ce qu'on appelle communément le négativisme. Distinct du négativisme psychotique, et plus précisément schizophrénique, le négativisme mélancolique induirait à la fois une phénoménologie du comportement et une logique de la pensée tout à fait originales par rapport aux formes diverses que revêt la négation dans la pathologie. Entre le refoulement et la forclusion, le type de refus qu'oppose le sujet mélancolique à la réalité trouverait peut-être son expression dans le démenti, terme qui, sans nier l'existence de la chose, nie cependant qu'elle concerne en quoi que ce soit le sujet. Et derrière la négation se profile l'alternative mélancolique dans ce que celle-ci doit à l'idéal ou à la mort, autrement dit au tout ou rien de la disparition de l'autre que le sujet assume sous la figure de la faute. Il ne reste plus qu'à clore un tel développement dans la mesure où le sujet mélancolique ignore qu'il continue de vivre les effets d'une catastrophe, à laquelle ne peuvent s'appliquer les catégories du langage, et la référence au destin se substitue dès lors à l'expérience du réel dans la conviction de détenir la vérité : celle de la mort". (pp 8 à 10)

         Entre autres passages particulièrement éclairants, on relèvera celui-ci, qui permet d'envisager la notion de faute, préférée à celle de culpabilité, et de l'articuler au caractère ressenti comme illusoire du rapport au monde et aux êtres :
         "On pourrait presque dire que le sujet mélancolique aurait "vu" l'impuissance de l'Autre et sa résolution délibérée d'en finir avec les tours et détours du désir. Mais ce qui paraît le plus significatif, c'est que l'existence même du sujet n'a modifié en rien l'incapacité de l'Autre à soutenir son désir et à faire en sorte qu'un champ de relations puisse offrir au sujet la possibilité de s'y inscrire. Rien n'est venu suspendre l'évanouissement du désir de l'Autre, pas même l'appel du sujet ou, du moins, ce qui ultérieurement, aurait été de cet ordre. Le sujet mélancolique a donc pu croire qu'il en allait de sa faute, ne sachant pas toutefois ce qui lui avait manqué pour empêcher ce qui devint, de son point de vue, un véritable meurtre. Signalons qu'il ne s'agit pas ici de la figure de la dette impossible à régler, révélatrice de la névrose obsessionnelle, mais bien de celle de la faute impossible à connaître, révélatrice de la mélancolie. Le sujet mélancolique sait, mais ne connaît pas ; (…). (…) si le mélancolique affirme qu'il ne peut entretenir aucun rapport avec les choses, en d'autres termes, qu'il ne peut soutenir aucun investissement, c'est aussi parce qu'il sait que la vérité réside précisément dans ce non-rapport avec l'objet et que les autres en manient simplement l'illusion. Mais, dès lors que cette illusion paraît vitale pour l'existence, le sujet ne connaît pas les ressorts de la vérité dont il se résigne à exécuter la sentence en affirmant sa position d'exception, et celle-ci le fait dénier que les choses puissent le concerner dans un contexte où le monde échappe à une logique du sens, ce dont le sujet mélancolique s'efforce de rendre compte dans un discours essentiellement négatif". (pp 492-493)


B. E. juillet 2002

 



Sagesse,déraison et folie , La fabrication d'un psychiatre
Ronald David LAING (1986)


         Cette autobiographie de R. D. LAING nous porte vers quelques unes des diverses questions que chaque professionnel se pose, ou devrait se poser, lorsqu'il aborde les fondements psychiques et les attitudes interactionnelles de l'être humain en situation thérapeutique. La séparation d'avec la psychiatrie dite traditionnelle a demandé à LAING une compréhension des expériences de son enfance associée à une remise en cause des enseignements qu'il a reçus.

         C'est pourquoi il débute son ouvrage par une description, plus ou moins rigoureuse, des "engagements tacites" de la psychiatrie dans la société. Cette partie de l'ouvrage montre ainsi les questionnements philosophiques et humanistes de l'auteur face aux pratiques thérapeutiques et à la solution que celles-ci apportent dans l'organisation sociale d'une époque donnée.

         La seconde partie, plus longue, peut être intéressante si l'on sait lire entre les lignes des recits intimes que nous livre l'auteur. Les questions que se pose LAING et les réponses qu'il se donne creusent le chemin qu'il se donnera plus tard lors de sa formation professionnelle. Ce passage fait référence aux diverses expériences vécues et qu'un esprit en formation a su gérer avec les seules défenses qu'il possédait.

         Le passage dans les institutions que sont l'université, l'armée et les hôpitaux psychiatriques forgeront une ligne de conduite professionnelle propre à LAING et cristalliseront les approches thérapeutiques particulières de celui-ci.

         Le cadre de l'expérience humaine est donc abordé par le prisme des expériences propres à l'auteur.

 


Mots-cles: anti-psychiatrie ; psychiatrie ; diagnostic ; traitement

P. L. août 2002

 


 

La Forclusion du Nom-du-Père
Le Concept et sa clinique (2000)
Jean-Claude MALEVAL

         L'auteur consacre la première partie de son ouvrage à un rappel concernant la construction et l'évolution du concept de forclusion du Nom-du-Père. Il précise :
"Unir le désir à la Loi, et non les opposer, telle est la fonction du Nom-du-Père. Il donne la réponse du signifiant phallique à l'angoissante énigme du désir de l'Autre. Il interdit ainsi la poursuite d'une quête infinie du sens en prenant sur lui la charge de l'ineffable. La loi paternelle ne saurait s'énoncer, de sorte qu'elle se trouve dans l'incapacité de déterminer le licite et l'illicite. Elle naît des limites inhérentes à l'exercice d'un désir qui ne peut obtenir de satisfaction que par l'intermédiaire de la retrouvaille d'un objet perdu. Elle s'avère strictement équivalente au nécessaire renoncement à l'objet primordial de la jouissance. (…) La jouissance n'est atteignable que sur le fond du refus d'une jouissance illimitée". (p 102)
Il poursuit :"Au début des années soixante, dans l'enseignement de Lacan, le Nom-du-Père devient à appréhender comme ce qui garantit l'incomplétude de l'autre (…) (p 102) ( …) Puisque l'Autre se révèle incomplet, cette béance se découvre maintenant être de structure. Elle n'est pas déstabilisante en elle-même, bien au contraire, le manque-à-être du sujet vient recouvrir celui de l'Autre quand se produit le processus structurant d'aliénation-séparation. C'est parce que le psychotique ne dispose pas de la réponse phallique que les abords de la béance de l'Autre lui sont insupportables. Quand il se confronte à cette angoissante énigme, il se trouve contraint à un travail pour l'obturer, le plus souvent en élaborant un délire. Celui-ci possède pour fonction de remédier à la carence phallique, non seulement en mobilisant des significations nouvelles pour construire avec rigueur une néo-réalité, mais aussi en s'efforçant de localiser la jouissance du sujet dans le signifiant. Une nouvelle approche de la forclusion du Nom-du-Père, esquissée par Lacan, développée par ses élèves, trouve là son origine : elle incite à mettre l'accent, non plus sur les troubles du langage, mais sur l'illocalisation de la jouissance. La conceptualisation du champ symbolique, de l'Autre, comme barré, troué, pas-tout, constitue la condition pour que le réel de la jouissance non symbolisable puisse devenir appréhendable par l'approche psychanalytique". (p 103)
         L'auteur souligne "la rupture radicale introduite par cette béance de l'Autre. Auparavant la psychose était rapportée au rejet du signifiant du Nom-du-Père hors du champ symbolique, or, au début des années soixante, il apparaît que la structure du sujet s'assure en cette exclusion fondatrice. La fonction paternelle ne se soutient que d'un signifiant extérieur à la chaîne, écrit S(A barré), à l'égard duquel il serait possible de faire état d'une forclusion normale et normative, corrélée à celle du sujet (…). Cependant il faudrait distinguer cette forclusion-là de la forclusion psychotique, caractérisée par la non-fonction du signifiant exclu. Dès lors, à partir des années soixante, il devient nécessaire de concevoir la forclusion du Nom-du-Père, non plus comme le rejet d'un signifiant primordial, mais comme la rupture d'un nouage entre la chaîne signifiante et ce qui du dehors soutient son ordonnance." (p 104)

         Ainsi, "De nombreuses modifications se sont opérées dans l'appréhension du Nom-du-Père. Initialement conçu comme un signifiant inséré dans l'Autre, garant de l'existence d'un lieu de la vérité, il se pluralise en se corrélant à une perte de jouissance, puis il est rapporté dans les années soixante-dix à une formalisation qui rend compte de l'ordonnancement de la chaîne signifiante, et qui corrèle celui-ci au chiffrage de la jouissance". (p 118)

         De cet aperçu historique, l'auteur déduit que "l'on est passé du Père comme nom, comme signifiant de la loi, au Père du nom, qui fait sinthome de la nomination, ce Père-là ne garantit plus rien quant à la référence. Dès lors, le mythe du complexe d'Œdipe se trouve subordonné à la coupure du complexe de castration : tout message se prononce au nom d'un Père mais il ne repose jamais en dernière analyse que sur la jouissance spécifique du sujet". (p 156)

         La deuxième partie du travail, qui étudie les éléments cliniques de la forclusion du Nom-du-Père, aborde dans un premier temps la question des troubles du langage chez le psychotique.
         Le "primat de la lettre" provient de la "carence de la fonction du refoulement, (qui) fait surgir dans le contenu manifeste du symptôme ce qui reste latent pour le névrosé. La jouissance attachée à la chose littérale est au principe de la clinique de la psychose". (p 205)
         Le discours psychotique manifeste la carence de la signification phallique, à propos de laquelle l'auteur précise : "la signification d'un terme renvoie toujours à d'autres significations : les mots du dictionnaire ne se définissent que par d'autres mots de dictionnaire. Il faut trancher dans ce matériel ambigu, il faut arrêter le renvoi infini d'un terme à l'autre, c'est ce que permet un élément qui porte la présence du sujet, grâce auquel l'énoncé prend vie. L'articulation de cette présence du sujet au langage, Lacan la saisit par l'entremise du signifiant phallique, de sorte que toute signification ne saurait être que phallique. (…) Le point d'arrêt qui permet de décider de la signification est mis en jeu par le signifiant phallique qui représente le sujet et sa jouissance. Quand sa fonction n'intervient plus, en raison de la forclusion du Nom-du-Père, on assiste à une carence de la rétroaction, de sorte que le sens reste indécis (schizophrénie) ou bien au contraire il se fige (paranoïa). Le phallus intervient pour normativer le langage du sujet : il fait barrage à un investissement trop intense d'inventions hors discours. (p 216-217)

         La forclusion du Nom-du-Père a pour corrélat une dérégulation de l'appareil de la jouissance, dont l'auteur rappelle le processus :
         "Il n'y a de jouissance que du vivant, mais c'est du langage que procède son animation, à la condition qu'intervienne un processus de soustraction qui se déroule en deux temps. Le premier tient au meurtre de la chose par le signifiant, il produit un découpage de la réalité qui permet de porter la jouissance à la comptabilité ; le second opère un prélèvement sur la jouissance préalable du vivant, non traduisible par le signifiant, il met en place un reste de jouissance autorisée, un plus-de-jouir, qui implique extraction de l'objet a. L'opération du Nom-du-Père sépare le sujet de l'objet de la jouissance primordiale ; il en résulte une insatisfaction, un déplaisir, générateurs d'une quête de l'objet perdu, en quoi consiste le désir. Quand la loi paternelle impose sa fonction, le sujet incorpore le signifiant, se détache du sein maternel, initialement fantasmé comme appartenant à son propre corps, vide par là même celui-ci de la jouissance, et localise cette dernière dans un hors-corps phallique, qui oriente la satisfaction des pulsions, à partir des coupures que constituent les bords de l'organisme.
         Le parlêtre connaît deux sortes de jouissances. L'une est postérieure à la double soustraction mentionnée plus haut, elle s'avère soumise à la loi du signifiant et de la castration, elle trouve à satisfaire la pulsion par l'entremise d'objets situés hors du corps du sujet. C'est la jouissance dite phallique, "apportée par les sèmes" (Lacan, les non-dupes errent), elle limite le foisonnement du sens et permet d'instaurer le bouclage de la signification. Elle se situe à l'articulation du symbolique et du réel.
         La jouissance de l'Autre ne connaît ni marque, ni place, elle n'est pas régulée par la loi du signifiant, elle trouve sa satisfaction en des objets a non extraits. N'étant pas soumise à la limite phallique, elle apparaît folle, énigmatique, centrée sur le corps du sujet, sur ses organes, sur des objets envahissants (en particulier la voix et le regard). Elle se compose hors-symbolique à l'articulation de l'imaginaire et du réel. (…)
         La forclusion du Nom-du-Père implique carence de la limite phallique, de sorte que le psychotique devient "un sujet de la jouissance". C'est aux dérèglements de la jouissance Autre qu'il se trouve voué, ce dont témoignent troubles hypocondriaques et hallucinations diverses". (pp 232-233)

         "Quand la représentation phallique de la jouissance fait défaut, le sujet court le risque d'être porté à s'appréhender comme objet de la jouissance de l'Autre, en s'identifiant à l'objet a, déchet du langage". (p 234)

         "La mélancolie montre (…) que parmi les objets propres à retenir la jouissance Autre, l'un des plus éminents est constitué par le sujet lui-même, réduit au déchet du langage. Il incarne alors une horreur et se trouve porté à se sacrifier. Il n'a pas été nécessaire de lui faire connaître que l'Autre demande un sacrifice de jouissance, c'est un savoir inconscient que tout parlêtre possède, il lui est transmis par la structure du langage, l'exercice de la parole est inséparable de l'évocation d'une perte de l'objet, symbolisée ou non. (…)
         Quand le délire est pauvre, dans la mélancolie, comme dans la schizophrénie, la castration symbolique tend à se réaliser, incitant le sujet à des passages à l'acte suicidaires ou à des auto-mutilations. En revanche, paranoïaques et paraphrènes parviennent à développer un processus d'autothérapie, fondé sur un travail de limitation de la jouissance envahissante, en s'efforçant de porter celle-ci au signifiant ; le délire en résulte.

         Ce sont ces derniers qui, selon la formule de Freud, "se contentent des mots à la place des choses". (p 236)

         L'auteur propose tout un développement sur la notion d'holophrase, qu'il définit comme structurale du psychotique. Il rappelle d'abord l'articulation de la chaîne signifiante : "le signifiant unaire introduit le sujet au champ de l'Autre en le représentant auprès des autres signifiants. En son principe le S1 ne saurait se signifier lui-même, il est pur non-sens, ce n'est que de son articulation au S2, par l'intermédiaire d'un processus rétroactif, que sa détermination advient. Dès lors ni l'un ni l'autre de ces signifiants ne sont aptes à représenter authentiquement le sujet : à la faveur de l'aliénation, il choit dans l'intervalle qui les sépare. Les notions d'aphanisis, de fading, d'évanouissement sont convoquées pour évoquer le moment mythique de sa disparition sous la chaîne signifiante. De cette place indéterminée, par l'entremise de la fonction phallique, s'effectue un chiffrage qui articule S1 à S2, tout en les maintenant séparés. Quand leur intervalle n'est pas obturé, l'énigme du désir de l'Autre s'y loge. Si les "pourquoi ?" de l'enfant, toujours relancés par les réponses insignifiantes, viennent y achopper, c'est qu'il ne saurait y avoir de réponse pleinement pertinente pour appréhender les objets du désir : seul le manque du sujet s'avère adéquat à recouvrir celui de l'Autre". (p 255)

         Par conséquent, "quand un sujet se trouve inclus dans l'Autre, et quand il est joui par l'Autre, ses énoncés sont portés à s'holophraser. Il se produit une prise en masse du couple signifiant primordial, S1-S2, qui implique échec de la division du sujet et carence de sa coordination à l'objet a. Ce sont plus particulièrement les phénomènes élémentaires et les signifiants maîtres du délire qui s'avèrent pris en cette gélification du signifiant et en cette condensation de jouissance". (p 420)

         Dans un deuxième temps sont évoqués les déclenchements de la psychose :
         "Nulle explication mécanique, rapportée à telle ou telle circonstance, ne saurait valablement rendre compte du déclenchement de la psychose d'un sujet particulier. Même s'il est des conditions particulièrement propices, encore faut-il le plus souvent qu'une conjonction de facteurs intervienne. Les deux principaux apparaissent à chercher dans une défaillance des pare-psychoses et dans une confrontation à l'incomplétude de l'Autre. L'appel du Père qui se produit en ces circonstances, en dévoilant la forclusion de la fonction paternelle, déstabilise le sujet, mais d'autant plus favorable au déclenchement sera, comme le montre Schreber, une situation qui implique la présence d'obstacles à la restauration d'un pare-psychose et/ou lors de laquelle réside une difficulté intrinsèque à se détourner de l'incomplétude de l'Autre". (p 307)

         "La prise en compte de la jouissance incite à un affinement de l'approche des classiques en suggérant une analyse nouvelle de la dynamique des élaborations délirantes. La première période, dite d'incubation, de malaise, d'inquiétude, de perplexité, fortement corrélée à des troubles hypocondriaques, révélatrice d'une carence paternelle fondamentale, trouve sa caractéristique majeure dans la délocalisation de la jouissance. Elle coïncide avec une angoisse extrême, une position de déchéance, et un sentiment, plus ou moins confus, de mort du sujet.

         Afin de parer à l'insupportable de cette situation, un travail de mobilisation du signifiant se développe permettant au délirant de construire une explication propre à justifier ce qui lui arrive. Pour ce faire, l'appel à une fonction paternelle apte à tempérer la jouissance délocalisée s'observe avec fréquence. Toutefois la perplexité du sujet reste présente, le délire ne parvient pas à se suturer, de sorte qu'il se présente en général sous une forme paranoïde. Quand un "compromis raisonnable" s'élabore, il n'advient qu'au terme des tentatives de significantisation de la jouissance qui caractérise cette seconde période.

         La jouissance de l'Autre se trouvant dès lors identifiée, c'est-à-dire portée au signifiant, le sujet se révèle en mesure de retrouver une certaine assise, à partir de laquelle il se fait l'organisateur de ce qui lui arrive. Toutefois, au sein du délire qui se systématise, un écho subsiste de la violence opérée par les initiatives de l'Autre, il se traduit par l'intermédiaire de persécuteurs qui s'avèrent maintenant localisés. Le père qui surgit est une figure obscène de la jouissance débridée qui porte atteinte à l'ordre du monde. C'est afin d'en rétablir les bases que certains paranoïaques cherchent à frapper des incarnations du Père jouisseur.

         Arrivé à la phase ultime du délire, le psychosé n'a plus de tels soucis : il se trouve en plein accord avec la néo-réalité qu'il a construite. Il consent à la jouissance de l'Autre parce qu'il possède la certitude que, grâce à l'expérience de celle-ci, il est parvenu à l'acquisition d'un savoir essentiel. Bien souvent, ce dernier lui a été délivré par une toute-puissante figure paternelle dont il se fait le porte-parole, voire l'incarnation. L'accès à la connaissance suprême s'avère inséparable du développement de thèmes mégalomaniaques et du surgissement de constructions plus ou moins fantastiques, tandis que l'effacement des persécuteurs ne porte plus le sujet à des actes médico-légaux. Toutes ces caractéristiques sont celles d'une forme de délire nommé depuis Kraeplin la paraphrénie systématique. Il s'agit d'une élaboration complexe dont la rareté explique peut-être qu'il ait été peu étudié par les classiques, lesquels le confondent souvent dans leurs analyses avec le délire paranoïaque. L'approche psychanalytique incite aujourd'hui à les différencier plus nettement.

         Il s'avère possible de donner un nom à chacune des quatre périodes, en les référant à ce qui les spécifie de manière manifeste, délocalisation de la jouissance et perplexité angoissée, pour l'une, tentative de significantisation de la jouissance pour l'Autre, pour la deuxième, identification de la jouissance de l'Autre, pour la troisième, consentement à la jouissance de l'Autre, pour la dernière (…)". (pp 313-314)

         Les deux derniers temps de ce travail sont consacrés aux difficultés et aux perspectives s'agissant de la cure psychanalytique de psychotiques. Au décours de son aperçu historique, J.C. MALEVAL avait mentionné que "l'apport majeur des dernières élaborations réside dans l'introduction du concept de suppléance mis en exergue en prenant appui sur l'écriture de Joyce (…) (Certains des élèves de Lacan) concevront, ce que lui n'avait pu faire, une conduite de la cure permettant de favoriser la construction de suppléances". (p 156)

         A la fin de l'ouvrage, l'auteur met en rapport demandes du psychotique et places de l'analyste dans la cure :
         "Si, affirme (Lacan), dans sa demande initiale, le psychotique attend de l'analyste des signifiants propres à organiser les bouleversements de son monde, dans sa demande seconde, celle à partir de quoi le transfert va s'orienter, le psychotique propose sa jouissance à l'analyste pour qu'il en établisse les règles".

         Ces deux demandes ne sont pas sans corrélation avec les places de l'analyste situables sur le schéma I (Ecrits p 571) en rapport avec les deux pôles symboliques à partir desquels le psychotique peut procéder à une reconstruction de la réalité : à l'un, I, l'idéal du moi, où le sujet appelle des "signifiants propres à organiser le bouleversement de son monde", à l'autre, M, "le signifiant de l'objet primordial", où le désir de l'Autre jouisseur risque de se manifester. Dans les cures de psychotiques, pour l'essentiel l'analyste oscille de l'une à l'autre de ces places, qui parfois se combinent, ou parfois se distinguent nettement." (p 423)


B. E. octobre 2002

 

 



L'Amer amour (2002)
Jean-Richard Freymann



L' "Amer amour est la reconnaissance de ce que le désir n'a pas d'objet pour le satisfaire même s'il a un objet qui cause le désir". (p 136)


L'ouvrage illustre cette définition et en décline le champ d'application, entre autres :
         - dans la pratique analytique, lieu d'assomption du sujet :
          "Vous avez le Sujet en tant qu'il n'existe pas, il est virtuel chez tout le monde, et il ne se constitue que dans l'analyse. Il n'y a pas de sujet hors analyse. Il se constitue dans l'Autre". (p 52)
          "(Le psychanalyste ne résiste pas à l'amour), à condition qu'il soit à même de soutenir que l'amour est un moyen qui permet autre chose, qui permet la constitution du sujet". (p 59),
et lieu du vide comme posture de l'analyste dans le transfert :
"quelle est l'essence de Socrate au sens du banquet ? C'est l'oûden, c'est le vide qui représente sa position centrale. Et c'est cette position de vide qui lui permet de se faire absent à l'endroit où se marquent la convoitise et la demande d'amour de l'autre. Oûden, être vide à l'endroit de la demande de l'autre. Ne pas obturer la demande de l'autre pour que du désir puisse apparaître". (p 125)

         - concernant le désir et la féminité :
"(L') endroit où la femme est désirante, c'est précisément l'endroit où elle n'est pas prévisible, et c'est ce en quoi elle est l'incarnation du désir qui traverse. La femme apparaît comme celle qui est traversée par le désir d'origine inconsciente, celle qui peut affirmer quelque part son désir, mais qui de cette affirmation ne peut rien en dire". (p 71)

         - et s'agissant de rappeler que l'amour résulte de l'inadéquation entre le désir et l'objet qu'il vise apparemment :
" (Le) désir, même s'il est aspiration vers l'objet, ne trouve jamais un objet adéquat. Ce qui définit le désir, au sens inconscient, au sens pulsionnel, c'est bien sûr qu'il est aspiration vers l'objet, mais l'objet en lui-même n'est jamais adéquat. Et du fait de cette inadéquation, peut surgir, dans cet écart entre l'aspiration désirante et l'objet inadéquat à ce désir, cette signification qui s'appelle l'amour. C'est pour cela qu'il y a du désir et que ce désir naît d'un manque, d'une perte d'objet. Cet appel d'air, cette perte va provoquer une aspiration vers l'objet. Mais l'objet que vous trouvez en tant que tel est inadéquat". (p 97)

B. E. octobre 2002

 

 


Le moi divisé (Essai)
Ronald David LAING (1960)


         Pour Ronald LAING, la plus importante des conditions pour que l'être humain aborde l'existence en étant doté d'une bonne santé mentale est la sécurité ontologique. Une assurance de "l'être-dans-le-monde" décrite par le courant phénoménologico-existentiel qui invite le praticien à se détourner de la chosification et de la dépersonnalisation qui surviennent habituellement lors de l'étude de la personne sous son aspect pathologique.

         "La phénoménologie existentielle est justement de formuler ce qu'est le monde de l'autre et sa manière d'y être" (p.23). C'est par le prisme de cette approche que l'auteur débute la première partie de cet ouvrage en visitant et critiquant la science de la personne et en nous démontrant que les fondements d'une insécurité ontologique amène parfois à des psychoses particulières.

         Le champs de la réflexion étant ainsi délimité, l'attention est portée sur "l'incarnation" ou la non "incarnation" du moi, ce qui permet la compréhension de la structure d'un "moi" et de ses rapports avec le "système du faux moi" dans une relation duelle avec le monde. Cette conséquence de l'insécurité ontologique va alors amener le sujet à adopter un système défensif où l'isolement du moi sera alors un corollaire du besoin qu'il a de se controler, et par la même un appauvrissement du noyau psychique vital qui une fois quasi-"désintégré" aboutira, selon les conditions environnementales, à la psychose.

         Le cas présenté en fin d'ouvrage nous permet d'apprécier les descriptions et interprétations de l'auteur sur le parcours d'une jeune schizophrène chronique (Julie). Les "3 phases" de l'histoire en sont détaillées et représentent les 3 étapes évolutives de cette structure psychique: "l'enfant normal et bon" , "la mauvaise phase", "la folie".

         LAING montre ainsi, par sa méthodologie phénoménologique et existentielle, les processus qui conduisent à la folie et la position d'un individu "normal" qui " refoule ses instincts les plus naturels pour se conformer à une société "anormale"".

Mots-clefs: Moi
                  Sécurité ontologique
         Schizophrénie
         Phénoménologie-existentielle

P. L. octobre 2002

 

 


La psychanalyse
Recherche et enseignement freudiens de la société française de psychanalyse Tchou, les introuvables

Volume 1
Sur la parole et le langage

Table des matières

Volume consacré au thème spécial de l'usage de la parole et des structures de langage dans la conduite et dans le champ de la psychanalyse

Première partie : problématique

- pp 3-16 : Emile Benveniste, "Remarques sur la fonction du langage dans la découverte freudienne"

- pp 17-28 : J. Lacan, "Introduction au commentaire de Jean Hyppolite sur la Verneinung"

- pp 29-39 : Jean Hyppolite, "Commentaire parlé sur la Verneinung de Freud"

- pp 41-58 : J. Lacan "Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la Verneinung de Freud"

- pp 59-79 : M. Heidegger, "Logos"

- pp 81-166 : J. Lacan, "Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse"


I Parole vide et parole pleine dans la réalisation psychanalytique du sujet
II Symbole et langage comme structure et limite du champ psychanalytique
III Les résonances de l'interprétation et le temps du sujet dans la technique psychanalytique

- pp 167-178 : Daniel Lagache, "Sur le polyglottisme dans l'analyse"

- pp 179-195 : Clémence Ramnoux, "Hadès et le psychanalyste (pour une anamnèse de l'homme d'Occident)"

Deuxième partie : Mémoires

- pp 199-256 : Actes du congrès de Rome, 26 et 27 septembre 1953

- pp 257-274 : Eliane Amado Lévy-Valensi, "Vérité et langage du dialogue platonicien au dialogue psychanalytique"

- pp 275-286 : Silvan S. Tomkins "La conscience et l'inconscient représentés dans un modèle de l'être humain"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
Recherche et enseignement freudiens de la société française de psychanalyse Tchou, les introuvables

Volume 2
Mélanges cliniques

Table des matières

- pp 1-44 J. Lacan, "Le séminaire sur "La lettre volée""
- pp 45-74 Daniel Lagache, "Deuil pathologique"
- pp 75-109 W. Granoff, "Un désir d'enfant"
- pp 111-144 Serge Leclaire, "La mort dans la vie de l'obsédé" ; Intervention de W. Granoff (pp 141-144)
- pp 145-164 Mme R. Lefort, "L'enfant au loup"
- pp 165-195 François Perrier, "Phobies et hystérie d'angoisse"
- pp 197-219 M. Schweich, "Données cliniques et approche psychanalytique de la schizophrénie"
- pp 221-242 Mickael Balint, "Formation des omnipraticiens à la psychothérapie"
- pp 243-255 Martin Grotjahn, "Psychothérapie analytique des gens âgés"
- pp 257-268 Hellmuth Kaiser, "Le problème de la responsabilité en psychothérapie"
- pp 269-287 Mélanie Klein, "L'importance de la formation du symbole dans le développement du moi"
- pp 289-309 Camille Saurin, "A propos des écrits techniques d'Edward Glover"

 

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
Recherche et enseignement freudiens de la société française de psychanalyse Tchou, les introuvables

Volume 3
Psychanalyse et Science de l'Homme

Table des matières

- pp 1-15 : Juliette Favez-Boutonnier, "Psychanalyse et criminologie"

- pp 17-32 : Jean Hyppolite, "Phénoménologie de Hégel et psychanalyse"

- pp 33-45 : Daniel Lagache, "Fascination de la conscience par le moi"

- pp 47-81 : J. Lacan, "L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud"

- pp 83-110 : Eliane Amado Lévy-Valensi, "L'incidence psychanalytique et le problème de la connaissance"

- pp 111-137 : Louis Beirnaert, "L'expérience fondamentale d'Ignace de Loyola et l'expérience psychanalytique"

- pp 139-163 : O. Mannoni, "Poésie et psychanalyse"

- pp 165-187 : Clémence Ramnoux, "Sur une page de "Moïse et le monothéisme""

- pp 189-220 : Guy Rosolato, "L'imaginaire du hasard"

- pp 221-245 : J.P. Valabrega, "L'anthropologie psychanalytique"

- pp 247-295 : Robert Gessain, ""Vagina dentata " dans la clinique de la mythologie"


Actes de la société

- pp 297-315 F. Dolto, "A la recherche du dynamisme des images du corps et de leur investissement symbolique dans les stades primitifs du développement infantile"

- pp 317-324 : A. Hesnard, "Réflexions sur le "Wo Es war, soll Ich werden" de Freud

- pp 325-329 : D. Lagache, "Fascination de la conscience par le moi"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
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Volume 4
Les psychoses

Table des matières


- pp 1-50 : Jacques Lacan, "D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose"

- pp 51-82 : J.L. Lang, " L'abord psychanalytique des psychoses chez l'enfant"

- pp 83-110 : S. Leclaire, "A propos de l'épisode psychotique que présente "L'homme aux loups""

- pp 111-133 : Gisèle Pankow, "La méthode de la structuration dynamique appliquée à un cas d'état hallucinatoire chronique"

- pp 134-151 : M. Schweich, "Principes d'action thérapeutique de la psychothérapie des schizophrènes hospitalisés"

- pp 153-178 : G . Rosolato, D. Widlocher, "Karl Abraham : lecture de son œuvre"

- pp 179-225 : Maurits Katan, "Aspects structuraux d'un cas de schizophrénie"

- pp 227-265 : Victor Tausk, "De la genèse de "l'appareil à influencer" au cours de la schizophrénie"

- pp 267-303 : Congrès "Un certain savoir", Victor Smirnoff (Zurich, 1er au 7 sept. 1957)

- pp 305-333 : Actes de la société, G. Favez, "Le rendez-vous avec le psychanalyste"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
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Volume 5
Essais critiques

Table des matières

- pp 2-20 : J. Lacan, "A la mémoire d'Ernest Jones : sur sa théorie du symbolisme"

- pp 21-41 : D.W. Winnicott, "Objets transitionnels et phénomènes transitionnels, Etude de la première "not-me possession""

- pp 43-50 : Bruno Goetz, "Souvenirs sur Sigmund Freud"

- pp 51-68 : Jacques Schotte, "Introduction à la lecture de "Freud écrivain""

- pp 69-124 : Walter Muschg, "Freud écrivain"

- pp 125-182 : Susan Isaacs, "Nature et fonction du fantasme"

- pp 183-193 : Willy Baranger, "Le moi et la fonction de l'idéologie"

- pp 195-216 : O. Mannoni, "Le théâtre du point de vue de l'imaginaire"

- pp 217-224 : J. Raboul, "Une illusion mnémique de Freud"

- pp 225-233 : Guy Rosolato, "Le symbolique"

- pp 235-256 : Xavier Audouard, "Pourquoi Hegel ? Lettre au Docteur Charles Durand en réponse à sa question"

- pp 257-280 : Jean Clavreul, "La parole de l'alcoolique"

- pp 281-304 : Maud Mannoni, "Problèmes posés par la psychothérapie des "débiles""

- pp 305-328 : Jacqueline Schweich, "Un cas de désadaptation professionnelle Ses rapports avec le clochard vrai"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
Recherche et enseignement freudiens de la société française de psychanalyse Tchou, les introuvables

Volume 6
Perspectives structurales
Colloque international de Royaumont

Tables des matières


- pp 5-54 Daniel Lagache, "La psychanalyse et la structure de la personnalité"

I Structure et personnalité
II Du Moi autonome à l'autonomie relative du Moi
III Naturalisme, anthropomorphisme, personnalisme
IV Relations intersubjectives et structuration de la personnalité
V Sur la structure du ça
VI Sur la structure du Moi
VII Sur la structure du Surmoi
VIII Structures et conscience dans la cure

- pp 55-58 Dr G. Westermann Holstijn, "Communications et discussion"
- pp 59-92 F. Dolto, "Personnologie et image du corps"
- pp 93-99 E. Frühmann, "Structure et dynamique de la personne dans le dialogue thérapeutique"
- pp 101-103 A. Hesnard
- pp 105-110 J.O. Wisdom "Structure, identification et tensions internes"
- pp 111-147 J. Lacan, "Remarque sur le rapport de Daniel Lagache"
I La structure et le sujet
II Où ça ?
III Des idéaux de la personne
IV Pour une éthique

- pp 149-206 J. Lacan, "La direction de la cure et les principes de son pouvoir"
I Qui analyse aujourd'hui ?
II Quelle est la place de l'interprétation ?
III Où en est-on avec le transfert ?
IV Comment agir avec son être ?
V Il faut prendre le désir à la lettre

- pp 207-239 Communication et discussion
o pp 207-212 Martin Grotjahn, "Angoisse de la mort et identité du moi"
o pp 213-214 Alphonse de Waelhens
o pp 215-218 Karl Klürver
o pp 219-231 Georges Favrez, "De la contestation"
o pp 233-236 J. Reboul, "Verres d'eau"
o pp 237-239 Juliette Favrez-Boutonier, "Ce qui n'est pas verbal dans la cure" (Résumé)

Textes

- pp 241-253 S. Ferenczi, "Confusion de langue entre les adultes et l'enfant. Le langage de la tendresse et de la passion"
- pp 255-312 Etude critique
o pp 255-282 W. Granoff, "Ferenczi : faux problème ou vrai malentendu"
o pp 283-312 Mickael Balint, "Les trois niveaux de l'appareil psychique"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
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Volume 7
La sexualité féminine


Table des matières

pp 3-14 : Jacques Lacan, "Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine"

pp 15-54 : Camille Laurin, "Phallus et sexualité féminine. Exposé historique"

pp 55-139 : Françoise Dolto, "La libido génitale et son destin féminin"
Remarque : ces pages se retrouvent dans l'ouvrage La sexualité féminine, du même auteur

pp 141-199 : Wladimir Granoff et François Perrier, "Le problème de la perversion chez la femme et les idéaux féminins"

· Plaisir ou jouissance
· Le complexe d'Œdipe
· Les temps modernes ou la castration sans garantie
· La femme homosexuelle
· La femme perverse

pp 201-211 : Jean Reboul, "Une tache d'encre. Sexualité féminine et névrose obsessionnelle"

pp 213- 220 : Bernard This, "Communication"

pp 221-237 : Hélène Deutsch, "La psychologie de la femme en relation avec les fonctions de
reproduction"

pp 239-255 : Ernest Jones, "La phase précoce du développement de la sexualité féminine "

pp 257-270 : Jean Rivière, "La féminité en tant que mascarade"

pp 271-312 : Ernest Jones, "La phase phallique"

pp 313-339 : Contributions à la technique psychanalytique
Mickael Balint, "La régression du patient et l'analyste"

B. E. janvier 2003

 

 


La psychanalyse
Recherche et enseignement freudiens de la société française de psychanalyse Tchou, les introuvables

Volume 8
Fantasme - Rêve - Réalité

Table des matières

- pp 1-9 : Daniel Lagache, "Fantaisie, réalité, vérité"

- pp 11-46 : Robert Pujol, "Approche théorique du fantasme"

- pp 47-67 : Piera Aulagnier, "Remarque sur la structure psychotique. I Ego spéculaire, corps fantasmé et objet partiel"

- pp 69-84 : Maud Mannoni, "Fantasme et corps fantasmé. Réflexions autour de problèmes cliniques"

- pp 85-96 : Anne-Lise Stern, "Le pain de Véronique (Remarques cliniques sur l'affleurement du fantasme)"

- pp 97-127 : M. Safouan, "Le rêve et son interprétation dans la conduite de la cure psychanalytique"

- pp 129-139 : O. Mannoni, "Le rêve et le transfert"

- pp 141-164 : Eliane Amado Lévy-Valensi, "Le rêve dans le dialogue psychanalytique et les thèmes de la tradition juive"

- pp 165-192 : D. Widlocher, "Le principe de réalité" (Considérations théoriques"

- pp 193-218 : Jean Clavreul, "Remarques sur la question de la réalité dans les perversions"

- pp 219-238 : Xavier Audouard, "Corps et servitude. Au-delà du principe de plaisir, Freud a-t-il trouvé un au-delà au sens ?"


B. E. janvier 2003


 



L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

Articles de la collection à lire en priorité

- Volume 1, La Transgression

. p 109 : P. Aulagnier-Spairani, "Le désir de savoir"
. p 127 : A. Green, "Le narcissisme primaire, structure ou état (1)"

- Volume 2, La Perversion

. p 11 : P. Aulagnier-Spairani, "La perversion comme structure"
. p 89 : A. Green, "Le narcissisme primaire, structure ou état (2)"

- Volume 3, Clinique et métapsychologie

. p 3 : J. Clavreul, "Considérations actuelles sur le transfert"
. p 59 : S. Viderman, "Remarques sur la castration et la revendication phallique"

- Volume 7, l'Identification

. p 23 : P. Castoriadis-Aulagnier, "Demande et identification"
. p 67 : J. Clavreul, "Identification et complexe de castration"

- Volume 8, L'Enseignement de la psychanalyse ?

. p 27 : P. Castoriadis-Aulagnier, "Comment peut-on ne pas être Persan ? (Réflexions à propos de l'enseignement)"
. p 47 : Cornélius Castoriadis, "Epilégomènes à une théorie de l'âme que l'on a pu présenter comme science"
. p 89 : C. Rabant, "L'illusion pédagogique".


B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

 

Volume 1, La Transgression, janvier 1967

Résumés sous forme de mots-clés


- p. 1 C. Stein, "Rome imaginaire. Fragment d'un commentaire de L'Interprétation des rêves de S. Freud"

Mots-clés

Freud, L'Interprétation des rêves, le voyage à Rome, Fliess, rêves, censure, piété filiale, nostalgie de Rome, travail du rêve, condensation, l'infantile.

- p. 31 S. Leclaire, "A propos d'un fantasme de Freud. Note sur la transgression"

Mots-clés

Œdipe, inceste, transgression, signifiant et signifiance, corps, rêve de l'injection faite à Irma, désir, Freud, L'Interprétation des rêves, souvenirs-écrans, fantasme, désir d'objet/désir de désir.

- p. 57 M. Neyraut, "De la nostalgie"

Mots-clés

Nostalgie, régression, objet perdu, distance, séparation, Freud : La Gradiva, désir, bipolarité apparente de l'objet de la nostalgie, meurtre, deuil, pulsion, perversion, manque, Œdipe, bisexualité psychique, Novalis : "Henri d'Offterdingen"

- p. 71, G. Rosolato : "Trois générations d' hommes dans le mythe religieux et la généalogie"

Mots-clés

Inceste, Œdipe, mythe religieux, généalogie, Père Mort et Père idéalisé, Loi, sacrifice, culpabilité, Abraham, le "Moïse" de Michel-Ange, phallus, transmission, Nom du Père, Freud : Moïse et le monothéisme, judaïsme, christianisme, islamisme, rôle de la gnose dans les religions, manichéisme, représentation, psychose, perversion, névrose obsessionnelle, névrose hystérique, castration.

- p. 109, P. Aulagnier-Spairani, "Le "désir de savoir"" dans ses rapports à la transgression"

Mots-clés

Connaissance du plaisir et fantasme du désir, désir de savoir et savoir du désir, transgression et castration.

- p. 127, A. Green, "Le narcissisme primaire, structure ou état"

Mots-clés

Narcissisme primaire absolu : narcissisme du rêve ou narcissisme du sommeil ?, principe de constance ou principe d'inertie ? théorie des états et théorie des structures, l'appareil psychique et les pulsions, origine et destin des investissements primaires, l'inhibition de but de la pulsion, la fonction de l'idéal, la désexualisation et la pulsion de mort.

B. E. janvier 2003

 

 



L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

Volume 2 - La perversion

Résumé des articles sous forme de mots-clés


- pp 1 à 10 : G. Daumézon, "La rencontre de la perversion par le psychiatre"


Mots-clés

Perversion, psychiatrie, médecine légale

- pp 11 à 41 : P. Aulagnier-Spairani, "La perversion comme structure"

Mots-clés

Perversion, structure, désaveu, loi, défi, angoisse de castration, désir, phallus, clivage, symbolisation, manque, complicité, réduction, idéalisation, contrat, horreur, fantasme, savoir, vérité, scénario, fétiche, masochisme, sadisme, jouissance, souffrance, demande, Autre, Spaltung.

- pp 43 à 49 : P. Martin, "Le concept de "perversion" dans la nosologie psychiatrique. Etude critique dans la perspective freudienne".

Mots-clés

Perversion, psychiatrie, objet, déni, loi, réalité, phallus, manque, Spaltung, castration, symbolisation, signifiant.

- pp 51 à 74 : G. Rosolato, "Généalogie des perversions"

Mots-clés

Perversion, désaveu, fétichisme, ascendance, transmission, identification, Loi, père, défi, regard, séduction, phallus, secret, sublimation.

- pp 75 à 88 : J. Clavreul, "Le pervers et la loi du désir"

Mots-clés

Perversion, désaveu, désir, défi, Loi, jouissance, secret, angoisse, castration, phallus, déni, manque.

- pp 89 à 116 : A. Green, "Le narcissisme primaire, structure ou état" (II)

Mots-clés

Pare-excitation, refoulement, auto-érotisme, moi, double retournement, décussation primaire, idéal, hallucination négative, mère, Autre, désir, introjection, projection, narcissisme primaire, mort, pulsion.

- pp 117 à 132 : R. Tostain, "Le joueur, essai psychanalytique"

Mots-clés

Jeu, passion, souffrance, mort, hasard, l'Autre, Freud : Dostoïevski et le parricide, culpabilité, dette, autopunition, Stephan Zweig : Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, phallus, manque, désir, Loi, castration.

- pp 133 à 171 : J. P. Valabrega, "Anorexie mentale, symptôme hystérique et symptôme de conversion"

Mots-clés

Anorexie, hystérie, conversion, névrose, psychose, anorexie mentale, névrose obsessionnelle, trauma, régression, isolement thérapeutique

- pp 175 à 180 : M. C. Boons, "La Déchirure, un roman d'Henry Bauchan"

Mots-clés

Mère, séparation, mort, désir.

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

Volume 3, Clinique et métapsychologie

 

Résumés sous forme de mots-clés


- p. 3 : Jean Clavreul, "Considérations actuelles sur le transfert"

Mots-clés

L' "objectivité" de l'analyste, l' "oblativité" de l'analyste, l'interprétation du transfert, l'automatisme de répétition et le sujet de la parole, le symbolique et l'imaginaire, l'avoir et le savoir, le savoir sur la différence des sexes, l'autre et l'angoisse.

- p. 49 : Irène Roublef, "Introduction à une discussion sur la névrose de transfert"

Mots-clés

Transfert, objet a, complexe de castration, névrose de transfert, résistance, angoisse.

- p. 59 : Serge Viderman, "Remarques sur la castration et la revendication phallique"

Mots-clés

Féminité, castration, historicité du sujet et désir comme structure indépendante, complexe d'Œdipe, désir du désir de l'autre, besoin et désir.

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

 

Volume 4, Etudes critiques, octobre 1967

Résumés sous forme de mots-clés

- pp 3-33 : C. David, "L'hétérogénéité de l'inconscient et les continuités psychiques. Réflexions en marge du VI "Colloque de Bonneval (1960)"

inachèvement, transfert, théorie psychanalytique/singularité d'une cure, théorie freudienne : hypothèse d'une circulation des fantasmes et des investissements à travers la totalité de l'appareil psychique, l'inconscient comme réalité spécifique, exigences pulsionnelles, ambiguïtés de la notion d'inconscient, structure complexe de l'inconscient, langage, activité symbolique.

- pp 35-54 : M. de M'Uzan, "Expérience de l'inconscient"

inconscient : expérience personnelle et sujet de spéculation, théorie freudienne, refoulement/prise de conscience, passage des représentations d'un système dans l'autre, hypothèse topique/hypothèse fonctionnelle, transfert, affect, inconscient et langage.

- pp 55-82 : J-L. Donnet, "L'antinomie de la résistance"

résistance, déformation des représentations, théorie freudienne, Etudes sur l'hystérie, refoulement de l'affect, défense par la négation, censure, noyaux pathogènes, retour du refoulé, refoulement originaire/refoulement après coup, Freud : Métépsychologie, désinvestissement, contre-investissement, réinvestissement, processus primaire/secondaire, décharge, liaison de l'énergie, régression.

- pp 83-111 : F. Pasche, "Quelques péripéties d'un retour à Freud"

inconscient, préconscient, refoulé, ça, symbolique, représentation, signifiant, pulsion de mort.

- pp 113-122 : F. Roustang, "Des philosophes et de l'inconscient"

philosophie et psychanalyse, sens, signifiant, Ricoeur, méconnaissance, vérité, pulsion de mort.

- pp 123-163 : C . Stein, "Le commentaire de l'Interprétation des rêves" de S. Freud. Compte rendu par J. Frécourt

place des rêves de Freud, thème de l'ambition de Freud, sources infantiles, rêve de l'enfant qui brûle, l'oubli des rêves, "L'Homme aux rats", le scénario dans le rêve, clinique psychanalytique, fantasme, "L'Homme aux loups".

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables


Volume 5, La paternité, Janvier 1968

Résumés sous forme de mots-clés


- p 3, J.P. Pohier, "La paternité de Dieu"

Mots-clés

Freud, religion, père, Œdipe, christianisme, foi, judaïsme, trinité, salut, mort, résurrection, savoir, amour, toute-puissance infantile, meurtre du père et victoire du fils, mort du fils et victoire du père, sacrifice, mère, identification, incompatibilité entre père et fils, désir, plaisir, création, culpabilité, péché, mal, différence entre l'identification imaginaire au père et l'identification dans le jeu de la différence et de la similitude.

- p 59, C. Stein, "Le père mortel et le père immortel
Fragments d'un commentaire de l'interprétation des rêves de
S. Freud"

Mots-clés

Freud, L'Interprétation des rêves, voyage de Freud à Rome, inhibition, mort du père, culpabilité, le rêve "on est prié de fermer les yeux" (Chapitre VI, section C de L'Interprétation des rêves), phobie du voyage en chemin de fer, mère, nostalgie de Rome, auto-analyse de Freud, curiosité sexuelle, piété filiale, Hamlet, vœux parricides, masochisme moral, le rêve est la réalisation d'un vœu, rêves absurdes, Paradis perdu, toute-puissance infantile, rêve "non vixit", identification au père en tant qu'être mortel/illusion infantile d'être le père immortel.

- p 101, M.C. Boons, "Le meurtre du père chez Freud"

Mots-clés

Meurtre du père, Freud, la psychanalyse comme religion, le nom-du-père, loi, désir, culpabilité, Freud : L'Interprétation des rêves : le meurtre du père comme souhait réalisé dans le rêve, Freud : Totem et tabou : le meurtre du père mythiquement présenté comme acte qui se répète, Freud : Moïse et le monothéisme : le meurtre du père par le texte lui-même, animisme et magie, reconnaissance de l'inconscient et de la mort, sacrifice, rapport de substitution possible entre acte et pensée, cure analytique : suspendre l'effectuation motrice immédiate et introduire au monde de la signification ; parler analytique : rapport signifiant entre chaque acte de parole ; Moïse dans le texte biblique ; identification de Freud à Moïse ; thèses du Moïse de Freud : 1) Moïse n'est pas Juif, mais Egyptien 2) les Juifs ont assassiné Moïse ; meurtre de Moïse comme trauma originaire ; l'écriture du Moïse est elle-même l'accomplissement de ce meurtre ; identification et deuil de l'objet ; Freud en tant que Moïse furieux qu'on trahisse sa vérité ; inscrire son nom propre au lieu de l'ancêtre de la mère comme accomplissement de l'inceste.

- p 132, Jacques Colette, "Le désir d'être soi et la fonction du père chez Kierkegaard"

Mots-clés

Paternité et philosophie, Kierkegaard, I) l'existence singulière comme rupture de l'Un-Tout A) Le refus du système et la duplicité B) La déhiscence intérieure du sujet, l'effort et le désir C) La finitude au-delà de l'éthique II) Le désir d'être soi A) Un discours qui vient de nulle part B) La volonté d'être soi, le champ du possible et la fonction du père C) Différence et répétition III) La puissance cachée du père A) Le paradoxe, la culpabilité et le Dieu caché (l'inconnu) B) L'asymptote de la transparence (la puissance) C) Devenir l'unique ; la fonction du fils (le père).

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de Psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

Volume 6, Clinique et métapsychologie, avril 1968

Résumés sous forme de mots-clés


- pp 3-29 : F. Perrier, "Sur la clinique, le transfert et le temps"
histoire d'une erreur de diagnostic, psychiatrie, praxis analytique, transfert, interprétation, temps, répétition.

- pp 31-37 : J. Gillibert, "Le fantasme d'autofellation (réflexions)
narcissisme, autogenèse, néantisation de l'analyste, omnipotence, violence, miroir, désir/besoin, le Léonard de Freud

- pp 39-58 : J. McDougall, "Le spectateur anonyme (le complexe d'Œdipe et la structure perverse)"
clinique psychanalytique, perversion, Œdipe, castration, jeu, défi

- pp 59-62 : D. Geahchan, "La voix de la conscience"
hallucination, scène primitive

- pp 63-87 : D. Stein, "Un cas d'impuissance ou la puissance du masochisme"
masochisme, identification, impuissance, dépression, transfert

- pp 89-103 : J. Bigras, "Esquisse d'une théorie de l'adolescence centrée sur le point de vue économique freudien"
adolescence et hystérie, adolescence et deuil, père idéal, inceste

- pp 105-115 : J. Rousseau et L. Israël, "Jalons pour une étude métapsychologique de l'adolescence"
adolescence, pulsion, plaisir, fantasme, refoulement, répression, libido
narcissique/libido objectale, narcissisme, régression, Œdipe.

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de psychanalyse
Tchou - Les Introuvables


Volume 7, L'identification, juillet 1968

Résumés sous forme de mots-clés

- p. 5 : "Le problème de l'identification chez Freud", J-L. Donnet et J.P. Pinel

Mots-clés

Théorie freudienne, identification, rêve, hystérie, narcissisme, Moi, identifications oedipiennes, identification et métapsychologie : points de vue topique, économique et dynamique.

- p. 23 : "Demande et identification", P. Castoriadis-Aulagnier

Mots-clés

La demande d'analyse, transfert, offre, objet, identification primaire, identification spéculaire, identification prégénitale, identification au projet, mère, infans, désir, aliénation, castration, fonction de l'idéal, régression.

- p. 67 : "Identification et complexe de castration", Jean Clavreul

Mots-clés

Identification, complexe de castration, faiblesse du sujet, théorie freudienne, division du sujet, fragilité du savoir, l'Autre et la vérité, le "je" de l'énonciation, le nom propre, le père, interprétation et signification, désir, automatisme de répétition, l'Unheimliche, angoisse, pulsion de mort, pulsion épistémophilique, l'absurde, Loi du père.

- p. 99 : "L'identification à Freud dans l'auto-analyse" C. Stein

Mots-clés

Identification, Freud, auto-analyse, père, rêve, identification du psychanalyste à Freud, religion.

- p. 115 : "Les problèmes de l'analyse didactique", P. Greenacre

Mots-clés

Etendue et nature des intrusions de l'analyse didactique dans le processus thérapeutique, cadres institutionnels et pratique analytique, formation analytique, relation thérapeute-patient, transfert, défense contre-transfert, rivalités entre analyste et contrôleur, statut du savoir théorique, alliance thérapeutique.

- p. 143 : "Psychanalyse, psychothérapie, psychiatrie", D. J. Geahchan

Mots-clés

Psychiatrie et psychanalyse, institutions, psychothérapie, psychanalyse et société.

B. E. janvier 2003

 

 


L'Inconscient - Revue de Psychanalyse
Tchou - Les Introuvables

Volume 8, L'enseignement de la Psychanalyse ?, octobre 1968


Résumés sous forme de mots-clés

Mots-clés

- pp 7-26 : J.P. Valabrega, "La psychanalyse savante"

philosophie, pensée platonicienne, dialectique socratique, mythe et origine, répétition, sommeil, rêve, catharsis, maïeutique, inconscient, enseignement, connaissance, langage, parole, vertu, pureté, analyse dialectique, instruction du psychanalyste, sophiste, séducteur, savoir et vérité, silence, ignorance, la psychanalyse comme contraire de la pédagogie, simulacre, imitation, humilité, science, éthique.

- pp 27-45 : P. Castoriadis-Aubagnier, "Comment peut-on ne pas être Persan ? (Réflexions à propos de l'enseignement)"

formation, didactique, savoir, désir, théorie/praxis analytiques, inconscient, transfert, narcissisme, interprétation, transgression ; sens latent de la demande du savoir analytique ; sens latent de l'offre que fait l'analyste de ce savoir ; projet de l'analyste, la psychanalyse comme thérapeutique/la psychanalyse visant l'acquisition d'un certain savoir sur le fonctionnement psychique ; désir de l'analyste, savoir de l'analyste : faire parvenir un autre sujet à un déchiffrage de son texte inconscient d'où le désir de l'analyste : susciter le désir de l'analyse chez celui qui est sur le divan ; guérison ; analyse comme démarche désaliénante ; visée de vérité du discours de l'analyste : le désir comme objet qu'interroge le savoir/le savoir comme objet du désir ; séduction, pouvoir.

- pp 47-87 : Cornelius Castoriadis, "Epilégomènes à une théorie de l'âme que l'on a pu présenter comme science"

mirage scientifique, l'Esquisse de Freud, localisation de l'âme (Freud, l'Abrégé) ; science : communicabilité et vérifiabilité ; codétermination de tout phénomène psychique par le sens inconscient ; transfert, temps, progrès ; l'analyse n'est pas simple théorie de son objet, mais activité qui le fait parler en personne ; auto-analyse de Freud : se comprendre pour se transformer ; l'analyse : activité d'un sujet comme sujet à un sujet comme sujet ; visée de transformation/visée de savoir ; savoir de l'analyste : savoir de ce qui n'est pas à faire ; l'individu/l'universel ; inexhaustivité et insegmentabilité de la signification ; représentations et affects ; causation symbolique, intention, création, la psychanalyse comme : activité, signification vivante, sens incarné ; topique, problématique énergétique, impossibilité d'une conceptualisation scientifique de la psychanalyse ; vérité, sublimation, social ; la psychanalyse comme essentiellement inachevée et inachevable.

- pp 89-118 : Claude Rabant, "L'illusion pédagogique"
pédagogie, savoir et société, institutions scolaires, transmission du savoir, désir, violence, déplacement des positions du maître et de l'élève ; désir du maître/désir de l'élève ; la loi comme tiers entre le maître et l'élève, Rousseau, la ruse du savoir : perversion du rapport pédagogique ; assujettir l'élève par tromperie plutôt que par force contraignante ; demande et besoin, savoir du besoin, regard, illusion, le désir réduit au besoin par l'annulation de la demande ; annulation de l'écart entre l'enfant réel et l'enfant idéal ; l'apparence, l'imaginaire, pouvoir, sexualité ; l'enfant comme objet du désir imaginaire du maître ; savoir interdit.

B. E. janvier 2003

 

 


La Cruauté mélancolique (1995)
Jacques Hassoun


L'auteur explique que "le mélancolique est celui qui n'a pas connu l'expérience d'une perte et d'un premier deuil subjectivant ; non qu'il ait été englouti dans un désir maternel propre à le rendre psychotique, bien au contraire, il a été désespérément comblé ; désespérément, c'est-à-dire misérablement. Quelque chose lui a été sacrifié mais rien ne lui a été donné. Le don, c'est-à-dire la perte de l'autre dans l'Autre, n'a pu se manifester à son endroit. Il n'a pu y accéder. De cet impossible, il ne se remet pas". (p. 98)

Jacques HASSOUN évoque le rôle de la mère dans le sevrage : "est-ce qu'il ne faut pas, dans le sevrage, que la mère accompagne l'enfant dans son propre deuil ? N'y a t-il pas dans cette trajectoire (du sevrage) commune à l'enfant et à la mère, une expérience de deuil partagée ? Pour que celui-ci advienne, ne faut-il pas que la mère ait eu le temps -le temps psychique- d'entendre que le sein donné est cette part détachée d'elle et offerte à l'enfant ? L'érotisation de la sphère orale n'est-elle pas à ce prix ? N'est-ce pas le perdu de l'Autre en tant qu'il est reconnu dans ce statut, qui permet que cette zone soit érotisée chez l'enfant, c'est-à-dire marquée, poinçonnée, frappée du sceau du signifiant perte ? N'est-ce pas lorsque l'Autre se donne comme susceptible de perdre cette part de soi qu'il permet au nourrisson un nouage des pulsions partielles à la pulsion de mort ? L'objet perdu du "premier Autre, la mère en l'occasion" (comme la désigne Lacan) n'a pas pu ici se représenter comme modèle premier de la constitution de l'objet. Faute d'objet-perdu-du-fait-de-l'Autre, victime-du-manque-de-privation, le mélancolique dans son acception classique ou dans ses équivalences symptomatiques (anorexie, boulimie, toxicomanie) tente de ressusciter par la déchéance et la mise à mal de son corps (jusqu'à parfois s'assujettir à la perversion d'un autre), une coupure ou une perte qui n'a pas eu lieu.

Désormais, le mélancolique est cet objet non séparé qui a manqué d'être. A ce titre, il est un déchet qui tente de se constituer comme cause de (non-) désir, d'impossible désir pour n'importe quel autre susceptible de s'intéresser à lui". (pp. 41-42)

L'auteur ajoute : "comment l'enfant peut-il constituer l'objet en tant qu'objet perdu, si le premier Autre -sa mère- n'a pu lui transmettre une expérience de perte ?". (p. 73)
"En effet, si l'idéal se fonde sur une perte et si celle-ci ne s'est pas constituée comme expérience première, alors les idéaux sont rejetés dans les limites de l'innommable et de l'in-inscriptible". (pp. 73-74)

Jacques HASSOUN décrit le rapport du sujet à l'objet et à l'angoisse :
"Le mélancolique serait donc celui auquel le défaut de reconnaissance de l'Autre rend impossible ou aléatoire la formulation d'une demande, celui dont le désir reste énigmatique et qui, ne rencontrant que des fins de non-recevoir plus que des objections à son désir, voit son rapport à l'objet atteint au point où le mélancolique se trouve figé dans un endeuillement sans fin, sans recours possible à l'angoisse, c'est-à-dire à ce qui pourrait susciter de l'objet.
Le vide auquel est confronté le mélancolique désigne la place de la Chose qui vient ici relayer l'objet". (pp. 59-60)

L'auteur, se référant au séminaire X de Lacan, précise que "l'angoisse survient non pas quand la perte se révèle, mais quand l'impossibilité de l'Autre à céder fait retour chez le sujet au point d'être insupportable. Autrement dit, l'angoisse comme bouche-trou indique la reconnaissance d'une absence de manque". (p. 89)
Jacques HASSOUN consacre plusieurs développements à la passion, présentée comme centrale dans la problématique mélancolique. "(Qu') est-ce qu'une passion, écrit-il, sinon une défense contre la mélancolie ?" (p. 105)
"(…) la passion est le mode d'expression le plus spectaculaire d'une structure mélancolique. Passion et mélancolie d'une part, mélancolie et manie d'autre part, semblent ordonner un rapport à l'objet dont la mélancolie est la clé, dans la mesure où, en tant que symptôme, elle révèle (…) ce qui est en jeu dans le rapport d'un enfant à une mère qui a été dans l'impossibilité subjective de l'aider à traverser un deuil premier fondateur de sa subjectivité à lui". (p. 88)

"(…) le passionné n'a d'yeux que pour celui ou celle qui lui semble paré de ses objets pulsionnels. Il ne vit que d'entendre sa voix et noue avec lui ou elle une relation dévorante, sans que rien ne semble pouvoir créer une limite à ce flamboiement. Cet être-cause-de-passion est follement sommé de constituer en objet cause de désir, pour permettre au passionné de s'entraire de son dénuement mélancolique. (…) Le passionné vit comme un nourrisson dans l'attente de la merveille, dans l'attente que soit donné un coup d'arrêt à la dérive des affects, dans l'attente de pouvoir atteindre l'autre qui se serait comme dérobé avec ce dont il l'a paré". (pp. 91-92)

L'auteur articule la question de la passion à celle de l'angoisse : il décrit "l'attente angoissée du sujet, répétant son échec à être, pour se précipiter vers ce qui fait signe chez l'Autre. Identifié à un trait perpétuellement manquant, le sujet tremble, entre perplexité et méprise. Ce trait manquant qui l'obsédait révèle en bout de course l'imaginaire aveugle qui soutenait sa passion : sur le versant symbolique, il indique une mise hors circuit d'un signifiant, et du côté du réel, ce qui résulte d'un défaut d'inscription et de l'impuissance radicale auquel le sujet est confronté. (…) L'attente angoissée du passionné, en proie au désastre de sa défaite, se situe entre la douleur incessante et l'impossibilité d'évacuer ou de dériver d'une façon quelconque la tension dont il est la proie et qui rend inopérante une réaction efficace du principe de plaisir. Cette défaite scelle le processus de désintrication pulsionnelle.

Le lien exalté de la passion se soutient d'un imaginaire situé dans un au-delà du désir. Nous pouvons le figurer par un œil cherchant au fond de lui-même l'image absente du Moi idéal offerte à l'autre, dérobée par lui. D'où cette proposition : le signal d'angoisse se rapporte à un objet qui "perturbe" (le mot est de Lacan) le Moi idéal, lequel s'origine dans le Moi spéculaire. L'image spéculaire dans l'angoisse cesse donc d'être soutenue par l'Autre : le miroir est définitivement vide, et l'attente serait celle d'une image que seule la vision de l'autre, sa voix, sa caresse peuvent tenter de restituer pendant une fraction de seconde (…)". (pp. 93-94)
L'angoisse se trouve mise en relation avec l'attente : "La douleur de l'attente correspond à l'impuissance à rejoindre une image à laquelle le passionné se trouve être assujetti (…)". (p. 94)
"L'attente qui a la fonction d'un signal d'angoisse serait le moyen de maintenir "le rapport au désir", à l'endroit même où l'objet semble faire défaut. A ce titre, le désir comme remède à l'angoisse représente une issue à la stase, à une inertie, celle qui représente le triomphe d'un réel mortifère dans lequel le passionné semble être pris jusqu'à l'embarras. L'attente, la mise en captivité, la passion sur son versant de désastre, de déroute, de détresse et d'angoisse insurmontable remet donc en scène les différentes formes d'identification mais aussi celles de l'investissement de l'Autre par le Moi idéal, sur un mode très particulier ici : l'Autre est requis de venir prendre la place du Moi idéal jusqu'à y coïncider, jusqu'à le doubler". (pp. 94-95)

"L'assomption de l'être objet de la passion, en lieu et place de l'objet cause du désir signe l'horreur éprouvée par le sujet rendu passif par cette attente infinie qui le précipitera ultérieurement dans la mélancolie". (p. 96)

La mélancolie peut se définir comme une passion intraitable : "nous pouvons concevoir le dit d'un mélancolique comme une sentence sans appel possible : il est condamné d'avance et l'Autre sera toujours en deçà de ce verdict. Il est son propre policier, son propre geôlier, son propre bourreau : à ce titre, il est hors d'atteinte. Il est le déchet de l'autre et révèle à celui-ci sa propre déchéance.

Cette position de résistance terrible dans son inertie est décourageante. Elle est au même titre qu'une passion intraitable". (pp. 99-100)

B. E. fevrier 2003

 


L'Imposture perverse (1993)
Serge André

En exergue de cette note de lecture, et pour qu'elles restent présentes comme en basse-continue, je proposerai les lignes suivantes :
"(…) comment un être, réduit en position de déchet, peut être reconnu comment sujet désirant ( ?) Est-ce simplement à force de faire semblant que nous pouvons nous ouvrir un accueil dans l'Autre ?" (p. 246)

Dans un premier chapitre, Serge André met en évidence une analogie de structure entre le désir de l'analyste et le fantasme sadien, et s'appuie pour ce faire sur l'itinéraire de Ferenczi.
"La question majeure de Ferenczi, explique l'auteur, est celle de la transmission, c'est-à-dire du déchiffrage par le sujet du message qui lui vient de l'Autre (…). (p. 63) Rappelant qu'au sein de la relation de Ferenczi à Freud "subsistait un reste incompris et informulé", Serge André écrit : "Parce que Freud ne lui avait pas transmis ce qu'il aurait voulu en recevoir, il a voulu devenir, lui, Ferenczi, plus qu'un psychanalyste : il a voulu devenir le lieu même de la transmission de la psychanalyse, et d'une transmission totale, sans reste. Il s'est ainsi peu à peu transformé en une sorte de corps symptomatique où était censée s'opérer la monstration de la chose analytique comme telle -attitude que Freud a sévèrement condamnée". (p. 64)
A la question de savoir si l'on doit considérer Ferenczi comme une victime ou comme un bourreau, l'auteur répond :
"S'il est incontestable que Ferenczi a dû payer le prix de l'inachèvement de sa propre analyse, au sein de sa pratique, il est non moins sûr qu'il a aussi retrouvé en celle-ci les effets de jouissance dont Freud l'avait privé dans le transfert (en refusant de tout lui dire de sa propre analyse avec Fliess). C'est pourquoi, aux belles âmes qui auraient tendance à croire que Ferenczi est mort d'avoir trop souffert de son rapport à la psychanalyse et à Freud, j'objecterai qu'il serait plus juste et plus instructif de faire l'hypothèse qu'il est mort d'avoir trop joui de sa position d'analyste. Pour Ferenczi, le désir de l'analyste n'a pas fait limite à la jouissance que lui procurait le transfert. Chaque page, ou presque, de son Journal clinique fait entendre l'appel désespéré à ce que sa jouissance d'analyste soit contenue et arrêtée par une frontière solide. Faute de la rencontrer, Ferenczi ne cesse de plonger, entraînant avec lui son analysant, dans cette jouissance qui tout à la fois le fascine et lui fait horreur. Le trait spécifique de cette jouissance tient assurément à la personnalité de Ferenczi, mais elle découle aussi de la structure propre à la relation analytique : c'est la jouissance du bourreau telle que la cerne la structure du fantasme sadien". (p. 71)

La "complexité de l'attitude de Ferenczi à l'égard de Freud s'explique par son vœu secret de pénétrer le fantasme de ce dernier, de deviner ce qui est resté non dit entre Freud et Fliess (…). De ce fantasme supposé à Freud, Ferenczi se fait littéralement le symptôme : l'achèvement complet de l'analyse, qu'il réclame pour lui-même et pour ses patients, traduit d'abord sa volonté de capter le reste inachevé du transfert de Freud à Fliess. (…). L'identification qu'adopte Ferenczi semble donc n'être qu'une manœuvre inconsciente afin de trouver un poste à partir duquel il pourrait mieux capter le désir de l'Autre.
Du point de vue clinique, cette division de l'identification -à la victime et au bourreau- et son articulation au désir secret de l'Autre signent la structure hystérique de Ferenczi, plutôt qu'une structure perverse (dans laquelle le désir de l'Autre se voit réduit à un commandement explicite). Ce qui indique bien que le fantasme sadien n'est pas propre à la perversion, mais qu'il peut venir glisser dans une structure névrotique et nourrir le symptôme du sujet". (pp. 73-74)

Suivent deux chapitres sur l'homosexualité, dans lesquels l'auteur s'applique à distinguer l'homosexualité névrotique de l'homosexualité perverse.
Dans le chapitre 2, traitant de l'homosexualité féminine, Serge André souligne deux insuffisances majeures du texte de Freud sur la jeune homosexuelle pour une définition rigoureuse de cette question et de son rapport aux différentes structures cliniques :

"Les deux insuffisances majeures du texte de Freud sur la jeune homosexuelle sont, me semble-t-il, les suivantes :
1) Freud, qui soutient que son cas relève de la perversion et non de l'hystérie, n'appuie ce diagnostic que sur le critère de l'inversion, et
2) Il se contente de repérer cette inversion au niveau de l'identification, d'une part, et du choix amoureux, d'autre part. A eux seuls, ces deux critères ne me paraissent pas permettre de caractériser à coup sûr la structure perverse d'une homosexualité. Bien entendu, les critiques que je me permets ainsi de formuler à propos de l'article de Freud doivent être mesurées en tenant compte du fait qu'il n'a reçu sa patiente que durant deux mois et que, de plus, elle n'était venue lui parler que sur l'ordre exprès de son père. Il reste que l'inversion ne suffit pas à signer la perversion, encore moins quand cette inversion se produit dans le registre de l'amour. L'amour n'est qu'un des versants de la vie érotique, distinct du désir et de celui de la jouissance, et c'est, de plus, le versant sur lequel l'inconscient a le moins à dire. C'est aussi le versant où l'inversion est la plus "naturelle", si l'on ose dire, en tout cas la plus fréquente, puisque, étant toujours lié, au moins par un côté, au narcissisme, l'amour comporte en soi un mouvement fondamentalement "homo". "Quand on aime, il ne s'agit pas de sexe", lançait Lacan à son auditoire, signifiant par là que, dans le champ de l'amour, il est bien difficile de distinguer entre l' "homo" et l' "hétéro". Pour être rigoureux, nous ne pouvons donc envisager de résoudre la question de l'homosexualité et son rapport aux structures de la névrose, de la perversion et de la psychose qu'en la resituant dans les autres registres de la vie érotique : ceux du désir et de la jouissance". (pp. 138-139)

Le chapitre trois concerne l'homosexualité masculine et interroge la qualification elle-même de ce choix, pour autant qu'elle émane du discours dominant :
"Qui donc les dit "homosexuels", ces sujets qui viennent s'étendre sur le divan du psychanalyste pour interroger, pour vérifier ou, au contraire, pour rejeter la signification de ce terme ? C'est d'abord l'Autre. C'est dans l'Autre, au sens le plus général -en tant que lieu du langage, mais aussi au sens plus particulier : en tant que lieu du discours familial ou culturel dans lequel ils ont dû trouver leur place de sujets-, que les homosexuels rencontrent ce signifiant qui vient s'appliquer sur eux comme un insigne ou une étiquette. Se dire "homosexuel", se demander si on l'est ou pas, s'affirmer "non-homosexuel", c'est ainsi se faire le sujet d'une langue ou d'un discours, et ensuite interroger la coïncidence ou l'écart entre ce discours et l'être du sujet.
Le discours en question, avant même d'être repris dans la bouche du sujet "en personne", c'est le discours dominant. Au-delà de ce qui se dit dans la famille ou de ce qui se profère dans le milieu social que fréquente le sujet, c'est le discours général et anonyme qui concrétise un certain état de la langue et de la civilisation que chacun est censé partager pour participer au lien social, bref, c'est le discours dont le sujet par excellence est celui que l'on appelle "Monsieur Tout-le-Monde". Or l'une des premières choses que nous disent régulièrement les homosexuels qui nous consultent, c'est qu'ils "ne se sentent pas comme tout le monde", qu'ils ne se reconnaissent pas vraiment dans ce discours général et que, par conséquent, ils ne se sentent pas chez eux dans le lien social qu'institue ce discours. Si nous voulons les écouter et avoir une chance d'entendre ce qui se dit au travers des paroles qu'ils nous adressent, il faut donc que nous suspendions pour nous-mêmes notre propre participation au discours dominant (ce qui suppose tout d'abord que nous le localisions) et que nous nous demandions quelle place nous occupons, en tant que psychanalystes, par rapport à ce champ du discours et de la civilisation". (pp. 150-151)

Cette remise en cause de la doxa aboutit à l'hypothèse suivante : "peut-être est-ce (…) dans cette oscillation entre le discours sur l'homosexualité (où le sujet ne se sent pas à sa place) et le discours de l'homosexualité (où il croit fonder sa place dans un nouveau lien social) que l'on pourra saisir ce qui différencie une homosexualité névrotique et une homosexualité perverse". (p. 154)

L'auteur en conclut :
"C'est dans la mise en place de l'Œdipe et du signifiant phallique comme pôle du complexe de castration qu'un ratage peut se produire. Ce ratage peut survenir selon deux modalités, qui permettent de distinguer deux types d'homosexualités masculines. Disons en bref qu'il y a un ratage par défaut de réalisation de la castration -c'est l'homosexualité perverse ; et il y a, par ailleurs, un ratage par excès d'imaginarisation de la castration- c'est l'homosexualité névrotique". (p. 170)

Serge André consacre des développements au concept de castration, dont il rappelle que "dans la théorie psychanalytique, la castration est une privation symbolique qui porte sur un organe imaginaire et qui nécessite l'intervention du père réel. Or c'est précisément dans l'orchestration de cette opération qu'un obstacle se présente pour l'homosexuel pervers, l'empêchant de départager correctement le registre où il est le phallus de celui où il l'a ou devrait l'avoir. Le père de l'homosexuel est, en tant que père réel, mis hors circuit par le désir de la mère pour son fils : dans ce désir, la mère reconnaît son fils comme étant le phallus, au lieu de reconnaître son mari comme l'ayant. Le statut du père, en tant que privateur (du phallus imaginaire), mais aussi en tant que donateur (du phallus symbolique), est ainsi profondément discrédité". (pp. 214-215)

Lorsqu'il est pervers, l'homosexuel affirme "à la fois qu'il a le phallus (il ne se prend pas vraiment pour une femme) et qu'il est le phallus. Pourtant, la logique du désir inconscient est ainsi faite que s'il l'est (le phallus), il ne peut pas l'avoir. D'où le sentiment perpétuel d'imposture qui affecte ce sujet ; d'où aussi la nécessité de recourir à certains rites qui lui garantiraient qu'il l'a … quand même". (pp. 221-222)

Selon l'auteur, l'homosexualité masculine constitue un parcours de la "transmission initiatique à la pédagogie de la virilité".
Il observe : "L'homosexualité masculine n'est pas seulement une question de choix de l'objet sexuel ni de choix d'une identité sexuelle. Elle consiste avant tout en une interrogation et une remise en question de l'apparente évidence de la masculinité. Comment être, ou devenir, un homme ? La réponse à cette question ne paraît évidente qu'à ceux qui, en tant que fils, se situent dans l'héritage d'un père, et qui, à ce père, supposent l'attribut de la virilité et la capacité d'en transmettre la possession. Le pervers homosexuel, lui, a d'autant plus de raisons de suspecter cette transmission de simulacre que l'origine de sa position subjective tient précisément à la dévirilisation du père et au ravalement du phallus qu'il aurait à donner.

Du point de vue de la transmission du phallus, l'homosexuel s'inscrit plutôt dans une lignée maternelle. Il n'en découle pas qu'il soit fille ni qu'il s'identifie à la position de la fille. Au contraire, le trait particulier de la filiation imaginaire de l'homosexuel (qui se distingue en cela du travesti et du transsexuel) tient au paradoxe de sa masculinité. Il est mâle, sans aucun doute, mais il ne l'est que par le pouvoir d'une mère ou d'une lignée de femmes. L'identification à la mère, dont Freud a souligné l'ampleur chez l'homosexuel, doit être replacée dans le contexte de cette recherche d'un point d'assurance de la virilité. Si l'on peut dire, en effet, que l'homosexuel s'identifie à sa mère, c'est dans la mesure où celle-ci, pour le sujet, porte les insignes phalliques ou est dépositaire de la tradition qui soutient l'idéal masculin". (pp. 228-229)

"Il serait cependant trop simple de croire que l'homosexuel résolve la question de son identité et de son désir par l'assimilation pure et simple de cet idéal viril qui lui est transmis par la mère. Il est bien le premier, en effet, à reconnaître le caractère problématique de sa position et à souligner, au moins par son fantasme, que l'idéal masculin magnifié dans la lignée maternelle n'est tant célébré et exalté que dans la mesure où il destine le mâle à la mort ou au sacrifice. C'est pourquoi on ne s'étonnera pas de constater, dans le discours et dans la vie de l'homosexuel, la prévalence du thème de la transmission et de l'éducation de la virilité". (pp. 229-230)

"D'un autre côté, on peut relever une deuxième constante du discours homosexuel : l'attrait pour une position que je qualifierai de "pédagogique". Pas de préoccupation plus noble, pas d'idéal plus élevé pour l'homosexuel (même s'il n'est pas pédéraste au sens strict) que celui de former ou de redresser la jeunesse -entendons : les jeunes garçons". (p. 230)

"Initiation et pédagogie forment ainsi les deux versants sur lesquels l'homosexuel se confronte à la transmission du phallus. Cette dualité correspond d'ailleurs au clivage pervers de la position subjective à l'égard de la castration et au mécanisme du démenti. D'un côté, le sujet reconnaît la nécessité de la castration, mais il ne peut s'en approcher qu'à travers le paroxysme d'un scénario initiatique où la castration est mise en scène comme blessure réelle et comme déchéance subjective. D'un autre côté, et simultanément, il nie absolument la castration et se conforte de la conviction selon laquelle l'accès à la virilité pourrait être une pure et simple question d'apprentissage et d'éducation correctement dirigée. Sur ce second versant, le sujet est inévitablement conduit à assumer pour lui-même l'imposture primordialement soutenue par le personnage maternel. Faisant semblant d'avoir le phallus, il vise à faire authentifier ce semblant de virilité que son élève pourrait lui-même acquérir grâce aux leçons qu'il lui donne.

Ce clivage rend compte également de la complexité de la sexualité de l'homosexuel, notamment des alternances que celle-ci manifeste entre les impératifs de la jouissance et les séductions de l'amour. Sur le premier versant (celui de l'initiation), le sujet semble s'abandonner entièrement à la position passive que le discours commun assimile généralement à la féminité". (pp. 230-231)

"Sur l'autre versant (le versant pédagogique), le sujet semble, par contre, retrouver une certaine position masculine, ou du moins une position active. Ce n'est plus au nom de la jouissance qu'il agit, mais désormais au nom de l'amour et de la séduction. Sous prétexte du bien de l'autre et du service à lui rendre, l'homosexuel entreprend de parfaire la formation de ses conquêtes, à la manière d'un père attentif ou d'un grand frère". (p. 232)

"Quoiqu'il ait l'air de faire le père, c'est en réalité contre la mainmise paternelle sur le fils que l'homosexuel peut soutenir sa mission pédagogique. En se posant ainsi comme substitut d'un père qui est d'avance défini comme défaillant, il prend en vérité le relais de la mère phallicisée qui prétend mieux comprendre son fils que ne peut le faire le père, et qui imagine que l'accès à la virilité s'obtient de l'amour plus que du conflit". (p. 233)

"Alors que le névrosé accède à la virilité en se confrontant à la question de savoir ce que veut une femme, le pervers homosexuel, lui, en cherche l'entrée en interrogeant l'essence de la masculinité. De celle-ci il veut formuler une définition qui serait indépendante du désir féminin, une théorie de la "virilité pure", si l'on peut dire, qui fait surgir le paradoxe d'un sexe qui se définirait par lui-même, sans se mesurer à la différence des sexes.

Que peut bien vouloir dire "être un homme" si ce n'est par rapport à la femme ? C'est en soutenant cette question avec l'homosexuel dans l'expérience analytique que l'analyste peut obtenir un retournement de discours qui n'est pas le moindre paradoxe de la problématique homosexuelle. En effet, à suivre cette interrogation, on s'aperçoit que, pour l'homosexuel, la virilité ne se définit pas par rapport à la femme, mais par rapport à la mort et à la loi. En d'autres termes, l'écoute analytique du discours homosexuel mène à comprendre que celui-ci n'est pas tant un discours sur la sexualité (même si c'est son aspect le plus manifeste) qu'un discours sur l'éthique". (pp. 233-234)

Le chapitre quatre propose une remarquable mise au point sur la notion de dépression.
Serge André rappelle l'emploi qui a été fait de ce terme au sein de deux tendances de la psychiatrie française, celle qui se situe dans la voie tracée par Jean Delay d'une part et celle qui a eu pour défenseur Henri Ey d'autre part, pour conclure : "ces deux écoles psychiatriques ont en commun une même base de raisonnement. D'un côté et de l'autre, on part, comme d'un fait irréfutable, de la notion d'humeur et, pour le saisir cliniquement, on lui attache une fonction variable à deux polarités. Que l'on conçoive cette fonction sur le mode quantitatif, comme une variation entre un excès et un défaut de sécrétion, ou sur le mode qualitatif, comme une oscillation entre un haut et un bas, il est postulé que ladite fonction doit trouver quelque part un principe d'équilibre, une homéostase.
Toute la question, pour nous psychanalystes, est précisément celle de savoir, tout d'abord, si nous pouvons considérer l'humeur comme un fait, et, quand cela serait, si nous pouvons nous contenter de la cerner selon le modèle du principe de plaisir/déplaisir. Par ailleurs, il faut constater que, quelle que soit la voie d'approche choisie, les troubles de l'humeur ne sont jamais conçus en psychiatrie qu'au sein d'une problématique intra-subjective. Introduire en ce domaine la clinique psychanalytique entraîne certaines conséquences immédiates. La première est que, sous la notion d'humeur, se révèle une division irréductible entre les affects et les pulsions, c'est-à-dire entre les phénomènes d'ordre préconscient et des manifestations de l'inconscient, qui ne se laissent pas simplement saisir dans le registre du fonctionnement du principe de plaisir. La seconde est que, si la clinique psychanalytique vise la structure du sujet, elle ne l'atteint cependant qu'en faisant émerger, au sein même de cette structure, un ailleurs. Il n'y a, en effet, de sujet qu'en fonction de l'Autre, celui-ci n'étant pas simplement autrui, notre semblable, mais au-delà de ce dernier, le lieu d'où nous vient le langage, le lieu où quelque chose se dit, et ne se dit pas, à notre adresse. Le lieu aussi où se formule ce qui nous permet de prendre possession de notre corps, ce qui implique une acquisition et une perte tout à la fois de la jouissance que nous pouvons en avoir". (p. 267)

"Pour passer de la notion psychiatrique d'humeur à la notion psychanalytique d'affect, il convient d'abord de souligner la perte -conceptuelle et clinique- qu'entraîne l'idée de "trouble de l'humeur". Cette perte consiste dans le rejet de la thématique des passions de l'âme, que la clinique psychanalytique, d'une certaine manière, remet à l'honneur". (p. 268) : l'âme est le siège de "passions", ce qu'il faut entendre d'un point de vue métaphysique : elle subit certaines altérations dès qu'elle se trouve sous l'influence d'une cause agissante qui la confronte à la question de savoir ce qui convient et ce qui ne convient pas à sa nature ou à son désir. La "passion de l'âme" est plus qu'une sensation ; c'est une attirance, ou une répulsion, qui suppose l'idée d'un manque ou d'un rejet, d'un Bien que le sujet veut atteindre, ou d'un Mal qu'il souhaite éviter". (p. 269)

"Des passions de l'âme aux états d'âme, il y a une solution de continuité. Et c'est cette rupture conceptuelle qui isole l'affect et l'enferme dans une dialectique intra-subjective, alors que le terme de passion de l'âme impliquait, par définition un rapport à l'Autre et à un objet extérieur. Elle est le fait de Descartes (…), qui introduit une nouvelle, conception de l'âme en la détachant définitivement du corps. A l'idée aristotélicienne de l'âme forme du corps il substitue celle d'une âme faite de pure pensée distincte du corps qui est, lui, pure étendue. (…) Le siège des passions, pour Descartes, doit être logé dans la physiologie du corps. (…) Par conséquent, l'état de l'âme est en réalité l'idée d'un état du corps". (pp. 269-270)
"Cette tromperie et ce déplacement qui caractérisent l'affect sont conséquences de ce que le corps de l'être humain est lui-même affecté par la structure, c'est-à-dire affecté par la structure de langage dans laquelle il habite et dans laquelle il prend possession (et dépossession) de son corps. L'affect ne vient qu'à un corps dont le propre est de subir l'incidence du langage, un corps qui pâtit -au sens de la passion- du signifiant. L'incorporation du langage dans l'organisme a en effet pour résultat de nous octroyer un corps dont tous les aspects et toutes les fonctions sont modelés par les effets de ce langage. L'être parlant est celui qui n'a plus de rapport direct avec le corps en tant qu'organisme, mais seulement des rapports médiatisés par le langage : le corps que celui-ci nous donne peut, à certains égards, n'avoir qu'un rapport très lointain avec l'organisme que décrit la physiologie". (pp. 272-273)

"La question que nous adresse le sujet qui présente des épisodes dits "maniaques" ou "dépressifs" n'est donc pas celle d'une clinique du trouble de l'humeur, ni même d'une clinique de l'affect, mais plutôt celle de savoir comment et pourquoi le "savoir" (c'est-à-dire l'organisation signifiante qui commande le discours de son inconscient) reste chez lui aussi distinct de la jouissance, pourquoi il tient tellement, en se précipitant dans la manifestation de l'affect, à ignorer le désir de l'Autre à quoi répond cette jouissance". (p. 276)

L'ouvrage s'achève sur des pages consacrées à la mélancolie, définie en ces termes :
"La relation du mélancolique (ou du maniaque) au désir est ainsi singularisée par une dénonciation virulente du semblant, du voile idéalisé qui entoure l'objet visé par le désir, ne laissant subsister que l'objet cause du désir dans son essentielle impudeur. La manie et la mélancolie font, en somme, objection à la comédie humaine, à la règle qui veut que le désir soit conduit par un leurre. C'est sans doute la raison pour laquelle la problématique de l'amour est si cruciale dans le déclenchement des épisodes maniaques ou mélancoliques, de même que la problématique du deuil". (pp. 344-345)

Invoquant l'article de Freud "Deuil et mélancolie", Serge André indique :
"Pour saisir la portée de ce texte de Freud, il convient d'accorder deux significations différentes au terme "d'objet" dont il fait constamment usage : tantôt il s'agit du phallus, c'est-à-dire du symbole qui voile l'objet visé par le désir, tantôt il s'agit de l'objet a, c'est-à-dire de l'objet réel, cause du désir (et non but), que la pulsion cerne par son trajet et que le fantasme habille de sa mise en scène. Ce qui est ébranlé dans la phase qui précède l'épisode mélancolique, ce n'est pas la relation à l'objet réel, mais la relation au phallus : c'est parce que celui-ci se voit amoindri, ravalé ou destitué par l'Autre (ce que Freud désigne comme un "préjudice réel" ou une "déception") que l'objet réel est soudain dénudé et apparaît au sujet dans toute son indignité, c'est-à-dire dans son inconvenance vis-à-vis du rapport sexuel. Cet effondrement du semblant phallique forme le cœur des deux situations typiques dans lesquelles se produit classiquement l'éclosion du symptôme mélancolique (ou maniaque) : la rupture de la relation amoureuse, ou la mort d'une personne aimée ou idéalisée. Dans ces deux occasions, l'autre, brusquement dévoilé, dépouillé de son masque phallique, change de nature : il se présentifie désormais comme objet a, comme objet perdu. Et tout le travail de deuil qui est alors imposé au sujet consiste à réinscrire cet objet réel dans le symbolique et dans l'imaginaire, à lui rendre son habillage et sa représentation. La perte réelle ne peut cependant être transformée en perte symbolique et imaginaire que par l'intervention du phallus. Si celui-ci est dénoncé comme pourri ou comme pur mensonge, comme c'est le cas chez le mélancolique, on comprend que la rupture amoureuse et le deuil soient impossibles à assumer et que le sujet se sente condamné à s'identifier à l'objet perdu, soit à l'objet a comme tel, et se sacrifie à sa place". (pp. 349-350)

L'auteur ajoute :
"En vérité, il y a dans la fureur maniaque et dans l'acharnement mélancolique comme un remords qui concerne une faute fondamentale. Il est singulier que le dévoilement de l'objet réel dans le désir de l'Autre (c'est-à-dire de la mère) provoque tant d'indignation chez le sujet. Celle-ci démontre, en tout cas, que le mélancolique demande à être trompé, qu'il réclame l'illusion et le masque plutôt que la vérité toute crue". (p. 351)
"Comment, cependant, nier le réel ? C'est cette impossible négation que vise à accomplir l'identification à l'objet : ce n'est pas l'Autre qui est indigne, c'est moi, affirme ainsi le sujet mélancolique. En se dénonçant lui-même comme abject, avec toute la férocité du surmoi, le mélancolique se charge ainsi du péché de l'Autre, de sa misère d'objet réel : il se condamne pour rendre à l'Autre sa dignité". (pp. 351-352)

Pour conclure, on peut relever la définition que propose l'auteur de "l'imposture perverse", cernant ainsi en fin de parcours la visée de la trajectoire du livre : "j'appelle l'imposture perverse (…) la réponse du sujet pervers à la découverte d'une première imposture : celle de la réalité. Car le problème du sujet pervers est celui-ci : après avoir dénoncé la destitution du phallus et l'avoir ramené à l'obscénité d'un objet réel (…), comment refaire phallus de cet objet, par exemple en l'élevant au rang de fétiche ?". (p. 409)

B. E. mai 2003

 


Aimer
Etre aimé
Nouvelle Revue de Psychanalyse
N° 49, printemps 1994


- pp 9 à 14 : J.-C. Lavie, "L'amour est un crime parfait"

* Thème : relation thérapeute/patient.
* Mots-clés : agressivité, Œdipe, amour, dépendance, parti pris.

- pp 15 à 22 : D. Clerc Maugendre, "La maladie du moi"

* Thèmes : instances psychiques, mélancolie.
* Mots-clés : estime de soi, moi idéal, délire.

- pp 23 à 35 : M. Bacherich : "A en perdre la tête"

* Thèmes : angoisse, pratique psychanalytique.
* Mots-clés : folie, superstitions, mère, père.

- pp 37 à 57 : P.L. Assoun, "Au premier regard
Pour une métapsychologie du ravissement amoureux"

* Thèmes : amour, objet, passion, transfert.
* Mots-clés : regard, coup de foudre, rencontre, ravissement, conviction, pensée/affect, temps, différence sexuelle, manque phallique, visible/invisible, déni, "cristallisation amoureuse", idéalisation, narcissisme, activité/passivité, pulsion de voir, transfert, regard, parole.

- pp 59 à 70 : E. Gomez Mango, "Le désordre"

* Thèmes : amour, haine, psychanalyse et littérature, sexualité.
* Mots-clés : Tolstoï, amour charnel, mariage, meurtre, bien, religion, deuil, libido/amour, amour et connaissance, amour transférentiel, Proust, désir/apaisement, formation amoureuse, angoisse de l'abandon, absence, art.

- pp 71 à 86 : A. Compagnon, "L'Amour, l'amour, toujours l'amour"

* Thèmes : psychanalyse et littérature, amour, souffrance.
* Mots-clés : Proust, amitié masculine, incompatibilité entre aimer et être aimé, célibat de l'art, souffrance et recherche de la vérité, jalousie, deuil, solitude.

- pp 87 à 95 : P. Pachet, "Vies sans amour"

* Thèmes : amour, psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : absence d'amour, violence, illusion, Tolstoï.

- pp 95 à 102 : F. Marmande, "L'étrange amour de préférence"

* Thèmes : psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : Molière : Le Misanthrope, Alceste, l'Atrabilaire amoureux.

- pp 103 à 117 : J.-P. Demoule : "L'amour passé"

* Thèmes : amour, sexualité.
* Mots-clés : Préhistoire et représentation de la sexualité, archéologie, art, mythe, horde, famille, mariage.

- pp 119 à 132 : E. Michaud, "Un Sauveur : Adolf Hitler ou la tyrannie du visible".

* Thèmes : mythe, violence.
* Mots-clés : religion, nazisme, culture, art, propagande, le visible.

- pp 133 à 147 : J. Moingt, "L'Amour est de rigueur".

* Thèmes : sacré, amour, désir.
* Mots-clés : théologie, Dieu, le prochain, devoir, risque, souci de l'autre, accueil, gratuité, désir, loi, Bible, Saint Augustin, amour de l'amour : aimer aimer et aimer être aimé.

- pp 149 à 163 : C. Baladier, "La philosophie de l'amour et du désir au Moyen-Age"

* Thèmes : amour, désir, sacré.
* Mots-clés : Moyen-Age, théologie, amour sacré/profane, Charité, discernement, autrui, idéalisation, joie, désir, fantasme, délectation morose, sensualité, amour de l'amour, éthique courtoise, morale, mystique de l'absence, sublimation.

- pp 165 à 183 : F. Coblence, "Et l'amour, et l'autre"

* Thèmes : amour, souffrance, altérité, érotisme, psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : Proust, angoisse, absence, insomnie, Lévinas, l'être-pour-l'autre, altérité, rencontre de l'autre, abandon à l'autre, volupté, caresse, éthique et érotique, communauté des amants, Marguerite Duras, perte, langage, fécondité, passivité, maternité, père, art, image, esthétique.

- pp 185 à 187 : F. Gantheret, "Unissons-nous ?"

* Mots-clés : Narcisse, mort.

- pp 189 à 197 : E. Cabrejo-Parra, "Fête narcissique des premières syllabes"

* Thèmes : langage, symbolique.
* Mots-clés : âme-style, voix, temps, enfant, mère, schizophrénie, destruction de la langue, narcissisme maternel, symbolisation.

- pp 199 à 202 : M. Gribinski, "La Voie passive"

* Mots-clés : voix passive, grammaire.

- pp 203 à 214 : M. Gribinski, "Construire un feu. Aimer un père".

* Thèmes : père, psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : construction, Jack London, rêve, partager, les quatre objets de surestimation : père, pénis, objet d'amour (objet sexuel), soi-même.


B. E. août 2002

 


Introduction à la médecine expérimentale
Claude BERNARD

Dans cet ouvrage, qui se présente sous forme de manifeste, pour une médecine enfin scientifique, qui puisse saisir le déterminisme des phénomènes, Claude Bernard se propose d'y appliquer la méthode expérimentale, telle que Francis BACON en a formulé les principes. Après une première partie consacrée à la nature du raisonnement expérimental (l'expérience n'est au fond qu'une observation provoquée), au caractère objectif et extérieur des vérités auxquelles l'on peut parvenir par l'expérimentation, par l'apport de preuves, aux critères d'un raisonnement rigoureux, seul apte à fournir des connaissances objectives, donc certaines, une deuxième partie considère les spécificités de la méthode lorsqu'elle est appliquée aux êtres vivants. (" Il ne s'agit en effet pour le physiologiste que de décomposer la machine vivante, afin d'étudier et de mesurer, à l'aide d'instruments et de procédés empruntés à la physique et à la chimie, les divers phénomènes vitaux dont il cherche à découvrir les lois. "). Sur le plan conceptuel, il apporte la notion de milieu interne à l'organisme.
Tout semble dans le livre tenir à l'écart l'imaginaire. Néanmoins, ce dernier me semble faire un retour en force dans la partie consacrée à la vivisection (" sans ce mode d'investigation, il n'y a pas de physiologie ni de médecine scientifiques possibles "). Or, toute cette partie (pp 150 à 156), se présente comme un vibrant plaidoyer (" à toutes les époques on a senti cette vérité… ") pour la défense et l'illustration de la vivisection, qui semble atteindre son acmé p.154 : " Le physiologiste n'est pas un homme du monde, c'est un savant, c'est un homme qui est saisi et absorbé par une idée scientifique qu'il poursuit : il n'entend plus les cris des animaux, il ne voit plus le sang qui coule, il ne voit que son idée et n'aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu'il veut découvrir. (…) De même encore l'anatomiste ne sent pas qu'il est dans un charnier horrible ; sous l'influence d'une idée scientifique, il poursuit avec délices un filet nerveux dans des chairs puantes et livides qui seraient pour tout autre homme un objet de dégoût et d'horreur. (…) le savant ne doit avoir souci que de l'opinion des savants qui le comprennent, et ne tirer de règle de conduite que de sa propre conscience. "
Outre que cette représentation du médecin physiologiste halluciné, obnubilé par sa quête de l' " idée scientifique ", ne laisse pas d'avoir un côté inquiétant, il me semble que le Docteur Mengele, s'il avait voulu écrire un traité sous forme de manifeste de sa pratique de médecin nazi en camp de concentration, n'aurait eu qu'à reprendre ce passage tel quel, moyennant peut-être certaines révisions de détail.

L. P. mai 2003

 


La culpabilité
Le Discours Psychanalytique
Revue de l'Association Freudienne
N° 15, Février 1996


- pp 7 à 29 : P.-C. Cathelineau, "Masochisme et culpabilité"
Commentaire de l'article "Le problème économique du masochisme" (1924)


* ""Le principe de Nirvanà exprime la tendance à la pulsion de mort. Le principe de plaisir représente la revendication de la libido, et la modification de celui-ci, le principe de réalité représente l'influence du monde extérieur". Dès lors, s'il y a bien trois principes, et qui s'accommodent les uns des autres, il y a une distinction réelle entre la pulsion de mort et la libido dans sa relation avec la réalité. A la pulsion de mort revient "l'amortissement quantitatif de la charge d'excitations", à la libido, liée au principe de plaisir, la qualité même du plaisir ressenti, à la considération du principe de réalité, qui n'est qu'une modification de la libido, "l'ajournement temporel de la décharge", "la tolérance temporaire de la tension de déplaisir". Ainsi la tension de déplaisir est-elle ordinairement vectorisée par le réel du sexe et à la recherche d'une certaine qualité de sensations, et non par le désir de souffrir. (…)
Cette tolérance temporaire de la tension contraste singulièrement avec l'expérience du masochisme. Il ne s'agit plus de tolérance, mais d'appétence pour la tension du déplaisir". (p 12)

*(…) Freud revient à la question du masochisme et rappelle ses trois modalités principales : le masochisme érogène, le masochisme féminin, le masochisme moral". (p 12)

*"L'originalité du masochisme moral apparaît d'emblée. Il se présente comme un sentiment de culpabilité, mais le plus étrange est qu'il soit "généralement inconscient". Lorsque Freud évoque l'existence d'un sentiment de culpabilité inconscient, il ajoute aux thèses classiques de la culpabilité consciente, la mauvaise conscience, une dimension surprenante, la pensée d'une faute "indéterminée", que la structure psychique elle-même chercherait à sanctionner à l'insu du sujet". (p 13)

*"Il semble que la clé du masochisme dans la Métapsychologie comme dans cet article, ne soit pas la douleur, comme le laisserait supposer l'expression "plaisir de la douleur", mais la maîtrise qu'implique ce plaisir.
Le masochiste "veut surtout être traité comme un enfant méchant". C'est cette volonté qu'il convient de relever, ainsi que le désir "d'être traité comme un enfant méchant"". (p 15)

*" (…) la maîtrise est alternativement rapportée à la pulsion de mort et à la libido. Car la maîtrise est équivoque. Elle est celle de la pulsion d'emprise sur le monde extérieur. Elle est celle aussi de la libido sur cette pulsion, elle est en dernière instance mise au service de la libido". (pp 17-18)
*"Qu'est-ce qui distingue le masochisme moral du masochisme érogène ? C'est le relâchement du lien avec la sexualité, comme pour le sadisme. (…) Le masochisme moral accentue la douleur au détriment de la sexualité. (…) La réalité est devenue le réservoir inépuisable des occasions de la souffrance". (pp 19-20)

*"A quoi est-il nécessaire de rattacher le sentiment de culpabilité inconscient ? au besoin de punition de la part d'une puissance parentale. Le désir d'être battu par le père et d'avoir des rapports sexuels "passifs" avec lui peuvent être insérés dans le contenu du masochisme moral. Mais alors quel est le contenu latent de ce masochisme ? C'est la resexualisation de la morale.
Dans un premier temps, elle a été désexualisée, parce que le complexe d'Œdipe l'a été. Freud fait allusion ici à l'expérience du refoulement. Mais dans ce second temps logique et pathologique, la morale est resexualisée. Le sujet opère une régression de la morale au complexe d'Œdipe à nouveau sexualisé. Cette régression n'est selon Freud ni à l'avantage du sujet, ni à celui de la morale. Le plaisir de la douleur est privilégié. La conscience morale est en partie perdue. La tentation de commettre pêché surgit. Par lui le sujet pourra expier sa faute sous les reproches de la conscience morale sadique". (p 28)

* thèmes : masochisme, culpabilité, pulsions
* mots-clés : signifiant, principe de Nirvanà, principe de plaisir, principe de réalité, pulsion de mort, libido, réalité, masochisme érogène/féminin/moral, maîtrise, sexualité, sadisme, objet a, douleur, angoisse, fantasme, réaction thérapeutique négative, Moi Idéal, Surmoi, besoin de punition, culpabilité consciente, Sinthome, sévérité du Surmoi, complexe d'Œdipe.

- pp 31 à 46 : M. G. Dorgeuille, "Sealenmord".
* Thèmes : mélancolie, culpabilité, psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : Byron, Manfred, inceste, liaisons amoureuses, amour, douleur, remords, conscience morale, Surmoi, infirmité, mort.

- pp 47 à 52 : E. Blanc, "De quoi Socrate est-il coupable ?"
"La culpabilité dans l'acte de parole"

"La culpabilité représente à la fois une certaine jouissance et un savoir sur cette jouissance, or le désir commande de renoncer à cette jouissance. (…) (Pour) qu'il y ait acte de parole, la coupure Culpabilité/Déculpabilité ne suffit pas car elle a toujours une résonance morale et imaginaire, il faut, en quelque sorte, rendre cette coupure opérationnelle, c'est-à-dire que le sujet doit s'engager en tant que divisé dans cet acte de parole, il doit engager sa responsabilité, dans une reprise différente et différée de la parole. La responsabilité vient en quelque sorte prendre la place de la culpabilité". (pp 51-52)

* Thèmes : père, culpabilité.
* Mots-clés : images, désir de propreté, désir de mort, phobie du désir, angoisse.

- pp 53 à 57 : J.-L. Rinaldi, "De quoi le psychotique ne serait-il pas coupable ?"
* Thèmes : culpabilité, corps, imaginaire/symbolique.
* Mots-clés : temps, corps, douleur, mère, violence, inceste, imaginaire/symbolique, rapport à la langue.

- pp 59 à 98 : J.-M. Berthomé, "Survivance et culpabilité"
* Thèmes : culpabilité, mort, violence, névrose, psychose, deuil.
* Mots-clés : génocide, silence, anonymat, traumatisme, syndrome du survivant, résistance, sujet en souffrance, refus de l'Autre, reconnaissance, clinique génocidaire, culpabilité, mélancolie, deuil, pulsion de mort, identification à l'objet comme perdu, rêve, répétition, névrose traumatique, psychose, négation, manque, nom, cause du désir/cause traumatique, passage à l'acte, deuil infini, masochisme moral, témoignage.

- pp 99 à 123 : A. Videau, "Naissance du sentiment de la culpabilité dans la Rome augustéenne. Le Prince et la faute du sujet".

* Thèmes : psychanalyse et littérature, violence.
* Mots-clés : faute, culpabilité, guerres, exil, sacré, père.

- pp 127 à 133 : J.-L. Chassaing et P. Petit, "Freud et Dostoïevski, à propos du Joueur".

* Thèmes : psychanalyse et littérature, dette.
* Mots-clés : dette, jeu, addiction, compulsion, création, pulsion de mort, le rien, perversion.

- pp 135 à 164 : C. Dorgeuille, "La construction du mythe de Freud. Le cas Fouquet".

* Mots-clés : Histoire, procès.

- pp 167 à 196 : H. Grimberg, "Enonciation et énoncé".

* Thèmes : langage, psychose, névrose.
* Mots-clés : énoncé/énonciation, psychose, réel/imaginaire/symbolique, paranoïa, désir, hallucination.

B. E. juillet 2002


 


 

La scène primitive et quelques autres
Nouvelle Revue de Psychanalyse
N° 46, automne 1992

- pp 11 à 23 : J.-C. Lavie, "Excellence paradigmatique de la scène primitive"

* Thèmes : sexualité, fantasme, Œdipe.
* Mots-clés : mère, féminité, fantasme, transfert, loi, père, Freud.

- pp 25 à 39 : R. Pujot, "La scène primitive : à revoir"

* Thèmes : sexualité, fantasme, histoire de la psychanalyse, Freud.
* Mots-clés : Freud : L'Homme aux Loups, rêve d'angoisse, phobie, interprétation, angoisse, castration, construction, transfert, mère, auto-analyse, inceste, désir, nom.

- pp 41 à 59 : D. Margueritat, "Quand Freud écoute aux portes… "

* Thèmes : histoire de la psychanalyse, Freud, transfert.
* Mots-clés : Urzene, analyse de formation, transfert, Breuer/Bertha Pappenheim (Anna O), père, inceste, refoulement, nom, fantasme, amour, Jung, Léonard de Vinci, désir de savoir, Fliess, bisexualité, homosexualité, les trois courants "freudiens", meurtre du père.

- pp 61 à 72 : M. Gribinski, "A l'italienne"

* Thèmes : fantasmes, psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : génitalité, signifiant, déplacement, illusion théâtrale, détournement.

- pp 73 à 98 : P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, "Scène. Un échange de lettres"

* Thèmes : psychanalyse et littérature, psychanalyse et philosophie.
* Mots-clés : scène, théâtre, Poétique d'Aristote, lecture/représentation, spectacle/mise en scène, le spectaculaire, art, énonciation, figuration, mimésis, toucher, sobriété.

- pp 99 à 105 : J.-L. Rivière, "Le chameau, l'ours et la belette. Note sur l'invention de la mise en scène".

* Thèmes : psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : mise en scène.

- pp 107 à 120 : E. Gomez Mango, "Le retable des merveilles"

* Thèmes : psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : marionnettes, Don Quichotte de Cervantès, mimésis, illusion, écriture.

- pp 121 à 137 : G. Fihman, "Sur les scènes animées des ciné-rêves de Grandville"

* Thèmes : psychanalyse et art.
* Mots-clés : scène originaire et origine du sujet, cinéma et rêve, Grandville.

- pp 139 à 149 : J. Mac Dougall, "Scènes de la vie primitive"

* Thèmes : fantasmes, sexualité.
* Mots-clés : mère, inceste, érotisme, peau, somatisation, phobie, oralité, Œdipe, amour/haine, énurésie, corps.

- pp 151 à 160 : D. Suchet, "Les choses dernières"

* Thèmes : fantasme, transfert.
* Mots-clés : souvenirs, désir, blessure narcissique, mémoire, curiosité sexuelle, Freud : neurotica, l'Homme aux Loups, Œdipe.

- pp 161 à 173 : C. Chabert, "Scènes de coups"

* Thèmes : angoisse, violence, fantasmes.
* Mots-clés : mots, paroles, image, père, transfert, souvenirs, affects, rêve, sexualité, séduction, inceste, mère, mythe, scène, traumatisme.

- pp 175 à 190 : J. Carroy, "Immaculées conceptions"

* Thèmes : psychanalyse et sacré, psychanalyse et littérature, mythes.
* Mots-clés : concept, récits bibliques, Kleist : La Marquise d'O, sexualité, romans populaires, littérature médico-psychologique, procréation médicalement assistée.

- pp 191 à 210 : U. Marinov, "L'inconscient est idiot"

* Thèmes : psychanalyse et littérature, violence.
* Mots-clés : L'Idiot de Dostoïevski, amour, jalousie, mariage, "idiotie".

- pp 211 à 221 : A. Petitier, "Le roman Guermantes"

* Thèmes : psychanalyse et littérature.
* Mots-clés : Proust : Le Temps retrouvé, amour, amalgame, passé/présent, nouvelle réalité, jeu, désir, sacrifice de l'objet d'amour, art, position du narrateur, à la fois intérieure et extérieure, dislocation/construction, illusion créatrice, mère, mise en abîme.

- pp 223 à 245 : G. Rosolato, "Les fantasmes originaires et leurs mythes correspondants"

* Thèmes : fantasmes, mythes, désir.
* Mots-clés : scène originaire, castration, séduction, retour au sein maternel, différence des générations, différence des sexes, pouvoir, relation à la mort, Œdipe, violence et amour, séparation et union, causalité, mère, déréliction, tiers, signifiants comme potentiel inconscient, l'inconnu, désir et objet de perspective, roman familial, théories sexuelles infantiles, bisexualité, Genèse, monothéisme, mythologie grecque, violence fondamentale, Alliance, sacrifice, immaturité et dépendance, révélation, art, narcissisme, mort et résurrection, immortalité, principe de Nirvâna.

- pp 247 à 260 : P. Bidou, "Des animaux imparfaits : une théorie infantile de l'origine"

* Thèmes : mythe, parole, sexualité.
* Mots-clés : animal, théorie infantile, désir, homosexualité, castration.

- pp 261 à 275 : D. Arasse, "Petit pinceau deviendra grand. Parmigianino et la scène de vulcain"

* Thèmes : psychanalyse et art, sexualité.
* Mots-clés : Parmigianino, contenu du sujet, regard, pulsion sexuelle et création artistique, obscénité, désir d'appropriation de la puissance créatrice

 

B. E. janvier 2003


 


 

Le dehors et le dedans
Nouvelle Revue de Psychanalyse
Numéro 9, printemps 1974

- pp 7 à 22 : J. Starobinski, "Je hais comme les portes d'Hadès… "

* Thèmes : mythe, psychanalyse et littérature, mort.
* Mots-clés : Homère, dissimulation, Bible, séduction, maîtrise, démarcation, Ulysse, fictions, identité.

- pp 23 à 32 : M. de M'Uzan, "S.j.e.m."

* Thèmes : mort, deuil.
* Mots-clés : angoisse de mort, désir d'immortalité, dépersonnalisation, le double, deuil, identification avec l'objet perdu, travail du trépas, libido narcissique/libido objectale, Moi/non-Moi, spectre d'identité.

- pp 33 à 43 : Sami-Ali, "L'espace de l'inquiétante étrangeté"

* Thèmes : angoisse, sujet, objet.
* Mots-clés : l'étrange et le familier, retour du refoulé, Freud : l'Inquiétante étrangeté : "l'Homme au sable", dédoublement, équivalence dedans/dehors, perception/imaginaire, espace spéculaire, projection, espace de contiguïté, effraction, ligne de démarcation réel/imaginaire, relations d'inclusions réciproques, régression partielle, régression topique, miroir, mère, image du corps, double, distance sensorielle avec l'objet.

- pp 45 à 56 : M. Masud R. Khan, "L'espace du secret"

* Thèmes : pratique analytique, relation thérapeute/patient.
* Mots-clés : processus analytique, transfert, cadre, espace potentiel, secret, se cacher/s'absenter, après-coup.

- pp 57 à 71 : A. Anzieu, "Emboîtements"

* Thèmes : angoisse, besoin, désir, corps, transfert.
* Mots-clés : naissance, mère/enfant, refoulement, régression utérine, plaisir/douleur, satisfaction, organes des sens, séduction, secret, cadre analytique, viol, pulsion de mort.

- pp 73 à 92 : O. Flournoy, "Entre trois et deux : Sublimation ou expérience culturelle"

* Thèmes : sublimation, technique analytique, transfert, objet.
* Mots-clés : Œdipe, interprétation, loi, système kleinien, identification, l'analyste-mère, renonciation à la mère, position dépressive, Fairbairn, pulsion chercheuse d'objet, moi central, Guntrip : environnement, moi caché, agression, frustration, parent idéal, sexualité, Winnicott, jeu, angoisse, père, espace potentiel pour l'expérience culturelle, l'analyste-être humain, importance du couple parental et de sa reviviscence symbolisée ailleurs.

- pp 93 à 103 : N. Berry, "Entrer en analyse"

* Thèmes : transfert, angoisse, désir.
* Mots-clés : processus analytique, défense, entrée en analyse, vécu corporel, lieux, régression, pulsion de mort, mouvement dialectique de l'analyse : régression et progression, deuil du passé.

- pp 105 à 124 : P. Schilder, " Psychanalyse de l'espace"

* Thèmes : corps, addiction, psychose, névrose obsessionnelle, dépression, névrose d'angoisse.
* Mots-clés : espace, narcissisme, mescaline, schizophrénie, troubles de la perception de l'espace, caractère symbolique de l'espace, espace du moi de perception, espace du ça : espace de la magie, agressivité, rétrécissement de l'espace, doute, espace et objet d'amour, perception de l'espace et libido.

- pp 125 à 141 : P. Geissmann, "L'espace de la dépression"

* Thèmes : dépression, mère.
* Mots-clés : rêve, mère, expression verbale de l'affection qui manque, repli narcissique, indifférence de la mère, regard, hallucination négative de la mère, phobie, temps, passivité, dépersonnalisation, hallucination hypnagogique, claustrophobie, miroir, claustration, séparation entre l'intérieur et l'extérieur, distorsion spatiale entre le bas et le haut.

- pp 143 à 162 : H. Searles, "Les sources de l'angoisse dans la schizophrénie paranoïde"

* Thèmes : angoisse, psychose, relation thérapeute/patient.
* Mots-clés : schizophrénie paranoïde, fonctions défensives du moi, figure persécutrice, projection, doubles, introjection, transfert, confiance, délire, fragmentation : désintégration et dédifférenciation, suspicion, inquiétante étrangeté, perte des frontières du moi, menace d'exister en tant qu'individu humain, parents, symbiose mère/enfant, phase ambivalente non traversée, identité sexuelle, sentiments refoulés.

- pp 163 à 169 : A. Strachey, "Remarques sur l'emploi du mot interne"

* Mots-clés : fantasmes, réel/imaginaire, intérieur/extérieur.

- pp 171 à 191 : M. Douriez-Pinol, "Les fondements de la sémiotique spatiale chez l'enfant. Réflexions à partir de la théorie opératoire de J. Piaget"

* Thème : enfant.
* Mots-clés : espace, Piaget, imitation, langage, problématique, "du tout et de la partie", mère, corps, objets, relations, construction de l'espace, manipulations sur l'espace, le "discret" et le "continu", troubles de la fonction sémiotique.

- pp 195 à 208 : D Anzieu, "Le moi-peau"

* Thèmes : corps, mère, histoire de la psychanalyse.
* Mots-clés : effets psychiques des carences maternelles, angoisse de séparation, pulsion d'attachement, Winnicott : phénomènes transitionnels, éthologie, espace, mécanismes de défense, peau-frontière, Winnicott : holding, handling, enveloppe, pénétration, moi-peau, Mélanie Klein, dépersonnalisation, pouvoir de guérir, Moi psychique/Moi corporel, les trois fonctions de la peau : contenant, frontière, moyen d'échange, masochisme et narcissisme primaires.

- pp 209 à 218 : J. F. Lyotard, " Economie théâtrique "

* Thème : corps.
* Mots-clés : de la pulsion à la représentation, douleur de l'incompossibilité, théâtre, souffrance.

- pp 219 à 227 : J-M. Labadie, "L'espace meurtri"

* Thèmes : enfance, adolescence, langage, psychanalyse et société.
* Mots-clés : délinquance des mineurs, transgression, milieu socio-culturel, langage, parole, objet, espace social comme lieu scénique de la délinquance comme énonciation, fantasmes, corps.

- pp 229 à 238 : G. Dorfles, "Innen et Aussen en architecture et en psychanalyse"

* Thème : psychanalyse et art.
* Mots-clés : espaces intérieur/extérieur, symbolisme de la maison, dénégation et intériorité.

- pp 239 à 251 : F. Choay, "La ville et le domaine bâti comme corps dans les textes des architectes-théoriciens de la première renaissance italienne"

* Thèmes : psychanalyse et art, corps.
* Mots-clés : histoire de l'architecture : première renaissance italienne, rapport corps/domaine bâti, organisation du corps comme modèle méthodologique et métaphore structurelle, la ville comme corps, la ville comme image du corps.

B. E. août 2002


 


 

Les Conférences de Lamoignon, Le Langage 1
Revue psychiatrie française
mars 2003


Articles qui m'ont intéressée :

- p. 13, Paul Denis, "Les associations libres"

.Importance de la présence et des interprétations de l'analyste pour maintenir une continuité du fonctionnement associatif

Continuité du fonctionnement associatif = témoignage de la continuité narcissique.

. Dépressivité et rupture du fonctionnement "associatif"

. Notion de dépression iatrogène


- p. 38, A. Green, "La cure parlante et le langage"

. Relativisation du langage dans l'œuvre freudienne. La notion pulsionnelle devient l'élément déterminant de l'organisation psychique fondamentale.

. Le double transfert ; objet de l'analyse et objet dans l'analyse comme objet tiers ; notion de processus tertiaires ; le transfert sur la parole, sur l'objet

. Le signifiant et l'Inconscient : place de l'émotion

. Langage et représentation :
"Le signifiant, c'est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant"
A. Green en déduit : "il n'y a de sujet que pour un autre sujet"

- p. 191 : rencontre avec Raymond Kahn au sujet de son ouvrage La Fin du divan

. La finalité de la cure : la subjectivation

. Le processus analytique défini comme une approximation sans cesse reprise dans une sorte d'échange à deux.

B. E. juillet 2003


 



Passions des drogues, Les figures du ravage
(Relation thérapeutique et emprise
Aperçu, sur ce thème, de l'ouvrage)
de Claude Escande


- pp. 11-12 : la demande - le désir : l'effet iatrogène induit par la croyance que l'on peut donner à quelqu'un ce qui lui manque
- pp. 28 : emprise haineuse et amoureuse du mélancolique
- p. 40 : échec des réponses à des demandes centrées sur des besoins
- p. 41 : . la réponse du thérapeute repousse le patient dans l'aliénation
. psychanalyse dans la clinique du toxicomane : échanger de la drogue contre une parole
- pp. 41-42 : réaménagement continuel du cadre
- pp. 42-43 : le thérapeute remplace l'objet d'addiction
- p. 45 : . permettre une reconnaissance des limites
. le non-sens indépassable d'une faute remontant à l'enfance
- p. 46 : . transfert tyrannique
. répondre à la demande/travailler avec la haine comme haine du transfert et haine du désir
- p. 52-55 : transfert et addiction
- p. 61 : impossibilité du sevrage dans la petite enfance, du fait d'un défaut de médiation
- p. 92 : défaut d'identification et d'image narcissique entraînant des tentatives dévorantes ou de dépendance envers autrui
- p. 127 : le silence ou l'absence de thérapeute entraîne chez le patient :
. la sensation de ne plus être
. une tentative de séquestration de l'objet pour tenter de réduire cette douleur psychique
- p. 132 : la drogue comme parade au processus de déliaison ;
l'addiction au thérapeute pourrait se concevoir sur le même modèle
- p. 146 : la vulnérabilité des fondations narcissiques compromet l'alternative consistant à pouvoir faire le deuil d'un objet perdu en lui substituant peu à peu un autre objet
- p. 147 : . dans les relations transférentielles massives, une distance physique trop importante, l'absence de regard et de paroles sont vécues comme un anéantissement de soi
. le thérapeute incarne l'Idéal du moi et remplace une instance symbolique absente ou insuffisante chez le sujet
. le sujet n'a pas perdu l'objet a, qui ne s'est pas constitué, mais a perdu la mère archaïque
. le rien, comme reste d'une opération d'identification ratée, a servi d'identification narcissique au sujet
- p. 150 : . confusion par l'enfant de la perte du sein comme objet partiel et de la perte de la mère comme objet total
. la perte du sein est vécu sur fond de perte de la totalité, comme s'il s'agissait d'une destruction de la mère ou d'une désintégration du moi.

L. P. août 2003


 



L'Etrange jouissance du prochain (1995)
Philippe Julien

En filigrane de ce livre, les Séminaires de Lacan l'Ethique de la psychanalyse et Encore permettent à l'auteur d'effectuer une trajectoire à partir de "l'amour du prochain" pour aboutir à des considérations sur l' "autre sexe" après avoir repris la question de la "jouissance de l'Autre".

Les deux premières parties de l'ouvrage retiennent particulièrement l'attention.

1. L'amour de son prochain

- Qui est le prochain ?

"Cet Autre, ce prochain (en général, en un premier temps, la mère), a deux faces. La première - "l'autre élément" - est à notre image et ressemblance ; ainsi je le comprends comme je suppose qu'il me comprend. Cette première face est mon semblable, mon autre. La seconde - als Ding - est au-delà du semblable. Il est le prochain proprement dit, l'Autre innommable, hors signifié, étrange et étranger à moi-même, imprévisible - disons in-compréhensible au sens étymologique : ce dont je ne peux pas faire le tour. Selon cette seconde face, l'Autre m'apparaît sous le signe du caprice, de l'arbitraire, du sans foi ni loi qui puisse me donner quelque garantie.
Tel est le principe de réalité. Comment faire avec lui ? Comment établir cette relation au prochain ?
Pour cela, il y a le principe de plaisir-déplaisir. Il régit les représentations inconscientes, suivant les lois de déplacement (métonymie) et de condensation (métaphore), lois du signifiant. Il règle par là la recherche de l'Autre comme objet, en tournant autour de lui : chercher, c'est circare, cerner en tournant autour. Est-ce pour le retrouver ? Tout au contraire, c'est pour le perdre en le représentant, c'est-à-dire en le remplaçant par un signifiant. Il s'agit par là d'instaurer une distance, une retenue grâce à cette perte de l'objet, perte qui s'accomplit en tant que l'objet n'est retrouvé qu'en son représentant.
Telles sont les lois de parole. Pas de demande et donc de parole sans la loi de distance instaurant la perte de l'objet primordial". (p. 53)

- Que me veut-il ?

"Que me veut mon prochain ? Comment me repérer pour y répondre ?
a) Selon la première face de l'autre comme mon semblable, le principe de plaisir-déplaisir peut m'orienter, me guider et faire réponse : le bien de l'autre et mon bien ne font qu'un, en miroir. Le propre du bien est de se partager entre semblables : qui se ressemble s'assemble selon le même bien. L'autre veut mon bien à l'image du mien, et inversement.

b) Mais la question freudienne concerne la deuxième face, l'autre versant ; l'Autre, le prochain proprement dit, le réel de la Chose. Là, pas de repère, pas de garantie sur ce que l'Autre me veut, sur son bon ou son mauvais vouloir. En ce point-là, freudiennement parlant, le sujet bute sur l'énigme de la jouissance de l'Autre, non pas du plaisir qui n'est que l'évitement du déplaisir, selon la loi du bien, mais de ce que Freud nomme l'au-delà du principe de plaisir, soit, en bon français, la jouissance.

Telle est la place de l'interrogation freudienne, en tant que la jouissance de l'Autre (génitif subjectif), me concernant, peut impliquer par voie de conséquence ce qui est tout autre que mon bien, soit mon mal. Et inversement, ma jouissance de l'Autre (génitif objectif) en son corps peut comporter le mal de mon prochain". (p. 54)

- Vouloir le bien de l'autre

"La loi du bien tire sa force de l'identification à l'autre mon semblable, et révèle sa faiblesse au point même où cette identification défaille, avec la révélation de la jouissance de l'Autre.
Force et faiblesse de l'amour de bien-veillance ! Oui, je veux le bien de l'autre, mais selon quelles conditions ? Premièrement, le bien que je veux pour l'autre est assurément celui que je voudrais pour moi-même dans la même situation. Deuxièmement, je veux que le bien de l'autre se réalise par moi. Telle est la volonté-de-bien en sa logique propre". (p. 59)

- L'extimité de la méchanceté - la jouissance

"Le mouvement par lequel l'Autre s'exclut du semblable par sa méchanceté est une exclusion qui m'est intime : exclusion interne, extimité. Cette altérité qui m'échappe et me scandalise est d'une étrange proximité à moi-même.
Aimer ce prochain est se faire proche de ce cœur, lieu de ma propre jouissance. Il n'y a rien de plus prochain que ce cœur-là, celui de ma jouissance maligne. De ce lieu, je n'ose pas m'approcher, car cette jouissance est nocive à moi-même comme à mon semblable : elle est au-delà du bien. Mais aimer ce cœur, c'est oser en reconnaître la proximité, si étrange soit-elle. Etrangeté tout intime - Unheimlichkeit, disait Freud -, qui nous surprend en certains actes que nous ne reconnaissons pas… et qui sont pourtant nôtres.
Ainsi, résister au commandement d'aimer son prochain comme étant soi-même, c'est équivalemment reculer devant sa propre jouissance en tant qu'impliquant une part maudite et maléfique." (pp. 66-67)

- Comment rencontrer son prochain ?

"Comment donc rencontrer son prochain ? La seule voie est de se faire assez proche de sa propre jouissance par l'assentiment à ce vide central en son cœur, qui est celui-là même du lieu de jouissance de l'Autre, en tant que ce lieu est le réel de la Chose (das Ding), hors signifié. Freud l'appelle urverdrängt (refoulé originaire et irréductible) : un signifiant manque, celui qui permettrait le savoir de la jouissance de l'Autre. C'est cet assentiment là à la mêmeté de ce vide (un vide en vaut un autre !) qui est à engendrer, de sorte que soit répondu à la question : comment être assez proche de sa propre méchanceté pour y rencontrer son prochain ?". (pp 69-70)


2. La jouissance de l'Autre

- L'amour du prochain

La loi d'aimer son prochain comme soi-même est celle qui permet de ne pas renoncer à la jouissance, mais c'est au risque de rencontrer la méchanceté, la sienne comme la mienne : "Je recule, dit Lacan, à aimer mon prochain comme moi-même, pour autant qu'à cet horizon il y a quelque chose qui participe de je ne sais quelle intolérable cruauté". (L'Ethique de la psychanalyse). (pp. 125-126)


Le constat une fois accompli que chacun se trouve alors responsable de son inconscient, aimer son prochain devient ainsi un appui possible de la jouissance : "puisqu'il n'y a pas d'Auteur à la Loi, il ne reste qu'à prendre sur soi la Loi comme appui de la jouissance : sur chaque sujet repose la charge de la place de la jouissance, dont le défaut rendrait vain l'univers" (Ecrits p. 819) et absurde le travail de Sisyphe. Et si la jouissance nous est ordinairement interdite, ce n'est pas "par un mauvais arrangement de la société, mais (…) par la faute de l'Autre s'il existait : l'Autre n'existant pas, il ne me reste qu'à prendre la faute sur Je". (ibid. p. 820).
Autrement dit, chacun, chacune, est responsable de son inconscient et de la Loi qui s'y articule. Plus personne de bon ou de méchant pour nous en dispenser. Telle est la voie que fraye la psychanalyse : être la dupe de son inconscient de la bonne façon pour ne pas errer, ne pas le haïr jusqu'au suicide - à grand ou à petit feu, peu importe ! - Le précepte du "Wo Es war, soll Ich werden" est d'aimer ce qui nous est propre ("das Eigenste"), ce tout-prochain qu'est pour chacun ce "Wo Es war", en se faisant proche de ce lieu, de ce cœur en soi-même, "méchanceté comprise". L'enjeu est de "se faire assez voisin de sa propre méchanceté pour y rencontrer son prochain". (Lacan, Ecrits p. 789)". (…)

Ainsi, la Loi d'aimer son prochain, loin d'être une barrière contre la jouissance, en est l'appui (…)". (pp. 126-127)


B. E. octobre 2003